Salvini crée une alliance de populistes d’extrême-droite dans la perspective des Européennes

Lundi, le ministre italien de l’Intérieur d’extrême droite, Matteo Salvini, a lancé un mouvement destiné à fédérer les partis nationalistes populistes européens, dans la perspective des élections européennes. Lors du lancement de cette nouvelle « alliance européenne » pour une « Europe du bon sens », organisé à Milan, Salvini a promis de « sauver l’Europe ». Mais l’adhésion à ce mouvement semble pour le moment timide, et le seul vrai poids lourd européen à l’avoir rejoint est le parti allemand Alternative pour l’Allemagne (AFD).

« Une famille pour rétablir le rêve européen »

« Nous sommes très heureux de présenter cette nouvelle famille politique (…) qui va grandir », a déclaré Salvini, ajoutant qu’il souhaitait créer « la plus large et plus puissante formation du Parlement européen ».

« Si l’UE est basée uniquement sur les affaires et la finance, ce n’est pas un rêve mais un cauchemar. (…) Les partis au pouvoir nous ont amenés à la pauvreté, à l’incertitude et à l’insécurité (…) Notre famille politique, elle, remettra le travail, la famille et la sécurité au centre », a-t-il ajouté. « Nous ne sommes ni nostalgiques, ni extrémistes, ni racistes, nous regardons l’avenir ».

Salvini était entouré de Jörg Meuthen, porte-parole de l’AfD (second à gauche sur notre photo de couverture), Olli Kotro, chef des Vrais finlandais (premier à gauche), et Anders Vistisen, du Parti populaire danois (quatrième à droite). Mais en dépit de leur enthousiasme, il était difficile de ne pas remarquer les absents. Aucun membre du Rassemblement national français, du Fidesz hongrois et du parti Loi et Justice de Pologne n’ont souhaité s’associer à cette initiative.

Un famille… en désaccord sur la question de l’immigration

L’Italien est en effet confronté aux difficultés liées à la grande variété des populistes d’extrême droite européens. Car même s’ils s’accordent tous sur la nécessité de limiter le pouvoir de l’UE et de rejeter ses valeurs libérales, ils sont en désaccord sur des questions fondamentales.

Par exemple, alors que l’AFD défend le libre marché, le Rassemblement national (RN) prône le protectionnisme. Les partis populistes d’extrême droite s’accordent généralement sur la fermeture des frontières à l’immigration. Mais il n’y a pas consensus concernant la gestion des migrants qui parviennent en Europe.

Salvini, qui est aussi vice-Premier ministre de l’Italie, un pays qui a enregistré plus de 360 000 arrivées de migrants depuis 2016, veut qu’on les répartisse entre les différents pays européens. Mais la Hongrie et la Pologne rejettent catégoriquement l’idée d’accueillir des migrants, et ont refusé d’appliquer la politique des quotas mise en place par l’UE. De même, le RN et l’AFD y sont opposés.

Ce désaccord important complique les tentatives de l’extrême droite de forger une politique commune des migrants, un élément clé de la gouvernance européenne.

… Et celle des relations avec la Russie

Les relations avec la Russie sont aussi un autre point de friction. Les partis d’extrême droite au pouvoir en Italie et en Autriche souhaitent se rapprocher de Moscou. Ils voient en la Russie un puissant partenaire commercial potentiel, et, bien sûr, un appui politique contre Bruxelles. Mais il n’en va pas forcément de même dans les ex-pays du bloc soviétique. En particulier, le parti Loi et Justice polonais se montre plus circonspect. Ainsi, contrairement à Rome et Vienne, Varsovie n’a jamais appelé à mettre fin aux sanctions économiques contre la Russie.

Les pays ne partagent pas non plus les mêmes valeurs en matière de laïcité, et seuls la Ligue de Salvini et le parti Loi et Justice polonais veulent promouvoir les racines chrétiennes de l’Europe.

La majorité des citoyens européens n’est pas eurosceptique

Enfin, même si Salvini parvient à fédérer quelques mouvements d’extrême droite, il est peu probable qu’il réussisse à infléchir les convictions d’une majorité de citoyens européens qui n’ont jamais été aussi favorables à l’UE, en dépit de leur désamour pour les partis traditionnels.  En novembre, un sondage commandé par la Commission européenne et mené par Eurobarometer a révélé que 68 % des citoyens de l’Union européenne estimaient que leur pays avait bénéficié de son adhésion au bloc.

Cette opinion était même majoritaire dans 21 pays. Par contraste, en 2014, elle ne l’était que dans 8 pays seulement. Ce revirement s’explique pour partie par le Brexit, et la déstabilisation qu’il a entraînée pour le Royaume-Uni, et à laquelle nous sommes témoins.

Ainsi, même si 42 % des Italiens « seulement » estiment que l’adhésion à l’UE a été bénéfique pour leur pays, cette proportion grimpe à 60 % en Hongrie et même à 70 % en Pologne.

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