Malaise chez Shell : des employés écrivent eux-mêmes à leur patron pour qu’il freine son élan anti-renouvelable

Le nouveau patron de Shell fait-il prendre un mauvais virage à son entreprise – à la réputation déjà fameusement entachée ? C’est ce que lui reprochent certains de ses employés. Moins d’un an après sa prise de fonctions, Wael Sawan a déjà pris pas mal de décisions controversées.

Dans l’actu : une lettre d’employés inquiets chez Shell.

  • Selon les informations de Reuters, deux employés de Shell ont écrit une lettre reprochant à leur patron son désinvestissement dans les énergies renouvelables. Et son intérêt un peu trop important pour le pétrole.
  • Sur le site interne de l’entreprise, leurs collègues les ont vivement soutenus. Et Wael Sawan a fini par réagir lui-même.

« Nous ne sommes peut-être pas d’accord, mais… »

Les détails : qu’ont-ils écrit ?

  • Reuters a pu lire la lettre rédigée par les deux travailleurs, qui officient chacun dans la division « bas carbone » de Shell.
  • « Depuis longtemps, Shell a pour ambition d’être un leader dans la transition énergétique. C’est la raison pour laquelle nous travaillons ici », ont-ils écrit, avant de faire part de leurs inquiétudes vis-à-vis de la direction que semble lui faire prendre Sawan.
  • « Les récentes annonces faites pendant et après le Capital Markets Day nous inquiètent profondément… Nous ne pouvons qu’espérer que l’apparence des annonces du CMD nous trompe et que Shell poursuive son chemin de leader dans la transition énergétique », ont-ils notamment écrit.
  • Très vite, les likes et commentaires ont afflué. La lettre aurait ainsi récolté plus d’un millier de mentions « j’aime ». De la part d’autres travailleurs de Shell, donc.

La réaction : le patron répond.

  • Toujours selon Reuters, Sawan a lui-même participé au débat sur le site interne de l’entreprise. En leur livrant une réponse fort convenue.
    • « Il n’y a pas de réponses faciles et les dilemmes et défis ne manquent pas », leur a-t-il répondu.
    • « Nous ne sommes peut-être pas toujours d’accord sur la voie à suivre, mais je suis satisfait du rôle que Shell joue et continuera de jouer », a ajouté le patron de Shell. « Je suis fier de la façon dont nous fournissons chaque jour une énergie abordable et sûre aux gens, tout en travaillant dur pour fournir des solutions à faibles émissions de carbone à nos clients, alors que nous passons au fil du temps vers une entreprise à émissions nettes nulles. »
  • Plus officiellement, un porte-parole de Shell a à son tour tenté d’arrondir les angles.
    • « Nous apprécions le fait que notre personnel soit engagé et passionné à la fois par la transition énergétique et par Shell », a-t-il assuré.
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Des décisions controversées

Le contexte : pourquoi les employés de Shell s’inquiètent-ils ?

  • Sawan a pris la tête de Shell en janvier dernier, succédant à Ben van Beurden.
  • Il travaillait déjà dans l’entreprise depuis plus de quinze ans. Son dernier poste avant d’en devenir le CEO ? Directeur de la division « Integrated Gas, Renewables and Energy Solutions ». Et pourtant, ça ne s’est pas vu lors de ses premiers mois au gouvernail de Shell.
  • Le 14 juin dernier, lors du fameux Capital Markets Day pointé du doigt dans la lettre, Sawan a dévoilé sa stratégie pour améliorer les performances opérationnelles et la rentabilité de Shell.
    • Il a notamment annoncé souhaiter voir la production de pétrole de son groupe rester « stable » jusqu’en 2030. De quoi rendre caducs les objectifs de réduction annoncés deux ans plus tôt.
    • Le nouveau patron a aussi dit vouloir être plus prudent et sélectif dans les investissements dans les énergies renouvelables.
    • Mais tout cela sans toucher au grand objectif de réduction des émissions de Shell : devenir une compagnie énergétique à zéro émission nette d’ici 2050.
  • Quelques jours plus tard, le responsable mondial des énergies renouvelables de Shell, Thomas Brostrom, a claqué la porte. Et il n’a pas été remplacé : son poste a disparu de l’organigramme.
    • Deux ans plus tôt, l’arrivée de l’homme qui avait fait les beaux du géant de l’éolien Orsted avait pourtant été saluée comme une belle promesse d’avenir pour Shell.
    • Depuis son départ, d’autres hauts dirigeants de Shell ont quitté la division « bas carbone et énergies renouvelables », souligne Reuters.
  • Dans le même temps, Shell a abandonné des projets éoliens offshore en Europe. Et a annoncé chercher à vendre des participations dans des projets renouvelables en Inde.
  • On peut aussi signaler que le géant pétrolier a récemment abandonné son gigantesque projet de compensations carbone. C’était le plus grand au monde. Et même si ce système est très critiqué, ce choix reflète lui aussi le désinvestissement de Shell dans les projets « verts » (avec de gros guillemets).
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