Il y a quelques jours, une entreprise américaine a produit son premier lot du combustible nucléaire du futur : le HALEU. Il est temps que les pays occidentaux s’activent. Car pour l’instant, la Russie est la seule à en produire à l’échelle commerciale.
La Russie est la seule à commercialiser le combustible nucléaire de demain : il est peut-être temps de s’activer

Pourquoi est-ce important ?
Depuis peu, la plupart des pays occidentaux ont ajouté une exigence à leur politique énergétique. En plus de tendre vers une transition "zéro émission", il faut entretenir le moins de liens possible avec la Russie. En misant notamment sur le nucléaire, cela peut sembler contre-intuitif.Dans l’actu : les USA accélèrent le pas dans la production de combustible nucléaire.
- La semaine dernière, Centrus Energy a produit le premier lot américain de combustible « HALEU ».
D’abord : de quoi parle-t-on ?
- Le combustible nucléaire de type HALEU (High-Assay Low-Enriched Uranium) contient 5 à 20% d’uranium-235. Là où le LEU (Low-Enriched Uranium) en contient 3 à 5%.
- Ce nouveau type de combustible est celui dont auront besoin les réacteurs nucléaires plus avancés. Qui constitueront eux-mêmes la majorité des parcs nucléaires occidentaux des prochaines décennies. Ainsi, 90% des réacteurs que prévoient de construire les USA à l’avenir en auront besoin, selon Centrus.
- « La concentration plus élevée d’U-235 permet des densités de puissance plus élevées dans les cœurs des réacteurs avancés », explique à Spectrum Jeffrey Cooper, directeur de l’ingénierie chez Centrus Energy.
- Ce qui débouchera sur réacteurs plus efficaces, plus petits, avec une durée de vie plus longue et générant moins de déchets. L’énergie contenue dans seulement trois cuillères à soupe de HALEU peut fournir l’énergie nécessaire pour toute une vie au consommateur américain moyen, estime Centrus.
- Précision : tous les réacteurs de nouvelle génération n’auront pas besoin de HALEU. Par exemple, les petits réacteurs modulaires (SMR) développés par GE et Westinghouse fonctionneront avec le même combustible que celui utilisé par les centrales conventionnelles, le LEU.
Les USA auront besoin de 40 tonnes de HALEU d’ici 2030
Zoom arrière : la seule entreprise à en commercialiser est russe.
- Actuellement, seule Tenex, une filiale du géant russe Rosatom, commercialise du HALEU. Plutôt embarrassant pour les pays occidentaux qui veulent faire reposer une partie de leur mix électrique sur des réacteurs nucléaires (avancés).
- L’Union européenne et les États-Unis tentent donc de pousser leurs (rares) fournisseurs d’enrichissement du combustible nucléaire à rattraper leur retard. Sur le Vieux Continent, cette tâche est notamment dévolue au groupe français Orano.
- Les Américains semblent donc être un peu plus avancés. Après avoir lancé sa production de HALEU la semaine dernière dans l’Ohio, Centrus vise les 20 kg de d’ici la fin de l’année. Pour déjà passer à 900 kg en 2024.
- Le département américain de l’Energie (DOE) estime que le pays aura besoin de plus de 40 tonnes de HALEU d’ici 2030. Même si Centrus n’est pas le seul acteur à s’y affairer, rien ne dit qu’elle en disposera d’autant d’ici la fin de la décennie.
- Les entreprises susceptibles d’en produire ne veulent pas se précipiter : elles attendent des signes du marché pour accélérer la cadence. Et dans le même temps, les projets de centrale qui repose sur le HALEU… sont ralentis par les craintes de ne pas disposer de suffisamment de combustible.
- Pour éviter un enlisement, le DOE commande donc lui-même du HALEU pour rassurer toutes les parties.
La Russie est déjà importante pour le combustible des centrales nucléaires occidentales
Contexte : la dépendance à la Russie est réelle.
- Indépendamment du HALEU, la Russie est de toute façon déjà l’un des principaux pourvoyeurs d’uranium des centrales européennes et américaines.
- En 2022, Euratom indiquait que 16,87% de l’uranium utilisé dans les réacteurs de l’UE provenaient de Russie. Ce qui en fait le quatrième fournisseur du bloc.
- Aux USA, la dépendance à l’égard de la Russie n’est pas moins importante. Environ 20% du combustible utilisé dans les réacteurs américains sont fournis par la Russie, a récemment précisé au Financial Times Kathryn Huff, secrétaire adjointe à l’énergie nucléaire.
- « Il est vraiment essentiel que nous nous débarrassions de notre dépendance, notamment vis-à-vis de la Russie », a-t-elle déclaré. Huff. « Sans action, la Russie continuera à conserver ce marché. C’est vraiment important pour la sécurité nationale, pour le climat, pour notre indépendance énergétique. »
