Terrorisme culinaire au Japon : quand des « pranks » idiots deviennent un enjeu économique et une affaire d’État

L’archipel japonais a déjà été confronté à bien des périls, qu’ils soient réels – séismes et autres tsunamis – ou encore issus de la fiction – Godzilla et autres invasions de Kaijū. Mais voilà que la société nipponne se retrouve attaquée sur deux de ses fondations à la fois, à savoir son amour de la cuisine traditionnelle et son obsession pour l’hygiène. Et c’est en train de tourner à l’enjeu sociétal à l’échelle nationale.

C’est un étrange phénomène qui est reporté depuis environ un mois sur l’archipel japonais : des « farces » qui consistent globalement à de petits sabotages discrets commis par des clients dans des restaurants à sushis se multiplient sur les réseaux sociaux.

Terrorisme culinaire

Ce sont en général de très jeunes clients, voire des enfants, qui se filment triturant les plats sur le tapis roulant, léchant les bouteilles de sauce soja ou les cuillères, voire crachant sur la nourriture. Des blagues idiotes, qui se résument à vouloir gâcher l’expérience des autres clients et qui dégoûteraient bien du monde dans la plupart des pays ; mais une pratique qui a été qualifiée de « terrorisme culinaire » au Japon.

Dans un pays réputé pour la rigueur de ses normes de propreté et de son étiquette culinaire, cette mode peu ragoutante suscite beaucoup d’inquiétude, et de nombreux Japonais hésitent à se rendre au restaurant, relève The Guardian. Au grand dam du secteur de la restauration dans le pays.

Car les conséquences économiques sont réelles : plusieurs chaînes de kaitenzushi (ces restaurants emblématiques où les sushis défilent sur un tapis roulant) ont vu leurs actions chuter à la bourse, parfois jusqu’à 5%, comme ce fut le cas fin février pour Sushiro, l’une des enseignes les plus populaires. Le secteur pèse 740 milliards de yens dans l’économie japonaise, soit 5,7 milliards de dollars. Pendant ce temps, les tenanciers cherchent de nouvelles manières de servir afin de rassurer les clients.

Premières arrestations

Or, ce phénomène ne s’estompe pas : cette semaine, trois personnes ont été arrêtées par la police de Nagoya. Elles sont suspectées d’avoir commis un « attentat » dans un restaurant de la chaîne Kura Sushi : l’un d’eux, âgé de 21 ans, est accusé d’avoir léché une bouteille de sauce en libre-service. Ses deux complices ont 15 et 19 ans. Ils sont passibles d’obstruction au commerce, selon la loi japonaise. Ce sont les premières arrestations liées à cette tendance peu appétissante.

« Les sushis sur tapis roulant font partie de la culture japonaise et nous en sommes fiers. Nous voulons nous assurer que nos clients peuvent manger des sushis livrés sur le tapis roulant en toute sécurité et confortablement. »

Un porte-parole de Kura Sushi

Une pratique qui est toutefois remise en question : plusieurs restaurants ont décidé d’arrêter les tapis roulants et de procéder à un service à table « à l’occidentale » afin d’empêcher les sabotages. Les clients n’auront accès aux condiments et aux sauces qu’une fois qu’ils auront pris place à une table. D’autres restaurants envisagent de placer des caméras au-dessus de leurs tapis roulants.

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