Turquie, Grèce et hydrocarbures : l’autre frontière remise en question aux portes de l’Europe

En temps de crise énergétique, un plan de prospection pour de nouveaux gisements d’hydrocarbures exploitables à proximité directe de l’Union européenne pourrait passer pour une bonne nouvelle. Sauf que celui-ci ne fait qu’accentuer les tensions dans une région où l’escalade reste une possibilité réelle.

Un protocole d’accord pour l’exploration d’hydrocarbures en mer signé entre le gouvernement libyen d’unité nationale et la Turquie remet ouvertement en question le territoire de l’UE, signale Euractiv. Tripoli et Ankara se sont rapprochés depuis la chute de Mouammar Kadhafi, bien que le gouvernement libyen basé dans la capitale ne contrôle pas tout le pays et se trouve confronté à une assemblée rivale basée à Syrte.

Au mépris du droit de la mer

Depuis 2019, la Turquie et ce gouvernement suivent un protocole de coopération qui comprend, entre autres, la recherche de nouveaux gisements en mer Méditerranée. Mais ce projet empiète en fait sur les eaux territoriales grecques, au sud de la Crète. L’UE, Washington et Athènes ont tous condamné l’accord, affirmant qu’il déstabilise la région, porte atteinte aux droits souverains d’États tiers, n’est pas conforme au droit de la mer et ne peut produire aucune conséquence juridique pour les États tiers. Il convient d’ailleurs de noter que le gouvernement libyen de Syrte s’est joint à ces critiques.

Mais le gouvernement turc n’a visiblement que faire de ces critiques, après de nombreux épisodes de provocation à l’encontre de la Grèce sur la question du tracé des frontières : Ankara ne reconnait ainsi pas la souveraineté d’Athènes sur une série d’îles du Dodécanèse ; « Nous arracherons les yeux de quiconque tente de couvrir nos droits et notre justice », a même récemment déclaré à ce sujet Devlet Bahçeli, le partenaire gouvernemental d’extrême droite de Recep Tayyip Erdoğan.

Course aux armements et anciennes tensions

Une rhétorique de surenchère qui fait peur en Europe, alors que la guerre en Ukraine met déjà l’Union dans une situation délicate. La Turquie multiplie les déclarations à l’encontre de la Grèce et les deux pays – tous les deux membres de l’OTAN – se sont lancés dans ce qui ressemble bien à une course aux armements. « Le dernier accord d’Ankara montre que la Turquie suit un modèle », a déclaré une source européenne à Euractiv avant un sommet européen cette semaine auquel le président turc Recep Tayyip Erdoğan devrait participer. Tous les mouvements de la Turquie, tant dans la rhétorique que dans la pratique, montrent qu’Erdoğan suit un modèle à travers la répétition de certains mouvements. L’objectif est de remettre en question le statu quo actuel. »

Les motivations turques sont économiques, ces gisements potentiels représentant une source de futurs revenus non négligeables – et tant pis pour les règles internationales – mais aussi électoralistes. Erdoğan prépare les élections de l’année prochaine et veut flatter l’électorat nationaliste en paraissant intransigeant face à « l’ennemi traditionnel » que représente la Grèce à ses yeux. Les deux pays se sont affrontés tout le long du XXe siècle. Et le précédent ukrainien montre que ce genre de zone de tension non résolue peut toujours dégénérer rapidement en véritable conflit.

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