Un week-end particulièrement mouvementé a secoué les socialistes flamands après la démission inattendue de Conner Rousseau, vendredi soir. « Kingconnah« , 31 ans, avait déjà sondé certains proches jeudi et vendredi pour savoir s’il pouvait rester en fonction, exprimant ses doutes. Sa démission a néanmoins été une surprise brutale pour beaucoup, au sein du parti.
- En effet, comme l’a souligné Bruno Tobback (Vooruit) devant les caméras, plus de 90 % des membres du bureau du parti étaient en désaccord avec leur président et auraient préféré qu’il reste. Cependant, Rousseau est resté ferme dans sa décision.
- Les réactions ont été vives envers les quelques « dissidents » de Vooruit qui s’étaient ouvertement opposés à leur président. Par exemple, Emilie Peeters, conseillère communale à Gand (Vooruit), et Els Rochette, membre du Parlement bruxellois (Vooruit), ont publiquement réclamé la démission de Rousseau, vendredi. « Leur carrière est désormais terminée », a tranché un haut responsable de Vooruit ce week-end.
- Rochette a été si durement critiquée par ses collègues de parti que Rousseau lui-même a dû intervenir pour la défendre, affirmant : « Chacun a le droit à sa propre opinion, et nous devons respecter cela à tout moment. »
- La réunion a été marquée par une série d’interventions de l’ancienne et de l’actuelle garde du parti, incluant des personnalités telles que Frank Vandenbroucke, Caroline Gennez, Freya Vandenbossche et Bruno Tobback, pour tenter de raisonner Conner Rousseau.
- Mais la décision du jeune président avait déjà été prise avant la réunion du bureau du parti, plus tôt dans la journée. Que les sondages internes négatifs aient joué un rôle, comme le suggérait la rumeur, démentie ensuite par Mélissa Depraetere plus tard dans le week-end, reste flou. Il est clair que Rousseau était convaincu que démissionner était la seule façon de sauver son parti.
- Lors de la conférence de presse qui a suivi, basée sur un texte qu’il avait rédigé en quelques minutes, Rousseau a de nouveau démontré son excellence en communication, offrant un message clair et positif en pleine heure de grande écoute. Cela a intensifié l’émotion parmi ses collègues du parti. « Seuls les grands peuvent accomplir cela », a-t-on entendu dire après coup. « Un geste de très grande classe », a ajouté un autre.
- Ainsi, Rousseau est devenu une sorte de martyr aux yeux de la haute direction de son parti, choisissant de se sacrifier pour le bien collectif et non pour son propre intérêt. Cela explique la communication quelque peu tendue et résolue qui a marqué le reste du week-end.
Un week-end agité : Les attaques ont continué dans la rue de la Loi, tandis que l’amertume envers les médias domine chez Vooruit.
- Dimanche, dans l’émission De Zevende Dag, Christel Geerts (Vooruit), la mère de Rousseau, est intervenue de manière remarquée. Défendant fermement son fils, elle a souligné à plusieurs reprises que l’incident de la soirée alcoolisée s’inscrivait dans le cadre d’une année éprouvante pour lui, marquée par des menaces à son encontre, son coming-out et des plaintes pour comportement inapproprié.
- Elle a également exprimé son indignation suite aux comparaisons faites par Nadia Naji, co-présidente de Groen, qui avait assimilé son fils à des conducteurs ivres provoquant des accidents. Cette comparaison était particulièrement lourde de sens pour la famille de Geerts, qui a connu cinq décès dans des accidents de la route. Ces propos ne feront qu’aggraver les tensions déjà fortes entre Groen et Vooruit, et notamment avec la famille Rousseau.
- Cependant, Geerts n’a pas clairement indiqué si elle considérait ces déclarations comme racistes ou non, une réticence partagée par Depraetere, la présidente intérim, et Jinnih Beels (Vooruit), aussi présentes dans l’émission. Les journalistes de la VRT ont insisté sur ce point, ce qui a donné lieu à un échange pour le moins douloureux pour le parti socialiste flamand.
- Cette situation a engendré une nouvelle série de controverses et de réactions virulentes de la part des autres leaders de parti.
- « Je comprends qu’une mère veuille toujours protéger son enfant. En tant que père, je ferais de même. Mais continuer à chercher des coupables ou à détourner l’attention par des mensonges au lieu de prendre entièrement ses responsabilités est troublant et répugnant », a déclaré Jeremie Vaneeckhout, co-président de Groen, dans la lignée des propos de Naji.
- « Si mes parents étaient apparus à la télévision après de telles déclarations scandaleuses et des tentatives de censure de la presse, cela aurait aussi suscité un débat. Un débat sur la correction que j’aurais reçue », a ajouté Sammy Mahdi (cd&v).
- « Pour sanctifier Rousseau, pas moins de trois socialistes (!) ont été invités dans De Zevende Dag. L’atmosphère était détendue et conviviale. Les intervieweurs parlaient constamment de ‘Conner’ ceci, ‘Conner’ cela », a remarqué Tom Van Grieken.
- Cependant, la direction de Vooruit a une perspective totalement différente. Elle considère comme inapproprié le fait que Van Grieken ait pu exprimer son point de vue « sans critique de l’extrême droite, utilisé comme un argument contre Vooruit », à la fois jeudi et samedi matin sur la VRT. « Si ces gens gagnent, ce sera la fin de la VRT. »
- Finalement, au bout d’un week-end interminable pour Vooruit, Caroline Gennez, secrétaire d’Etat au sein de la Vivaldi, a qualifié sans ambages les propos de Conner Rousseau de « racistes » et de « sexistes » ce matin, soulignant que Depraetere avait fait de même.
L’essentiel : Tout tourne autour de l’avenir politique du politicien le plus populaire du nord du pays.
- Le fait que Vaneeckhout, Mahdi et Van Grieken aient réagi si vigoureusement n’est pas un hasard. Car, au-delà de l’indignation suscitée par les déclarations, c’est surtout la question de l’avenir politique de Rousseau qui est en jeu.
- Ces trois chefs de parti perdent d’un coup le politicien le plus populaire de Flandre comme adversaire dans les futurs débats télévisés. Du moins, c’est ce qu’il semblait penser initialement.
- Cependant, personne chez Vooruit ne ferme la porte à une éventuelle tête de liste de Rousseau pour les élections de 2024. Au contraire, Depraetere a même déclaré très explicitement dans ces interviews que c’était tout à fait envisageable pour elle. Et la section de Vooruit à Sint-Niklaas a déjà clairement réitéré que Rousseau reste leur candidat comme bourgmestre.
- Cela signifie que Rousseau pourrait même être réhabilité par les électeurs dans environ sept mois. Les autres partis, et surtout les concurrents les plus sérieux, ont déjà clairement indiqué qu’ils n’accepteraient pas un retour politique aussi facile sans résistance.
- C’est également la raison pour laquelle on ne doit pas s’attendre à une décision trop hâtive de la part de Rousseau lui-même : en principe, les têtes de liste de Vooruit doivent être définitivement désignées lors d’un congrès le 10 décembre. Mais cette date semble déjà trop précoce pour l’ancien président, qui souhaite avant tout se reposer et réfléchir à son avenir.
- La question reste de savoir à quel point les adversaires affûteront leurs couteaux une fois qu’il fera son « retour » à la rue de la Loi, en tant que potentiel chef de file du parti en Flandre orientale.