Sortie du nucléaire: entre chiffres et choix politique

Après le rapport du Conseil supérieur de la santé, c’était au tour d’Elia de remettre le résultat des enchères du mécanisme de rémunération de la capacité (CRM). Il s’agit du mécanisme qui vise à subventionner les capacités énergétiques qui devront compenser la sortie du nucléaire.

Pourquoi est-ce important ?

On sait désormais par qui et pour quelle capacité sera compensée la fermeture des 7 réacteurs nuclaire à l'horizon 2025. Du moins en partie: cette première enchère qui sera suivie d'une autre en 2024 a permis de couvrir 66% des 7,3 GW nécessaires. Le souci, c'est que le gouvernement ne pourra pas attendre cette date pour décider. Le choix de sortir du nucléaire reste éminemment politique.

En chiffres

  • 40 projets ont été sélectionnés pour un total de 4,5 GW et un prix moyen de 31.672 euros par MW.
  • Parmi ces projets, deux nouvelles centrales à gaz toutes deux proposées par Engie. L’une sera située – si tout va bien – en Flandre à Vilvorde (796 MW), l’autre en Wallonie à Awirs (805 MW).
  • Les autres projets concernent principalement des unités de production existantes (56%), de la gestion de la demande (7%) et des batteries (1%).
  • Sur les 7,3 GW nécessaires, 4,5 ont donc été attribués. Ce qui veut dire qu’il reste 2,8 GW à définir via la deuxième enchère en 2024 où seront sélectionnés de nouveaux projets, des projets mieux aboutis ou encore des capacités étrangères provenant principalement des pays voisins. Elia n’en manque pas de ses propres dires.
  • Si un permis de bâtir venait à manquer par exemple pour la centrale à gaz de Vilvorde qui rencontre une opposition de la N-VA, Elia assure avoir des solutions de rechange.
  • Le critère de la rentabilité est celui qui a primé. Les résultats de la première enchère coûteront aux pouvoirs publics la somme de 141 millions d’euros. Il faudra attendre la 2e enchère pour connaitre le total des subventions évaluées autour des 250 millions d’euros, selon les dernières estimations.

Politique

  • La prochaine échéance sur le calendrier de la sortie du nucléaire sera le rapport complet d’Elia qui sera proposé au gouvernement d’ici peu. Celui-ci devra évaluer deux paramètres: la sécurité de l’approvisionnement et le coût d’une sortie du nucléaire. Au niveau du prix, une récente étude de l’UGent, très vite critiquée par les pro-nucléaires, estimait le coût supplémentaire comme minime. Quant à la sécurité d’approvisionnement, les Verts sont confiants : « Les premiers résultats présentés par Elia montrent clairement que nous pouvons garantir l’approvisionnement en énergie pour toutes et tous. Tous les éléments sont sur la table pour la poursuite de la mise en œuvre de l’accord de coalition », expliquent-ils par communiqué.
  • Pour l’heure, de l’aveu même de son président Georges-Louis Bouchez, le MR est isolé. Mais le parti libéral compte bien mettre un maximum de pression pour prolonger deux des sept réacteurs. Même si c’est parfois fait maladroitement par l’ancienne ministre de l’Énergie, Marie-Christine Marghem (MR), qui se déchaine sur les réseaux sociaux ces derniers jours. Mais pour le président libéral, qui l’explique dans l’Echo, le fait que l’on ne connaitra le résultat final des enchères qu’en 2024 pose justement problème car il sera alors trop tard. Et puis, il y a ces centrales à gaz qui peuvent toujours faire l’objet d’obstacles (permis de bâtir et recours). Prolonger deux réacteurs faciliterait les choses et rendrait caduques ces deux centrales, estime le libéral.
  • Idéologie contre pragmatisme, écologistes et libéraux s’opposent sur la construction de centrales à gaz qui augmentera de manière empirique, au moins temporairement, les émissions de CO2 belges. Mais les Verts ne veulent plus reporter une sortie du nucléaire décidée en 2003 déjà, de sorte que le politique porte toute son attention future au renouvelable.
  • Le MR a encore l’espoir de rallier une majorité pour éviter la sortie du nucléaire, même si cela doit se faire avec le principal parti d’opposition: la N-VA. Il faut dire que tant l’Open VLD du Premier ministre que le PS, premier parti de la coalition, sont particulièrement discrets ces derniers jours. Selon GLB, le prix pourrait faire pencher la balance en sa faveur.
  • Le gouvernement ne pourra pas attendre 2024 pour trancher. C’est pourquoi il doit décider sur base de ce rapport-ci avant la fin du mois de novembre. L’horloge tourne.

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