Le « non » du PS et d’Ecolo à la loi anti-casseurs menace de pousser la Vivaldi dans un marais électoral, les libéraux fortement mécontents de ce « signe de faiblesse », les socialistes rétorquent : « Le Premier ministre devait s’en charger »

Le « non » du PS et d’Ecolo à la loi anti-casseurs menace de pousser la Vivaldi dans un marais électoral, les libéraux fortement mécontents de ce « signe de faiblesse », les socialistes rétorquent : « Le Premier ministre devait s’en charger »
Georges-Louis Bouchez (MR) Paul Magnette (PS) & Alexander De Croo (Open Vld) – Getty Images

La coalition fédérale va-t-elle sombrer dans la paralysie, dans les derniers mois avant la campagne électorale ? Ce serait un cauchemar pour le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld), qui doit mettre les bouchées doubles pour montrer que son gouvernement « fonctionne bien », afin de répondre aux mauvais sondages. Cependant, comme prévu, le dossier de la loi anti-casseurs a éclaté comme un abcès ce week-end. Sous la forte pression du PTB, mais également du syndicat « maison », la FGTB, le PS ne veut plus approuver la nouvelle loi. Ecolo a embrayé. Le mécontentement au sein des autres partis gouvernementaux est énorme. « C’est à eux de faire le pas nécessaire », s’énerve un vice-Premier ministre. Les libéraux ne digèrent pas : du côté de l’Open Vld, on parle d’un « signe de faiblesse », tandis qu’au MR, on menace ouvertement de paralyser tout un tas d’autres projets gouvernementaux. Mais chez les socialistes, on entend des critiques envers le Premier ministre : « Il devait prendre le dossier en main. »

Dans l’actualité : Tension élevée à propos de la loi anti-casseurs.

Les détails : Le PS et le MR se font face avec des couteaux tirés sur un dossier hautement symbolique.

  • « On ne va pas voter ce texte. » C’est ce que le président du PS, Paul Magnette, a déclaré ce week-end dans L’Echo. Des mots quelque peu incompréhensibles pour les partenaires gouvernementaux, qui ont plusieurs fois rappelé « que le PS a déjà voté et approuvé ce texte à plusieurs reprises, tant en commission à la Chambre qu’en Conseil des ministres ».
  • Frustration donc, face aux paroles de Magnette, qui soudainement a fermé la porte sur la fameuse loi anti-casseurs, dans son interview du week-end :
    • « La crainte des syndicats, de Greenpeace et des militants climatiques est légitime », a-t-il soudainement asséné.
    • « Si un casseur a reçu une telle interdiction, comment alors empêcher cette personne de participer encore à des manifestations ? »
    • « Quand on met tout cela bout à bout, on voit que ça ne va pas. Il faut continuer à travailler là-dessus, mais mieux préparé. »
    • « Au lieu d’approuver une loi mal faite, il vaut mieux retirer les articles en question du Code pénal et continuer l’analyse du reste du texte. »
    • « Et cela n’a rien à voir avec le changement de ministre », a assuré le leader du PS, en direction de l’Open Vld et Paul Van Tigchelt (Open Vld), qui a succédé le mois dernier à Vincent Van Quickenborne (Open Vld) en tant que ministre de la Justice.
  • Ecolo a ensuite enfoncé le clou, en donnant surtout l’impression qu’ils étaient « contre cette loi avant le PS ».
    • Le chef de groupe Ecolo, Gilles Vanden Burre, s’est immédiatement défendu sur X : « Dès le début des discussions sur cette loi, nous avons dénoncé les restrictions au droit de manifester. Que des partenaires de majorité veulent aussi retirer les articles problématiques est positif. Passons des paroles aux actes. », a-t-il déclaré avec force.
    • Ce matin, le vice-Premier ministre Ecolo Georges Gilkinet est allé plus loin : sur Bel-RTL, il a parlé d’une « loi liberticide ». « Pour Ecolo, c’est définitivement non, et nous l’avons déjà indiqué au sein du gouvernement le 18 octobre », a-t-il affirmé avec force.

La vue d’ensemble : Qui est encore disposé à défendre des compromis difficiles et audacieux avant les élections ?

