Tous les moyens sont bons pour nourrir la machine de guerre : la Russie relève l’âge maximal de la conscription

Tous les moyens sont bons pour nourrir la machine de guerre : la Russie relève l’âge maximal de la conscription
Des conscrits russes à Saint-Pétersbourg, en 2015. (OLGA MALTSEVA/AFP via Getty Images)

Le gouvernement russe a voté ce lundi le relèvement de l’âge maximum jusqu’auquel les hommes du pays peuvent être soumis à un an de service militaire obligatoire. Mais il a aussi donné aux gouvernements régionaux la possibilité de lever leurs propres troupes.

En Russie, ce n’est pas à proprement parler un service militaire au sens où on l’entend qui a cours, mais un système de conscription : deux fois par an, le ministère décide du nombre d’appelés nécessaire. Un système qui, bien sûr, nourrit les passe-droits et la corruption pour y échapper. Ce qui s’avère de plus en plus difficile, y compris pour raison de santé ou pour entreprendre des études, ce qui auparavant pouvait suffire.

Des amendes 10 fois plus lourdes pour les réfractaires

  • L’âge maximal pour être enrôlé était de 27 ans ; le voici relevé à 30 ans. Une mesure qui vise clairement à offrir du sang neuf à une armée qui a subi des pertes énormes en Ukraine.
  • « À partir du 1ᵉʳ janvier 2024, les citoyens âgés de 18 à 30 ans seront appelés au service militaire », a déclaré la chambre basse du parlement après l’adoption du projet de loi en deuxième et troisième lectures. Le texte doit encore obtenir l’approbation de la chambre haute et du président, mais ce sont là des formalités.
  • La loi interdit également aux conscrits de quitter le territoire une fois que le bureau d’enrôlement leur a envoyé leur convocation, note The Guardian. Des mesures qui visent à éviter le fiasco de la vague de mobilisation partielle de septembre 2022. Les réfractaires, qui ont déserté dans les pays voisins, se sont comptés en centaine de milliers. Les amendes pour non-présentation sont aussi passées de 3.000 à 30.000 roubles.

Rappel : en Russie, les conscrits ne peuvent pas être déployés à l’étranger, à l’inverse des soldats professionnels. Du moins tant que le pays n’est pas en guerre. Or, le Kremlin refuse obstinément de qualifier ainsi « l’opération spéciale » en Ukraine.

Grossir les rangs

  • Mais ce sang neuf, juste un peu plus âgé, peut libérer de nouvelles troupes professionnelles pour un départ vers le front, en occupant à leur place les postes à l’intérieur des frontières.
  • Un autre élément à prendre en compte est que les conscrits russes sont notoirement pressés par leurs officiers à signer un véritable engagement, parfois par réel appât du salaire, et parfois par la menace. Après ses campagnes de recrutement de volontaires, le ministère de la Défense espère sans doute qu’une portion significative de conscrits signeront encore.
  • De là à ce que ça se fasse sans heurts, cela reste par contre à prouver. La mobilisation partielle de l’automne a occasionné des troubles, en particulier dans les républiques fédérées d’Extrême-Orient, qui fournissent une part disproportionnée des recrues par rapport à leur population – à l’inverse des grandes villes de Russie d’Europe. En outre, des fusillades ont parfois été commises par de nouveaux conscrits sur des bases militaires.

Le recours aux milices

Plus de pouvoir aux gouvernements locaux : Moscou leur offre le droit de lever des milices.

Les gouverneurs russes auront dorénavant le pouvoir de créer des unités paramilitaires régionales pendant les périodes de mobilisation ou de loi martiale.

  • Une décision assez étrange après la crise Wagner : voilà que Poutine laisse libre cours à la création d’autres milices, mi-privées, mi-professionnelles, dont on se demande bien sur quels critères elles seront recrutées.
  • C’est en tout cas à rebours total avec la centralisation croissante du pouvoir que visait Poutine depuis son accession au pouvoir. Quelle est la stratégie de Poutine ? On commence à se demander s’il le sait vraiment. Le seul véritable « avantage » à ce genre de milice – qui offre donc, de facto, une alternative à la conscription – serait de tenir de manière décentralisée les régions menacées par des raids, terrestres ou aériens. Car le Kremlin n’a pas brillé quand il a fallu défendre le territoire national, il y a quelques mois.
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