La victoire de Robert Fico aux élections slovaques a vu les félicitations de populiste d’extrême-droite Viktor Orba, et la gêne de la gauche politique européenne, auquel Fico appartient. Car celui-ci représente un retournement de Bratislava à l’écart de l’Ukraine, juste au moment où toute l’aide compte. Et il est bien possible que la Slovaquie ne soit que le premier domino : maintenant tous les regards se tournent vers l’élection prochaine en Pologne.
Avec la victoire de Fico en Slovaquie, c’est le soutien européen à l’Ukraine qui s’effrite : la Pologne sera-t-elle la prochaine à déserter ?

Pourquoi est-ce important ?
La démocratie a parlé, en Slovaquie. Le problème c'est qu'elle a mis au pouvoir un Premier ministre qui adhère à la lecture de Poutine sur la guerre en cours en Ukraine. Un cheval de Troie populiste supplémentaire pour ce dernier, qui pourra saborder les efforts de l'UE en collaboration avec le Hongrois Viktor Orban, jusqu'ici très isolé. Au sein du Parlement européen, on s'inquiète et on envisage des mesures drastiques. Car on craint que ce mouvement de ras-le-bol teinté de populisme fasse tache d'huile.Dans l’actualité : le grand vainqueur des élections slovaques de ce samedi, c’est sans conteste Robert Fico. Son parti, le Smer-SD, issu de l’union des gauches, a obtenu 23,37% des voix aux législatives. La présidente Zuzana Čaputová lui a donc confié le poste de Premier ministre et la mission de composer un gouvernement.
Expulsé de sa famille politique (encore) ?
- Mais l’enjeu dépasse la vie politique slovaque. Fico a propagé à plusieurs reprises les accusations de néo-nazisme envers le gouvernement ukrainien et son armée. Un narratif parachuté depuis Moscou. Fico a été jusqu’à comparer les forces de l’OTAN stationnées en Slovaquie aux forces nazies, rappelle Euractiv.
- Il a depuis mis de l’eau dans son vin et colle à la ligne de son parti de gauche nationaliste. Il condamne « l’utilisation de la force par la Russie en Ukraine », mais continue de défendre des négociations. Il estime aussi que l’Union européenne devrait chercher une solution diplomatique et négocier un accord de paix au lieu d’envoyer des armes en Ukraine. C’est, là, aussi, une vision qui arrange Moscou. Des négociations, à l’heure actuelle, profiteraient à celui qui craint de ne pas pouvoir le tenir face à la poussée ukrainienne.
- L’élection slovaque a donc ému le Parlement européen en général et le parti socialiste européen (PSE) dont fait partie le Smer-SD. Le leader du PSE, le Suédois Stefan Löfven, a menacé d’expulser le parti slovaque si cette rhétorique continuait.
Des élections nationales qui passent avant l’aide à Kiev
La crise : du pain bénit pour le socialiste de Bratislava, et pour qui voudrait l’imiter. Fico peut brandir la carde de « l’autoritarisme » de sa famille politique à l’échelon européen. Un chemin tout tracé pour les autres formations populistes, de gauche comme de droite, qui voudraient surfer sur la lassitude de la guerre. Et ça pourrait devenir une lame de fond dans le paysage politique européen. Quand des élections approchent, l’Ukraine peut servir de bouc émissaire. De Bratislava à Washington en passant par Varsovie.
- En Pologne, le mois dernier, la question des céréales ukrainiennes (qui cassent les prix des producteurs locaux) a servi de prétexte pour suspendre l’aide militaire. À Varsovie, c’est le PiS au pouvoir qui tente de rassembler derrière lui les ultra-conservateurs et les mécontents à l’approche des élections parlementaires du 15 octobre.
- Le parti polonais conservateur présente de plus en plus l’Allemagne et l’OTAN comme des boucs émissaires, tout en défendant un réarmement du pays en priorité, plutôt que le soutien inconditionnel à l’Ukraine.
Le pire moment pour Kiev
Tout cela tombe très mal, pour Zelensky. Le président ukrainien doit à tout prix rassembler les Européens derrière lui s’il veut garder l’initiative dans cette guerre. Mais ceux-ci se lassent d’un conflit qui se prolonge, alors qu’ils attendaient une percée ukrainienne cet été.
- Un terrain favorable au travail de sape rhétorique de Poutine, qui assure que son armée sort victorieuse de la saison. Dans les faits, les Ukrainiens ne cherchent pas tant à percer qu’à maintenir une pression énorme sur l’armée russe. Dans l’espoir qu’elle s’effondre par manque de moyens. Et les opérations peuvent continuer jusqu’à ce que les boues d’automne forcent une pause. Au moins jusqu’au gel. Mais pour maintenir l’effort, Kiev a besoin des armes et des munitions de ses alliés, aussi inconstants soient-ils.