  • La nouvelle loi est clairement le résultat d’un compromis politique, ce qui a été évident ces derniers mois au sein de la coalition Vivaldi. De même, la droite était consciente que l’avis du Conseil d’État allait générer une nouvelle source de tension. Le projet de loi est loin d’être parfait : il contenait des imprécisions.
  • Ce qui est surtout surprenant, c’est que Magnette se saisit maintenant du dossier Delhaize (où des protestations syndicales intenses perdurent depuis des mois) pour justifier son refus.
  • « Regardez ce qu’il dit. Selon lui, le ‘conflit Delhaize’ est la raison de son problème récent avec la loi anti-casseurs… Mais il n’y a aucun lien entre les deux« , rétorque l’Open Vld à propos de la posture adoptée par Magnette.
  • Du côté du MR, Georges-Louis Bouchez ne mâche pas ses mots : « Le PS a marqué son accord. C’est insupportable. Soit Magnette est versatile, soit son vice-Premier Pierre-Yves Dermagne ne porte pas la parole du PS. C’est un sketch. Il faut un peu de sérieux », a réagi le président des libéraux francophones, dans La Libre.
  • Par ailleurs, le MR menace de bloquer une série d’autres décisions « qui n’étaient pas dans l’accord gouvernemental mais qui avaient été convenues », y compris « des mesures fiscales », en particulier la réduction définitive de la TVA sur les démolitions dans la construction à 6 % pour les particuliers, mais pas pour les grands promoteurs immobiliers.
  • Le MR souhaite également saborder la nouvelle loi sur les jeux d’argent, un projet phare de la Vivaldi que Stefaan Van Hecke (Groen) a contribué à élaborer. Bouchez, proche du secteur des jeux, de par son club de football, les Francs-Borains, cherche depuis longtemps à la contrecarrer.
  • De plus, l’atténuation prévue dans le nouveau Code pénal pour l’infraction « d’entrave méchante à la circulation », qui a abouti à la condamnation de syndicalistes – ils ont empêché une ambulance de circuler, ce qui a conduit à un décès – pourrait être annulée par le MR en guise de représailles.
  • Les libéraux francophones prennent cette affaire très au sérieux. « Nous savions que cela deviendrait un dossier très important et symbolique pour eux et qu’ils ne le laisseraient pas passer« , révèle-t-on du côté de l’Open Vld.
  • Chez les socialistes, c’est une critique acerbe à l’encontre du Premier ministre, Alexander De Croo (Open Vld), qui résonne. Selon eux, il n’a pas réagi de manière adéquate. « Le Premier ministre devait prendre en main le dossier. Mais, fidèle à son habitude, il ne l’a pas fait. Ce faisant, il a laissé carte blanche à Magnette. »
  • Cependant, un vice-Premier ministre tempère : « Bien sûr que nous pouvons encore réparer la situation. Cela a également été approuvé par le PS. C’est à eux de faire le nécessaire. »
  • En tout cas, le dossier risque, s’il le fallait encore, d’empoisonner sérieusement les relations entre le MR et l’Open Vld d’un côté, et le PS et Ecolo de l’autre. Si Bouchez persiste dans ses menaces, la coalition Vivaldi pourrait s’enliser dans une guerre de tranchées typique de la période préélectorale. La question est de savoir non pas si cela arrivera, mais quand.
  • Dans ce contexte, le mois de novembre semble particulièrement précoce : il y a encore tout un printemps à venir, avec la présidence de l’UE comme catalyseur. Encore une fois, le fossé socio-économique au sein du gouvernement menace de mener à une paralysie. C’est précisément ce que De Croo cherche à tout prix à éviter : il a besoin de projeter l’image d’une équipe qui fonctionne. Beaucoup de travail reste donc à faire.

Tension supplémentaire : la sortie de route de Zakia Khattabi ce matin. Le MR appelle le Premier ministre à la recadrer.

