Un mauvais présage pour la Vivaldi : les plans fiscaux du Conseil supérieur des finances sont déjà rejetés, avant même d’avoir été correctement élaborés.
- Y aura-t-il une autre grande réforme fiscale ? Cette question hante la Vivaldi depuis un certain temps déjà. L’accord de coalition affiche au moins l’ambition de préparer une telle réforme pour la prochaine législature. La réalité politique, cependant, est qu’il ne semble pas y avoir la moindre marge pour s’attaquer réellement à une telle réforme : elle menace de devenir un boulet de plus pour l’équipe fédérale, qui est au point mort.
- Le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) a commencé son travail avec beaucoup d’enthousiasme. Il déclarait « qu’il n’y aurait pas de tabous » et croyait initialement qu’il obtiendrait le soutien du Premier ministre pour faire passer « sa » réforme. Mais il est vite apparu que le MR, à nouveau avec Bouchez, allait freiner. « Il n’y aura pas de réforme », nous glissait-on à l’été 2021. Dans le même temps, le vice-premier ministre du CD&V a dû constater que l’Open Vld n’a pas non plus fait preuve du courage nécessaire pour aller de l’avant : le soutien du Premier ministre s’est effrité.
- Après la journée d’hier, le tableau est encore plus sombre. C’est le résultat de fuites des dans La Libre des plans du Conseil supérieur des finances, un organe consultatif du gouvernement. C’est lui, ainsi qu’un groupe de travail d’experts dirigé par Van Peteghem, qui préparent cette réforme fiscale. Soit dit en passant, le patron de la task force, le professeur Mark Delanote, siège également au Conseil supérieur.
- Bref. Personne ne considère ces fuites comme une simple coïncidence : cela fait longtemps que les choses bougent au sein du Conseil, et un certain nombre de membres de gauche ne sont pas d’accord avec un nombre de membres plus à droite.
- Les fuites, qui ne sont même pas un véritable « avis » soutenu par l’ensemble du Conseil, font appel à l’imagination : la TVA passerait de 21 à 22 %, les chèques-repas seraient supprimés, l’épargne-pension deviendrait moins avantageuse et on se dirigerait vers une taxation des allocations familiales.
- Tout ceci dans le but de financer un électrochoc fiscal : il ne resterait que trois taux d’imposition sur le revenu des personnes physiques (IPP). Ce transfert fiscal s’élèverait à environ 6 milliards d’euros. Mais, c’est frappant, le CSF ne mentionne aucune charge supplémentaire.
- Le PS est immédiatement monté au créneau : « La réforme fiscale ne peut être le véhicule d’une politique d’austérité. Ce qu’on lit ici est imbuvable. Augmenter la TVA d’1% alors qu’on est en période inflatoire et que les gens souffrent de la vie chère. S’en prendre aux chèques-repas, sur lesquels il y a des choses à dire, mais qui sont un complément important pour les bas et moyens revenus. Taxer les allocations familiales alors qu’elles permettent à des familles qui n’ont pas beaucoup de nouer les deux bouts. Faire des économies dans les services publics alors qu’il nous faut refinancer la santé, la justice, l’Intérieur… Les membres du CSF vivent-ils sur une autre planète? », a fustigé Ahmed Laaouej, chef de file du parti et spécialiste de la fiscalité.
- En coulisses, le mécontentement était tout aussi grand chez Vooruit. Et le MR ne se réjouit pas de ces charges supplémentaires : il veut une réduction d’impôt, pas un transfert. Pour dire les choses crûment : la Vivaldi n’est pas sortie de l’auberge.
Un autre point de friction pour la Vivaldi : les malades de longue durée.
- Des applaudissements nourris sur les bancs bleus ce matin pour… Frank Vandenbroucke (Vooruit). Le ministre de la Santé, dans son style caractéristique de « Maître Frank », fait avancer le dossier des malades de longue durée.
