La Russie serre la vis aux entreprises occidentales pour soutenir le rouble : « Comme mettre un pansement sur une gangrène »

Le rouble se dévalue : il s’est stabilisé à 95 pour un dollar, après une monumentale hausse des taux. Poutine veut maintenant le soutenir en appliquant sa recette économique préférée : le racket étatique des entreprises étrangères.

Pourquoi est-ce important ?

C'est devenu de plus en plus difficile de quitter la Russie, pour une firme étrangère. Avant de partir, il faut passer à la caisse : l'équivalent de 5% de la valeur marchande des actifs concernés. Et les bénéfices sont de toute façon bloqués dans le pays. Le régime de Poutine met en œuvre des techniques mafieuses pour garder de l'argent frais, et si ça ne suffit pas, il nationalise de force.

Dans l’actualité : l’emprise du Kremlin sur les entreprises occidentales encore présentes dans le pays se resserre encore. Non seulement Poutine réclame des frais exorbitants pour les laisser partir, mais il exige en outre qu’on le paye en roubles.

Payer en roubles : la seule option réaliste

  • Pour quitter la Russie, il faut payer ; mais si on insiste à le faire en euros ou en dollars, les obstacles vont se multiplier, selon les sources du Financial Times. C’est à la fois un racket organisé au niveau étatique, et une mesure désespérée pour soutenir une devise qui dégringole.
  • Le rouble s’est déprécié de plus de 20 % par rapport au dollar cette année, passant en août dernier le cap psychologique des 100 roubles contre un billet vert. Malgré une hausse des taux d’intérêt monumentale de 13% à la mi-août, la chute n’a toujours pas été amortie. Vendredi denier, la banque centrale russe a relevé ses taux directeurs à 15%.
  • Et Poutine en a fait un nouveau combat. Il réclame les « conditions les plus favorables pour sa monnaie, donc nous créons les conditions les plus favorables pour le rouble » a ainsi lâché auprès du FT le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov. Un banquier, resté bien sûr anonyme, a quant à lui répondu au quotidien économique que cela équivalait à « mettre un pansement sur une gangrène. »

Stricto sensu, le Kremlin ne réclame pas des contributions en roubles ; il s’est juste arrangé pour que ça soit la seule option aisée pour les entreprises étrangères.

Des contrôles des capitaux

  • Lors de la vente de leurs actifs en devises étrangères, les entreprises non-russes peuvent soit transférer l’argent sur un compte de type « C » hautement restreint dans une banque russe, soit avoir les produits transférés sur un compte à l’étranger, mais en plusieurs versements.
  • Comme le volume et la fréquence des payements à l’étranger sont très limités, seule une troisième voie permet de ne pas perdre trop de billes : encaisser en roubles et recevoir immédiatement la totalité de la somme sur un compte bancaire russe ordinaire.
  • Au passage, le rapatriement des devises vers l’étranger est évidemment taxé : une bagatelle de 10 à 15 % du montant de la transaction, au titre de contribution « volontaire » au budget russe.
  • Ce sont des contrôles des capitaux qui ne disent pas leur nom. Les firmes étrangères sont très largement « incitées » à encaisser des roubles, qu’elles doivent ensuite soit changer en Russie même, soit auprès d’une banque étrangère, à supposer qu’il y en ait une qui les accepte encore. Le taux de change est tellement défavorable qu’elles y perdent de toute façon. Mais elles auront payé leur obole à Poutine au passage.
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