Pourquoi la Russie a-t-elle décidé de stationner ses armes nucléaires au Belarus ?

Vladimir Poutine a annoncé samedi qu’il allait transférer ses armes nucléaires au Belarus. Une nouvelle infrastructure y sera préparée d’ici le mois de juillet, et le Belarus s’entraînera également à déployer les armes. L’Occident n’est pas trop inquiet, juste mécontent.

La situation : la Russie a annoncé qu’elle plaçait certaines de ses armes nucléaires tactiques sous la tutelle de l’État vassal qu’est la Biélorussie. Mais là encore, pas complètement.

  • Plus précisément, le déploiement d’armes nucléaires au Belarus est à peu près identique à ce que les États-Unis font en Europe depuis des années : les alliés de l’OTAN reçoivent des armes nucléaires tactiques dans les dépôts de leur armée et sont formés à leur utilisation. Des bombes américaines B61 sont stockées par exemple depuis des décennies sur la base aérienne de Kleine-Brogel. De telles bombes seraient également stockées sur la base néerlandaise de Volkel.
  • La Russie est en train de faire de même, après avoir laissé entendre pendant plusieurs années qu’elle allait le faire. Une nouvelle installation doit être construite au Belarus pour abriter ces armes. En outre, l’armée de l’air biélorusse sera formée et équipée pour les manipuler. « Dix avions seraient déjà prêts à porter ce type d’armes », a déclaré Poutine à la presse samedi.
  • Les projets de Poutine soulèvent toutefois de sérieuses questions. Les experts nucléaires estiment que la Russie travaille depuis sept ans sur une installation nucléaire à Kaliningrad, l’exclave russe frontalière de la Pologne, sur la mer Baltique. À l’heure actuelle, il n’est pas du tout certain que des armes nucléaires y soient déjà stockées. Aujourd’hui encore, rien n’indique la présence d’une telle installation, et le délai fixé en juin semble quand même fort proche. « J’ai un peu cherché des bases qui pourraient être utilisées, mais je ne vois aucune indication que des installations de stockage d’armes nucléaires soient construites quelque part », a déclaré Hans Kristensen, directeur du projet d’information sur le nucléaire de la Federation of American Scientists, cité par The Guardian.
  • En outre, certains affirment qu’il s’agit d’une politique purement symbolique : des armes nucléaires dans les mains du Belarus pourraient viser exactement les mêmes cibles que depuis la Russie elle-même. Par ailleurs, le Belarus est déjà impliqué dans la guerre : lors de l’invasion de février dernier, des soldats russes ont envahi l’Ukraine à partir du territoire de Minsk. Le stationnement d’armes nucléaires est un signe que les deux pays sont inextricablement liés, le régime biélorusse n’étant guère plus qu’une marionnette de Poutine.

Le prétexte : Les Britanniques envoient à l’Ukraine des munitions pour leurs chars qui contiennent de l’uranium appauvri.

  • La semaine dernière, on a appris que les Britanniques n’enverraient pas de chars Challenger 2 en Ukraine sans munitions, y compris des obus à pointe d’uranium appauvri. Il s’agit d’un métal très dense, qui peut causer beaucoup plus de dégâts à l’impact qu’on obus perforant classique.
  • Contrairement au tungstène, un métal de densité similaire, l’uranium appauvri a la propriété de devenir plus tranchant encore sous l’effet de la pression ou de l’impact.
  • Après que la nouvelle a été rendue publique, Moscou a réagi de manière virulente. « La Russie devrait réagir de manière appropriée. L’Occident collectif commence déjà à utiliser des armes à composante nucléaire », a répondu M. Poutine. On s’attendait à ce que la Russie réagisse en mettant en avant son arsenal nucléaire, ce qui s’avère être le cas.
  • Le Royaume-Uni avait d’ailleurs rétorqué : « L’armée britannique utilise de l’uranium appauvri dans les obus perforants depuis des décennies. Il s’agit d’un composant standard qui n’a rien à voir avec les armes nucléaires. La Russie le sait, mais elle tente activement de répandre la désinformation ». Les informations sur les armes nucléaires russes ont également été accueillies avec désapprobation, mais l’Occident n’a pas été vraiment impressionné par ce nouveau geste menaçant.

Les conséquences : Il n’est pas question d’alléger les sanctions contre le Belarus, comme cela a été suggéré la semaine dernière.

  • Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, a également été invité au sommet de l’UE à Bruxelles la semaine dernière. Il y a appelé à une solution aux risques de pénuries alimentaires de par le monde, et à un assouplissement des sanctions imposées au Belarus. Guterres a notamment déclaré que les sanctions contre l’industrie de la potasse devaient être réévaluées. La potasse est une minerai riche en potassium, qui peut être utilisé comme engrais.
  • Le Belarus est l’un des plus grands exportateurs de potasse. Ou du moins il l’était jusqu’à l’été 2021, quand le régime de Minsk a fait intercepter un vol Ryanair en lançant une fausse alerte à la bombe afin d’arrêter le journaliste et activiste Roman Protasevich qui se trouvait à bord. Cet incident a incité l’Occident à imposer de fortes sanctions au Belarus, et donc à son industrie de la potasse. Ses exportations d’engrais ont chuté de 70 %.
  • Les appels de M. Guterres ont été entendus, mais ils semblent désormais voués à la poubelle. Josep Borrell, haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères, a même fait allusion à de nouvelles sanctions : « La réception par le Belarus d’armes nucléaires russes constituerait une escalade irresponsable et une menace pour la sécurité de l’Europe. Le Belarus peut encore s’y opposer, c’est son choix. L’UE est prête à prendre de nouvelles sanctions », a tweeté l’Espagnol.

MB

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