- Vandenbroucke va à l’encontre des partenaires sociaux : employés et employeurs. Ces derniers sont opposés aux mesures de la Vivaldi, qui doivent pénaliser financièrement les malades de longue durée et leurs employeurs. Non qu’il s’agisse de sanctions spectaculaires : un malade de longue durée qui refuse systématiquement de coopérer à une remise à l’emploi, par exemple en remplissant un questionnaire obligatoire, pourrait perdre 2,5 % de ses allocations. Dans le même temps, les entreprises qui afficheraient des chiffres trop élevés en termes malades de longue durée se verraient également infliger des sanctions financières.
- Les partenaires sociaux enragent : au lieu de la carotte habituelle, le gouvernement fédéral utilise maintenant le bâton. Ils n’y sont manifestement pas habitués : d’habitude, c’est le contribuable qui doit leur graisser la patte.
- Toutefois, l’attitude de Vandenbroucke est extrêmement sensible pour le PS. Le PTB-PVDA leur souffle dans le cou sur ce dossier : « punir » les malades de longue durée est un slogan parfait pour attiser la colère des partisans communistes.
- Le PS use donc de toute la dramatisation requise, tandis que Vandenbroucke persévère obstinément.
- Du côté libéral, on ne boude pas son plaisir: « Davantage de personnes au travail est la meilleure protection de notre pouvoir d’achat. Le gain le plus important est d’activer les inactifs. C’est bien que l’on travaille à la mise en œuvre de notre accord », a tweeté triomphalement Egbert Lachaert (Open Vld) ce matin, à propos de l’information parue dans De Standaard selon laquelle Vandenbroucke « tient bon ».
- Vandenbroucke doit être le seul ministre depuis 2014 qui ne se laisse pas intimider par les syndicats et le patronat, qui ne veulent pas que les employeurs et les employés soient tenus responsables. « On doit faire plus et plus vite, mais ça avance enfin », ont déclaré triomphalement des sources libérales, même au sein du gouvernement. « La question est de savoir si ses camarades socialistes sont très heureux de cette situation. »
La vue d’ensemble : la Vivaldi terminera-t-elle la course ?
- Le futur président du cd&v, Sammy Mahdi, a ranimé un feu qui couvait depuis longtemps dans la rue de la Loi : dans De Afspraak, il a laissé entendre que son parti avançait également les élections en interne, car certains envisagent sérieusement le fait que la Vivaldi ne tienne pas le coup.
- Ce faisant, il a confirmé ce qui circulait depuis longtemps : la volonté de poursuivre réellement cette coalition fait défaut, notamment chez les socialistes. Ce qui veut dire que le gouvernement pourrait bien tomber.
- Du côté flamand, Vooruit est très bien placé dans les sondages : on n’a plus peur d’aller aux urnes. Et ce n’est un secret pour personne, le PS a toujours été opposé à la concordance des élections fédérales et régionales : un découplage serait une bonne chose pour le parti. Un gouvernement fédéral qui tombe en 2022 ou 2023 ferait apparaître ce scénario.
- Mais il y a plus : le travail du gouvernement est en lambeaux, comme le montrent les dossiers précités. La réforme fiscale, la réforme du travail et la réforme des pensions sont au point mort. Trop de dossiers piétinent et, trop souvent, le Premier ministre est accusé d’avoir laissé les choses s’emballer.
- Ceci étant dit : faire tomber un gouvernement ne se fait pas comme ça, sur commande. Ceux qui entreprennent ce genre de démarche risquent de payer le prix fort : l’électeur récompense rarement celui qui retire la prise. En outre, plusieurs partis de la Vivaldi ne sont pas prêts pour un scrutin à l’heure actuelle : le cd&v est dans un marasme et change de direction. Il en va de même pour Groen. Et l’Open Vld doit tellement répéter qu’il y a « une grande unanimité au sein du parti », que tout le monde sent que le contraire est vrai. Aucun d’entre eux ne veut aller demander l’avis des électeurs maintenant.