  • Comme si cela ne suffisait pas à alimenter les tensions, plus d’un observateur a avalé son café de travers ce matin, en écoutant la ministre de l’Énergie aborder le conflit au Proche-Orient, sur les ondes de LN24.
  • Cette dernière a refusé de qualifier le Hamas de « terroriste », au motif que le mot « a une signification juridique que je ne connais pas ». Une expression à tout le moins maladroite, alors que la ministre s’était montrée ferme contre « l’attaque terroriste d’une barbarie sans nom du Hamas », en début d’interview. 
  • La polémique était lancée. Volée de bois vert sur les réseaux sociaux, notamment du député Denis Ducarme (MR), qui rappelle que « l’Union européenne a établi une liste spécifique qui qualifie le Hamas d’organisation terroriste. Notre ministre fédéral fait une lourde erreur, très lourde, en se détournant de l’UE sur des questions aussi graves. »
  • Bouchez n’a évidemment pas manqué de rebondir sur cette polémique naissante : « Il est inacceptable qu’une Ministre fédérale se réfugie derrière une quelconque considération juridique alors que le Hamas est classé comme organisation terroriste depuis 2001 par l’Union européenne. »
  • Et d’ajouter : « En conséquence, le MR condamne avec la plus grande fermeté les propos de Madame Khattabi et, compte tenu de la gravité d’une telle attitude, demande au Premier Ministre de recadrer la Ministre et d’exiger qu’elle clarifie son propos. Elle qui n’a toujours pas qualifié le Hamas d’organisation terroriste à cette heure. »
  • Consciente de sa maladresse, Khattabi est revenue sur ses propo, en interview et sur les réseaux sociaux : « Le sujet est trop grave pour en faire une polémique, j’ai condamné sans ambiguïté les actes du 7/10 comme attentat terroriste, sur la qualification, j’ai dit exactement : je ne connais pas la qualification juridique. Dès lors qu’elle existe, alignement clair sur celle-ci », suivi d’un texte du Conseil de l’Europe reconnaissant la qualification du Hamas comme organisation terroriste.
  • Une sacrée pirouette matinale de la ministre qui dans son interview renvoyait Israël et la Palestine dos à dos : « Les mêmes principes qui fondent mon indignation et ma condamnation des actes terroristes du Hamas sont les ceux qui fondent mon indignation et ma colère à l’égard d’Israël quand on voit les images de ce qu’il se passe à Gaza. On ne peut pas avoir des indignations à géométrie variable. »

A noter également : demain débutera une grève de 48 heures. L’association des usagers TreinTramBus regrette que ce soient encore une fois « les voyageurs qui pâtissent de cette situation ». Le ministre de la Mobilité, Georges Gilkinet (Ecolo), souhaite éviter de désigner des coupables et préfère rechercher des solutions.

  • C’est assez inédit : deux grèves de 48 heures en un mois à la SNCB. Le début de cette grève est prévu pour demain soir. Cette action s’inscrit dans un contexte de tensions sociales exacerbées, alimenté par les accusations d’infiltration des syndicats par les communistes du PTB, et par l’inquiétude relative aux prochaines élections sociales.
  • Quoi qu’il en soit, TreinTramBus a comptabilisé les jours de grève : « Cela représente le 29ème jour de l’année où le service de transport public en Flandre et à Bruxelles subit des interruptions », indique Stefan Stynen, vice-président de l’association flamande, dans une tribune publiée dans le journal De Standaard. De Lijn détient le record avec 17 jours de grève, suivie de la SNCB avec neuf jours, et la STIB à Bruxelles avec quatre. La TEC wallonne n’est bien sûr pas en reste, mais les jours de grève n’ont pas été comptabilisés.
    • Pour TreinTramBus, cette situation est intolérable : « Bien que le droit de grève constitue une avancée démocratique majeure, l’usage abusif et répété de ce droit l’érode et nuit à la légitimité des syndicats.« 
    • Les grèves non déclarées sont particulièrement critiquées : « Elles enfreignent le droit des usagers à une mobilité garantie, les mettant devant le fait accompli et les laissant sans recours. Il est trop souvent négligé que le transport public représente un service essentiel. »
    • Les jours d’action avec préavis ne constituent pas non plus une stratégie appropriée, selon TreinTramBus : « Pourquoi s’en prendre systématiquement au service public de transport ? Ni les voyageurs, ni les directions de De Lijn, de la SNCB ou de la STIB ne détiennent le pouvoir de satisfaire les revendications des grévistes. Et, étant donné la fréquence des grèves, elles ne suscitent plus l’intérêt des politiques. »
    • « En outre, l’abondance de ces actions complique d’autant plus la tâche de gagner l’adhésion du public sur des sujets réellement préoccupants tels que les conditions de travail dans le secteur des transports publics. »
  • Cependant, le ministre de la Mobilité, Gilkinet, a exprimé ce matin sur Bel-RTL son empathie pour les grévistes. « Je déplore la situation mais je ne cherche pas à incriminer quiconque, je veux plutôt travailler ensemble à la recherche de solutions », a-t-il déclaré, soulignant la difficulté du métier de la SNCB, avec des horaires atypiques et exigeants.
  • « Mais veulent-ils un retour à un gouvernement N-VA-MR qui réduit drastiquement les budgets, souhaitent-ils un modèle de privatisation à la manière anglaise, ou préféreraient-ils voir la N-VA scinder la SNCB ? », a interrogé le ministre.
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