La Russie amasse des troupes à la frontière ukrainienne. L’Occident craint une invasion. Les Etats-Unis veulent utiliser le gazoduc, qui est dans sa phase finale, comme levier contre Moscou, pour dissuader la Russie d’envahir le territoire. En cas d’invasion, d’autres sanctions seraient prêtes.
Un levier inattendu contre Moscou, pour protéger l’Ukraine. La situation autour de la frontière est particulièrement tendue, depuis que la Russie est accusée de faire des exercices militaires avec 175.000 hommes.
Les Etats-Unis ont toujours été contre Nord Stream 2, un gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne. Car le fait d’être le fournisseur en énergie donne un important poids diplomatique à un pays, dans ce cas la Russie. Mais le gazoduc n’est pas encore en fonctionnement, et c’est cet élément que les Etats-Unis souhaitent utiliser comme levier.
La Maison Blanche estime cette piste même comme « absolument prioritaire ». C’est ce qu’un conseiller en sécurité a indiqué lors de la conférence de presse, repris par AFP. Un levier pour l’Occident donc, pour avertir Poutine de ne pas envahir l’Ukraine, sinon l’homologation allemande ne verra jamais le jour, et les milliards d’euros potentiels de la livraison de gaz lui passeront sous le nez, en résumé.
Sanctions inédites sur la table
En 2014, la Russie avait « annexé » la Crimée, après un référendum de rattachement considéré comme frauduleux. Les Etats-Unis avaient alors émis des sanctions, mais avec réserve. Aujourd’hui, le gouvernement américain dit avoir toute une batterie de sanctions qui sont prêtes, des sanctions inédites qu’ils se sont abstenus d’utiliser auparavant, craignant un trop grand impact pour la Russie. Face à une invasion de l’Ukraine, il ne lésinerait donc pas sur les moyens.
Une option sur la table pourrait être, selon des spéculations, d’enlever la Russie de Swift. Swift est un rouage mondial qui permet aux banques de faire circuler de l’argent, un élément essentiel de la finance mondiale. La métaphore veut que cette option soit une « bombe nucléaire économique » : d’un côté elle atomise l’ennemi, mais d’un autre côté elle va avoir des répercussions ailleurs, les « nuages toxiques » seront ici la déstabilisation financière mondiale.
Que va faire l’Allemagne?
De la Russie à l’Allemagne, le gazoduc passe par la mer baltique en évitant l’Ukraine. D’autres gazoducs, de la Russie à l’Europe, passent par l’Ukraine. On est ici dans un stratego géant. Avec ce nouveau gazoduc, l’Ukraine va donc perdre des revenus et une position stratégique qui la lie directement à la Russie. Sans cette dépendance mutuelle, les Etats-Unis ne donnent pas cher de la peau des ukrainiens. Les Etats-Unis ont longtemps fait pression sur l’Allemagne, son allié, pour qu’elle revoie son projet, mais en vain.
Dos au mur, Biden a alors signé un accord en juillet, ce qui lui a valu le feu des critiques de l’opposition. Il bénéficie ici d’une occasion de redorer son blason, en retournant le gazoduc décrié contre Poutine. Le texte prévoit que si la Russie entreprend des actions agressives envers l’Ukraine, l’Allemagne devrait limiter ses capacités importées ou ne pas valider du tout le gazoduc. Les Etats-Unis veulent que cet accord soit activé dès aujourd’hui.
Mais qu’en pensent les Allemands? L’Allemagne est attachée au projet, même si elle est divisée, analyse William Taylor, vice-président du cercle de réflexion United States Institute of Peace, cité par l’AFP. Selon lui, la ministre des Affaires étrangères du nouveau gouvernement, Annalena Baerbock (écologiste), a une opinion plutôt opposée à ce gazoduc.
Sans l’accord des Allemands, les Américains auront très peu de marge de manoeuvre sur le futur du gazoduc. Le dossier urkainien pourrait toutefois faire pencher la balance. Le monde et surtout l’UE regarderont de près la décision allemande.