Quelle est la valeur des tests de personnalité lors des recrutements?

Insights Discovery, CliftonStrengths, Myers-Briggs, DiSC : autant de tests de personnalité devenus des outils incontournables lors des processus de recrutement de certaines entreprises. Mais quelle est réellement leur valeur ? 

Le marché des tests de personnalité est évalué à 500 millions de dollars, et bénéficie de taux de croissance compris entre 10 et 15 % par an. Dans certaines entreprises, ils sont un élément obligatoire du parcours de recrutement.

Des tests de personnalité devenus incontournables dans certaines entreprises

Tous cherchent à catégoriser les postulants à un emploi selon une « cartographie » particulière de la personnalité. Insights Discovery leur attribue une couleur et un rôle idéal, comme coordinateur, inspirateur ou observateur. Le modèle DiSC vise à mesurer la domination, l’influence, la stabilité et la conscience des candidats. Quant au test le plus utilisé par les DRH, le Myers-Briggs, il se fonde sur la théorie psychologique du Dr Carl Jung pour déterminer le degré d’extraversion ou d’extraversion, de déduction ou d’intuition, de réflexion ou d’émotion du sujet, entre autres.

Ces tests de personnalité font gagner du temps pour le développement de la culture d’entreprise. Ils favorisent la création des liens interpersonnels entre les salariés et la bonne entente au sein des équipes. Et comme l’astrologie, ma numérologie, ou d’autres pseudo-sciences, ils promettent de ranger les gens dans des catégories, de percer certains des secrets de leur personnalité.

« L’illusion d’une expertise en psychologie »

Mais quelle est leur valeur ? Le professeur de psychologie organisationnelle à l’Université de Pennsylvanie, Adam Grant, ne leur accorde qu’une confiance limitée. Il explique qu’ils n’ont guère été éprouvés scientifiquement : « Le Myers-Briggs, c’est comme demander aux gens ce que vous aimez le plus : des lacets de chaussures ou des boucles d’oreilles… » Quelle peut être la valeur de la réponse avec une question aussi absurde ? Ces tests « donnent l’illusion d’une expertise en psychologie », déplore-t-il, soulignant qu’il n’existe pas de personne purement introvertie ou intravertie.

Darshana Narayananan, une neuroscientifique qui a autrefois travaillé pour une entreprise qui conçoit de tels tests psychométriques en y associant l’intelligence artificielle, demeure très sceptique concernant leur utilisation dans le cadre du recrutement ou de la promotion : « J’ai l’impression que ce genre de tests ne fonctionnent pas », dit-elle. Elle souligne que compte tenu de la complexité de la personnalité, toute démarche pour tenter de cerner un individu devrait comprendre plusieurs observations s’étalant sur une période prolongée. « Je ne crois pas qu’on puisse en apprendre beaucoup en demandant à quelqu’un de répondre à dix questions ou en observant le comportement de cette personne pendant seulement 30 minutes », conclut-elle.

Myers-Briggs n’a aucun fondement scientifique

Alison Green, créatrice du populaire blogue « Ask a Manager », a dit avoir reçu plusieurs lettres de personnes dont la carrière a été affectée négativement par leurs résultats au test de Myers-Briggs. Certains se sont vu refuser de travailler sur certains projets, ou ont été écartés de certaines promotions en raison de leur type personnalité déterminé d’après ce test.

Le test Myers-Briggs a été conçu par Katharine Cook Briggs, une femme au foyer et sa fille Isabel Myers. Aucune d’entre elles n’avait suivi de formation en psychologie, mais il est devenu un outil favori des directeurs de ressources humaines, alors même qu’il n’a aucun fondement scientifique. « Ce ne devrait pas être un outil pour confier un poste, ou décider qui promouvoir », juge Green.

Des outils utiles pour séparer le bon grain de l’ivraie

Mais il n’en reste pas moins que ces tests sont des outils utiles pour les cadres des ressources humaines confrontés au défi de départager de multiples candidats. Ils permettent d’effectuer un premier tri, et d’éviter des prises de décisions uniquement dictées par des impressions discutables.

En effet, un recruteur type se forme habituellement un jugement sur un candidat 0,2 seconde après son entrée en contact avec cette personne, et il ne lui faut que 10 secondes pour décider de l’issue de l’entretien. Mais les embauches décidées sur cette base se soldent souvent par des échecs. Les candidats recrutés de cette manière ont 46 % de chances de quitter l’entreprise dans les 18 premiers mois.

Dans ce contexte, les tests s’avèrent précieux pour filtrer les candidats, et éliminer les postulants les moins aptes à tenir le poste proposé.

Plus