Steven Van Hecke, expert de l’Europe, sur le Qatargate : « Les autres partis pourraient avoir de bonnes raisons de ne pas se lancer dans un bashing des socialistes »

Avec le Qatargate, il est maintenant évident que le Parlement européen n’est pas à l’abri de la corruption. La seule question est à présent de savoir si elle se limite à ces révélations, ou si le problème s’étend bien au-delà. Car le scandale risque de s’aggraver de jour en jour. « Nous allons voir combien de députés européens seront impliqués, voire combien d’institutions », a déclaré Steven Van Hecke, professeur de politique européenne à la KU Leuven, dans une interview accordée à Business AM Radio.

Dans l’actu : ces derniers jours, suite à une enquête du Soir et de Knack et à des perquisitions du parquet fédéral, on a appris qu’au moins une députée européenne et un assistant parlementaire sont soupçonnés de corruption.

  • Cette affaire est liée au Qatar : les personnes concernées devaient tenter d’influencer la politique européenne à l’avantage du pays du Golfe, en échange d’importantes sommes d’argent et de cadeaux.
  • Le principal nom lié à l’affaire est celui d’Eva Kaili, une politicienne grecque du PASOK, membre du groupe social-démocrate au Parlement européen. De gros sacs d’argent ont été découverts au domicile bruxellois qu’elle partage avec son compagnon Francesco Giorgi, tandis que son père a été intercepté à la sortie d’un hôtel bruxellois avec des valises pleines de cash.
  • En outre, l’enquête concerne aussi l’ONG « Fight Impunity » dirigée par l’ancien eurodéputé socialiste italien Pier Antonio Panzeri : à son domicile, les enquêteurs ont trouvé 600.000 euros en espèces.
    • En additionnant l’argent trouvé chez ces personnes, on arrive à plus d’un million et demi d’euros.
  • L’eurodéputé belge Marc Tarabella (PS) est également visé par l’enquête. Son domicile a été perquisitionné.
    • Plus indirectement, le nom d’une autre eurodéputée socialiste belge a été cité : Marie Arena. Le bureau et le domicile d’une de ses assistantes parlementaires ont fait l’objet d’une perquisition.

La réaction de l’expert : « Le Qatar a au moins réussi à exposer la faiblesse d’un député européen, nous allons voir de combien d’autres« , a déclaré le professeur Steven Van Hecke (KULeuven) à Business AM. « Il est clair que le Parlement européen a effectivement un problème ».

  • Le professeur Van Hecke est frappé par le fait que les autres groupes politiques font profil bas pour le moment : « Ils ne vont pas se lancer dans une campagne de dénigrement des socialistes. Peut-être ont-ils de bonnes raisons de le faire, car ils peuvent penser que d’autres dominos pourraient également tomber, non seulement au sein du groupe social-démocrate, mais aussi au sein des autres familles politiques. »
  • Il se demande s’il serait logique que les Qataris ne ciblent qu’un seul député d’un seul groupe politique. « Ils ont tellement de liquidités que cela pourrait sembler être une stratégie inefficace. Il se pourrait bien que d’autres noms apparaissent, même au sein d’autres familles politiques. Pour cela, il faut encore attendre l’enquête.

Sur la signification du scandale : « C’est certainement une honte pour le Parlement européen. Au sein de l’Union européenne, le Parlement est toujours le premier à faire la leçon aux autres. »

  • Le scandale donne évidemment des munitions aux détracteurs du Parlement européen : « Pour certains observateurs du Parlement, c’est une confirmation de ce qu’ils pensaient déjà : ‘Ce parlement, tout ça ne vaut pas grand-chose de toute façon, c’est un foutoir corrompu là-bas’. Nous pouvons également envisager cela sous un autre angle, à savoir que les Qataris ont aussi très bien compris que le Parlement européen compte vraiment », analyse le professeur Van Hecke.
  • Le professeur partage également une remarque sur la Hongrie de Viktor Orban et consorts : « Ils jubilent, mais je ne trouve pas cela très crédible non plus. Nous savons que le régime de Budapest est très corrompu lui aussi, et c’est encore pire, car il s’agit de l’argent des contribuables d’Europe occidentale. » Du côté des Qataris, on peut encore dire que c’est avec leur propre argent qu’ils corrompent les eurodéputés.

Le professeur Steven Van Hecke a parlé du Qatargate sur Business AM Radio. Un peu plus loin dans l’interview, il explique pourquoi les eurodéputés peuvent être sensibles à la corruption. Il donne également quelques solutions pour y faire face. Vous pouvez écouter l’intégralité de l’interview (en néerlandais) ci-dessous.

Business AM Radio  sera disponible à partir du 9 janvier, en ligne et via DAB+. Cette toute nouvelle station de radio diffusera de l’économie, du monde des affaires, de technologie et de politique intérieure et étrangère. Vous pouvez écouter notre bande-annonce ici.

(OD)

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