L’Europe souhaite jouer un rôle de premier plan dans le domaine des technologies quantiques, et peut compter sur les Pays-Bas.
Ordinateurs quantiques, internet quantique : les percées s’enchaînent. La technologie, fondée sur les plus petites particules de l’univers, n’est plus un rêve lointain. Avec l’European Quantum Act, l’Europe souhaite prendre la tête. Et dans cette démarche, elle peut compter sur les Pays-Bas, pionniers mondiaux, qui ont notamment été les premiers à construire un réseau quantique évolutif. Le fait que le quantique soit l’une des priorités des Pays-Bas se voit d’ailleurs dans sa désignation parmi les dix technologies clés de la Stratégie nationale pour la technologie. Mayra van Houts, membre du conseil de programme pour le domaine d’innovation Quantum Technologies chez Holland High Tech : « Nous excellons en internet quantique et dans les composants matériels pour l’informatique quantique. » Elle estime toutefois qu’il reste du travail à accomplir.
Le quantique reste un concept abstrait pour beaucoup, mais cette technologie clé pourrait offrir des avantages concrets. Grâce à la puissance de calcul potentielle immense des ordinateurs quantiques, les modèles climatiques pourraient réaliser des calculs bien plus précis et rapides. Et à l’avenir, cette même puissance permettra au monde médical d’adapter les médicaments à l’ADN de chaque patient. Dans le domaine de l’internet quantique également, les jalons s’accumulent. Cela représente une avancée révolutionnaire en matière de communication numérique et de cybersécurité. En s’appuyant sur les communications satellitaires (satcom), cette technologie pourrait à l’avenir permettre des connexions sécurisées à l’échelle mondiale, par exemple entre ambassades et consulats séparés par des milliers de kilomètres.
Les chercheurs s’attendent donc à ce que les trois piliers de la technologie quantique – ordinateurs quantiques, communication quantique et détection quantique – génèrent ensemble environ 97 milliards de dollars (environ 83 milliards d’euros) de chiffre d’affaires mondial d’ici 2035. Le marché du quantique pourrait ainsi devenir plus important encore que celui de l’impression 3D.
Une tendance similaire se dessine aux Pays-Bas, selon Van Houts. En plus de son rôle à Holland High Tech, elle dirige la stratégie du programme Quantum Delta NL du Fonds National de Croissance. Elle cite une étude interne : « Nous prévoyons que la technologie quantique créera entre 8 000 et 18 000 emplois aux Pays-Bas d’ici 2040. » L’impact économique est tout aussi impressionnant : le programme Quantum Delta pourrait générer entre 1,5 et 2,5 milliards d’euros pour le pays. « Et ce n’est qu’un programme : le potentiel de l’industrie quantique néerlandaise est bien plus vaste encore. »
L’Europe en tant que leader quantique
Le quantique semble prendre son essor. L’Europe veut s’y préparer. Le 2 juillet, la Commission européenne a lancé la stratégie quantique européenne. Dès l’an prochain, la stratégie sera concrétisée par une loi quantique européenne. Van Houts : « Nous attendons plusieurs initiatives majeures de la part de l’Europe qui renforceront la coopération entre les États membres. » Cette collaboration est, selon elle, essentielle. « Aucun pays ne peut avancer seul ; nous avons besoin les uns des autres pour faire progresser la technologie. Un réseau quantique n’a pas de frontières. Grâce à l’échange de connaissances, un pays peut fournir un composant X et un autre un composant Y, puis nous pouvons tester les deux ensemble dans différentes configurations. »
Le quantique sur le sol néerlandais
Les Pays-Bas possèdent une stratégie claire en matière de technologie quantique. Elle s’inscrit dans la Stratégie nationale pour la technologie, qui identifie dix technologies clés sur lesquelles institutions, entreprises et pouvoirs publics conjuguent leurs efforts.
Avec ses connaissances et technologies de pointe, les Pays-Bas peuvent jouer un rôle important en Europe. Le pays est réputé internationalement pour ses avancées. Par exemple, en 2021, la start-up QuantWare, basée à Delft, a lancé le premier processeur quantique supraconducteur disponible sur le marché, rendant le matériel accessible en dehors des laboratoires spécialisés.
Des percées majeures dans l’internet quantique ont également eu lieu ici, marquant durablement les esprits. Van Houts se souvient du moment où des chercheurs de QuTech ont utilisé une fibre optique classique pour établir une connexion entre deux processeurs quantiques distants de dix kilomètres, entre Delft et La Haye. « C’était à la fin de l’année dernière. Un moment unique pour le monde entier. » Jamais auparavant des informations quantiques n’avaient été transmises de manière aussi stable et fiable sur une telle distance via la fibre optique standard.
