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Le prix du cuivre, en chute libre, provoquera-t-il la prochaine pénurie catastrophique ?

Le prix du cuivre, en chute libre, provoquera-t-il la prochaine pénurie catastrophique ?
(GEtty Images)

Le prix du cuivre chute et se trouve en dessous du niveau auquel il est lucratif. Cela freine l’intérêt pour ce métal crucial. Une dangereuse pénurie pourrait couver.

Le cuivre est dans tout. Ordinateurs, smartphones, machines à laver, et même dans n’importe quel câble. Depuis mars, son prix est en chute libre : il a baissé de près d’un tiers. Mercredi à la clôture de la bourse des métaux de Londres, une tonne valait 7,690 dollars. En cause : des peurs de récession. En situation de récession, la production de différents produits manufacturés reculerait, et la demande en cuivre également. Selon certaines estimations, son prix pourrait chuter jusqu’à 6.600 la tonne dans les mois à venir.

Pour cette raison, la chute du prix de « Dr Copper » est souvent vue comme un indicateur d’une récession à venir. Mais au-delà de ces fluctuations de marché en fonction du contexte macro-économique, un vrai danger se profile à un horizon plus lointain, rapporte Bloomberg.

Désintérêt des investisseurs

Cette chute du prix du cuivre entraine une baisse de l’intérêt pour ce métal. Financer quelque chose dont le prix ne fait que chuter est un horizon qui ne motive pas les investisseurs. C’est ce que constate déjà Freeport-McMoRan Inc., un des plus grands fournisseurs de cuivre au monde. Les prix seraient maintenant « insuffisants » pour soutenir de nouveaux investissements, s’alarme le groupe, cité par Bloomberg. Le cuivre devrait actuellement valoir 9.000 dollars la tonne pour être lucratif, estime Goldman Sachs.

Dans ce climat où les investissements s’effacent, les réserves futures de cuivre commencent à être en péril. Les inventaires des différentes plateformes d’échange sont au plus bas. Newmont Corporation, un mastodonte du secteur minier, vient de mettre en suspens un projet de construction d’une mine de cuivre (et d’or) au Pérou, estimé à 2 milliards de dollars.

Risques multiples

Malgré ces peurs de récession, la demande ne va pas entièrement disparaître. Les crises, comme une récession, sont temporaires, comme l’a montré l’Histoire. Pa la suite, la demande pour le cuivre devrait rebondir. De plus, avec la transition énergétique, le monde aura de plus en plus besoin de cuivre (malgré la pollution résultant de l’extraction minière). Un véhicule électrique comporte par exemple deux fois plus de cuivre qu’une voiture thermique (qui en contient déjà 30 kilos en moyenne).

« Nous regarderons en arrière vers 2022 et nous nous dirons ‘oups' », lance John LaForge, responsable de la stratégie des actifs réels chez Wells Fargo, cité par Bloomberg. « Le marché ne fait que refléter les préoccupations immédiates. Mais si vous réfléchissez vraiment à l’avenir, vous pouvez voir que le monde est clairement en train de changer. Il va être électrifié, et il va avoir besoin de beaucoup de cuivre. »

Voilà tout le danger. Si aujourd’hui les investissements se tarissent et que les nouveaux projets de mines sont reportés, au moment où la demande va repartir en flèche, l’offre sera incapable de suivre. Construire une mine prend au moins dix ans. Cela mènera à des pénuries, à une hausse violente des prix, des retards sur les chaines d’approvisionnement et à un nouvel épisode d’inflation (rappel : le cuivre est dans tout). Les objectifs de transition énergétique et de réduction des gaz à effet de serre risquent aussi d’être mis à mal par ce goulet d’étranglement qui se profile.

Déficits à venir

Voilà pour la théorie. Il existe également quelques estimations chiffrées, qui dressent un tableau assez sombre. D’abord, dès 2024, on s’attend à ce que la croissance de la production des mines ait atteint un sommet. Cela est calculé en fonction des mines existantes qui se vident, et des projets de nouvelles mines qui verront le jour. C’est là que le report de la construction de la mine au Pérou sonne encore comme plus alarmant.

Selon une étude de S&P Global, en 2035, le monde sera confronté à un déficit de 10 millions de tonnes (la demande étant alors de 50 millions de tonnes). En 2015, à titre de comparaison, 19 millions de tonnes ont été produites, moins de 17 en 2020, et un peu plus de 20 en 2021.

Selon une étude de Goldman Sachs, le déficit sera de 8 millions de tonnes dans dix ans. Pour y remédier, des investissements à hauteur de 150 milliards de dollars seraient nécessaires. Selon BloombergNEF, en 2040, le déficit de cuivre issu de mines sera de 14 millions de tonnes. Il faudra alors recycler en masse pour couvrir cette différence. Mais là aussi, le secteur doit être développé (16% du cuivre disponible sur le marché, en 2021, était du cuivre recyclé) et des investissements sont nécessaires, peut-on ajouter.

Des chiffres gigantesques comparés au déficit de 2021, atteignant 441.000 tonnes. C’est à peine 2% de la demande (soit très peu par rapport aux 20% que suggère l’étude de S&P Global, pour 2035)… mais les prix sont partis en flèche sur l’année, gagnant 25%. Bref, on pourrait s’attendre à de sérieux maux de tête dans les années à venir.

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