« De nos jours on ne sait plus où trouver du petit personnel compétent ! » La rengaine est probablement vieille comme le travail salarié, mais ce qui est plus étonnant, c’est qu’elle s’applique aussi parfaitement au crime organisé, un secteur dans lequel ce problème est devenu structurel.
Les temps changent de plus en plus vite et les anciennes générations ont de plus en plus de mal à suivre. Et c’est vrai aussi pour les parrains de la mafia. Si le – supposé – chef de la famille new-yorkaise Colombo, Andrew Russo, a été arrêté le mois dernier à l’âge de 87 ans, ça serait en partie à cause de problèmes de management. Avec l’âge, le patron a pris la très mauvaise habitude de faire du micro-management et de s’assurer que tout fonctionne selon sa volonté jusqu’aux plus bas échelons. Ce n’est pas l’idéal dans un grand business, mais c’est une erreur potentiellement fatale dans l’illégalité : à force de côtoyer le petit personnel appelé à se salir les mains, on se retrouve avec de coupables taches sur les manches.
Le blues des vieux mafieux
Le vieux mafieux n’aurait en fait aucune confiance envers la nouvelle génération d’hommes de main : pour eux, celle-ci n’a pas bien appris le métier, selon d’anciens enquêteurs du gouvernement. Les membres plus anciens se plaignent que les millennials – qui ont grandi dans des banlieues plutôt que dans les rues des villes – sont plus mous, plus bêtes et moins loyaux que les mafieux du passé. De plus, ils sont toujours en train d’envoyer des SMS.
Or, c’est un cercle vicieux : à toujours donner des ordres directs à des personnes qu’on considère peu fiables, on se retrouve avec des gens prêts à témoigner qu’ils ont collaboré avec vous. Et c’est d’autant plus grave que les SMS et autres messages échangés via des téléphones constituent d’excellentes preuves devant un tribunal. C’est justement le cas dans l’affaire d’extorsion pour laquelle Andrew Russo s’est vu passer les menottes : on a retrouvé des SMS de menaces et de chantages envoyés par certains de ses peu soigneux lieutenants.
Un siècle de business
L’histoire peut faire sourire, mais elle est symptomatique d’un fossé générationnel qui frappe l’ensemble de la société, et en particulier le monde du travail. Première génération qui a grandi avec la technologie et qui s’adapte plutôt facilement à son évolution, les millenials – qui ont entre 25 et 35 ans environ – ne font rien comme les deux générations précédentes. Et celles-ci en prennent vite ombrage : très critiques envers ces jeunes, elles veulent tout contrôler de peur de se retrouver complètement larguées.
La famille Colombo est active dans la mafia de New York depuis 1928. Comme toute vieille entreprise, elle se retrouve confrontée à la nécessité de surmonter le fossé numérique.
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