Le dynamisme entrepreneurial est aussi au rendez-vous : à Delft, les start-up foisonnent, notamment grâce à la présence de l’université technique. Citons le projet HectoCubit, qui réunit un consortium d’entreprises autour de la création d’un ordinateur quantique à 100 qubits. « Cette collaboration illustre la force de la spécialisation : au lieu qu’une seule entreprise fasse tout, les start-up de Delft se complètent. » QuantWare développe les puces quantiques, Delft Circuits fournit des câbles spécialisés, et QBlox se concentre sur l’électronique de contrôle.
Stimuler l’innovation au niveau national
Grâce, entre autres, à la collaboration étroite entre monde académique, industrie et pouvoirs publics, les progrès aux Pays-Bas sont rapides, selon Van Houts. Cela se traduit par une forte dynamique au sein de Holland High Tech. Quantum Technologies est l’un des domaines innovants de ce pôle d’excellence en systèmes et matériaux high-tech. HTSM stimule continuellement l’innovation grâce à des programmes et des investissements spécifiques au secteur.
Depuis 2018, Holland High Tech a financé au total 22 millions d’euros de projets de partenariat public-privé dans le domaine du quantique. Un Programme stratégique Quantum Technologies a également vu le jour l’an dernier. L’organisation contribue notamment au projet PAC-QC, en collaboration avec Orange Quantum Systems et le groupe DiCarlo de l’Université technique de Delft. Tester de grosses puces quantiques prend aujourd’hui beaucoup de temps. Ce projet développe des méthodes pour tester de nombreux qubits simultanément, afin d’accélérer et d’optimiser la fabrication de nouveaux processeurs quantiques.
Holland High Tech rassemble également divers secteurs. « Par exemple, la filière semi-conducteurs est à la fois fournisseur et cliente de la technologie quantique. Pensez aux machines de lithographie et autres éléments nécessaires à la fabrication de puces quantiques. Parallèlement, des composants issus des technologies de capteurs quantiques peuvent être utilisés pour améliorer les processus dans la filière semi-conducteurs, notamment dans le domaine de la métrologie. »
Quantum Delta constitue également un socle essentiel pour l’ensemble de l’écosystème quantique néerlandais : grâce à un investissement de 615 millions d’euros, il accélère le développement de la technologie quantique et réunit entreprises, instituts de recherche et start-up à grande échelle. Exemple concret : dans un consortium Quantum Delta, des acteurs comme l’Autorité portuaire de Rotterdam, Q*Bird et d’autres ont construit ensemble le premier réseau quantique évolutif au monde dans le port de Rotterdam.
Le chemin reste long
Malgré la position solide des Pays-Bas sur la scène mondiale, il reste du chemin à parcourir. Des défis techniques doivent encore être relevés dans l’univers quantique. Pensons, par exemple, à la connexion fiable et sécurisée de systèmes à grande échelle. Cela suppose des moyens et des financements suffisants pour la recherche et le développement.
Van Houts : « Les entreprises seules ne peuvent y parvenir. Le soutien et les financements des pouvoirs publics et des instituts de recherche sont donc indispensables. Des instruments de soutien et des financements, comme ceux proposés par HHT pour les partenariats public-privé, sont essentiels et nécessaires pour stimuler l’innovation. »
Deuxièmement, il faut faire des choix. Tous les pays rivalisent désormais dans le domaine des ordinateurs quantiques. Si, au départ, la course portait sur le nombre de qubits, la question est désormais de savoir qui peut offrir les qubits de meilleure qualité, avec un faible taux d’erreur. Différentes technologies, telles que les qubits supraconducteurs et semi-conducteurs, sont en cours de recherche et de développement. Les Pays-Bas investissent actuellement dans plusieurs approches, mais à terme, il faudra choisir. « Nous ne pouvons pas tout faire au plus haut niveau. En affinant notre stratégie, nous resterons pertinents sur la scène internationale. »
Des perspectives prometteuses
Petit aperçu de l’avenir : la focale se portera bientôt sur les qubits semi-conducteurs. SURF, la coopération ICT pour l’enseignement et la recherche, accueillera un ordinateur quantique européen sur le Science Park d’Amsterdam. Cet ordinateur utilisera des qubits semi-conducteurs. Leur grand avantage : ils s’intègrent parfaitement dans l’industrie actuelle des semi-conducteurs. « Cela contribuera aussi à l’image internationale des Pays-Bas. J’ai hâte de voir ce projet », conclut Van Houts.
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