Malgré la guerre, la Russie continue d’envoyer du gaz vers les pays européens via l’Ukraine. C’est même l’un des deux seuls gazoducs Russie-Europe qui fonctionne encore actuellement. Mais tout porte à croire que le robinet va bientôt être coupé là aussi.
Kiev confirme ce que beaucoup redoutaient : l’Europe ne recevra bientôt plus de gaz russe via l’Ukraine

Pourquoi est-ce important ?
Depuis l'été 2022, les volumes de gaz russe envoyés vers l'Europe ont considérablement baissé. Ce qui a fait grimper les prix. Entretemps, de nombreux pays européens se sont tournés vers d'autres partenaires - plus lointains - pour leur acheter du gaz naturel liquéfié (GNL). Ce qui, couplé à un hiver plus doux que prévu, a permis de faire chuter les prix. Mais malgré cette accalmie, il ne faut pas croire que la crise est passée : certains pays européens dépendent encore énormément du gaz russe, et c'est un problème pour tous leurs voisins.Dans l’actu : l’Ukraine confirme que le contrat ne sera probablement pas renouvelé.
- Dans une interview accordée au Financial Times, le ministre ukrainien de l’Énergie a confirmé ce que beaucoup redoutaient : sauf grosse surprise, le contrat de transit par du gaz russe via son pays ne sera pas renouvelé.
- À partir du 1ᵉʳ janvier 2025, l’Europe devrait donc encore moins de gaz russe.
Les détails : qu’a dit le ministre ukrainien de l’Énergie ?
- Signé le 31 décembre 2019, ce contrat a une durée de cinq ans. Au vu des circonstances, il semble très peu probable que Russes et Ukrainiens se mettent à table pour le renouveler.
- « Je ne peux vraiment pas imaginer comment cela pourrait être bilatéral », a déclaré German Galushchenkolo au FT. « Je peux vous dire que nous préparons notre système à une coupure d’approvisionnement. »
- Même si c’était pressenti, c’est la première fois qu’un responsable ukrainien confirme que le gaz russe ne transitera plus par l’Ukraine après fin 2024.
- Il y a quelques semaines, la Russie avait quant à elle indiqué qu’un non-renouvellement du contrat « porterait un coup dur » à l’UE et que l’Ukraine « se tirerait une balle dans le pied en perdant les dividendes du transit ».
Cela n’augure rien de bon
Les explications : quelles conséquences cela peut-il avoir ?
- Actuellement, le gaz russe transitant par l’Ukraine représente encore 5% de l’approvisionnement total de l’Europe.
- Celui transitant par la Turquie, le seul autre gazoduc Russie-Europe encore fonctionnel, est moins important : environ 3%.
- 5%, cela peut paraître peu à l’échelle européenne, mais pour certains pays, ce pourcentage est bien plus élevé.
- L’Autriche, un pays dont on vous a déjà beaucoup parlé pour sa (volontaire) lenteur à se défaire de sa dépendance à la Russie, importe plus de la moitié de son gaz (64%, chiffres d’avril) de la Russie, dont une bonne partie via le gazoduc ukrainien.
- La semaine dernière, le ministre allemand de l’Énergie a déjà alerté : un non-renouvellement du contrat aurait des conséquences pour l’Europe dans son ensemble. Car les pays qui viendraient à manquer de gaz devraient en recevoir de la part d’autres, dont l’Allemagne. Ce qui nuira à la production industrielle de son pays, a prévenu Robert Habeck.
- Forcément, si le moteur économique de l’Europe tousse (il est déjà en récession, rappelons-le), cela n’augure rien de bon pour l’ensemble du Vieux Continent.
- On notera par ailleurs qu’un tarissement de l’approvisionnement de l’Europe pourrait constituer une pression supplémentaire sur les prix.
Deux raisons pour ne pas tomber dans le pessimisme complet :
- D’une part, le ministre ukrainien l’a souligné lui-même, les pays européens sont plutôt bien préparés à la coupure de l’approvisionnement via l’Ukraine. Contrairement à ce qu’il s’est passé l’été dernier, ils ont le temps d’anticiper. Ce qui signifie, grosso modo : continuer de signer des contrats avec d’autres pays, se donner les moyens de réceptionner leur GNL et gérer au mieux la consommation.
- D’autre part, il n’est pas tout à fait impossible que la Russie continue d’envoyer son gaz vers l’Europe à partir de 2025. Des responsables européens pourraient se mêler aux négociations et (peut-être) réussir l’exploit de concilier toutes les parties pour un renouvellement.
- En outre, même si le contrat expire sans être prolongé, « Gazprom pourrait techniquement encore envoyer du gaz via l’Ukraine en réservant des capacités par le biais d’enchères que son gestionnaire de réseau de transport de gaz est tenu de tenir, en vertu des règles européennes », explique le FT.
Conclusion : tout n’est pas encore perdu, mais il faudra que tout le monde se retrousse les manches.