Alors que les Américains semblaient avoir pris de l’avance, cela fait un moment qu’on n’étend plus parler de leurs canons électromagnétiques. Les armes laser semblent plus pratiques, mais l’Europe, elle, progresse sur un projet plus humble et peut-être plus prometteur.
Plusieurs pays s’associent pour développer le premier canon électromagnétique européen, alors que la recherche semble au point mort aux USA

Pourquoi est-ce important ?
Que sera la nouvelle révolution technologie dans le secteur de l'armement ? Le missile n'a certes pas dit son dernier mot, avec des modèles toujours plus rapides et difficiles à intercepter. Mais les lasers sont de plus en plus présents, en particulier comme réponse aux projectiles ou pour mettre hors de combat de petits engins comme des drones. Ceux-ci sont toutefois limités aux courtes portées ; la future arme dangereuse à des centaines de km, c'est peut-être plutôt le railgun.C’est quoi ? En français, on parle plutôt de canon électromagnétique. Il s’agit d’un système de deux rails conducteurs magnétiques, entre lesquels peut « glisser » un projectile. Celui-ci n’est pas propulsé par l’explosion d’une substance chimique, mais par un courant électrique, avec une différence de potentiel entre les deux rails afin de lui donner des accélérations initiales absolument phénoménales.
Un nouvel âge du (gros) canon de marine ?
- Cette technologie a été imaginée dès la fin du XIXe siècle avec la mise sur papier de la force de Laplace, la force électromagnétique qu’exerce un champ magnétique sur un conducteur parcouru par un courant. Mais jusqu’à présent, le concept n’a jamais été rendu opérationnel.
- Des essais en laboratoire ont toutefois été mené à bien, et on sait que l’armée américaine a mené des tests d’assez grande ampleur, dans l’espoir d’utiliser cette technologie pour des canons de marine. En 2008, l’US Navy a testé un engin capable d’envoyer un obus à 2.500 m/s avec 10 mégajoules (MJ, soit une unité de mesure qui correspond à une voiture d’une tonne lancée à 160 km/h.) À l’époque, elle imaginait augmenter la vitesse initiale jusqu’à 8.300 m/s, avec une précision suffisante pour toucher une cible de 5 m à 360 km, avec une cadence de tir de 10 coups/min.
- On prédisait un temps un « nouvel âge du canon » en marine, avec des projectiles solides arrivant à une vitesse telle qu’ils feraient plus de dégâts qu’un missile pour une fraction du prix. Mais l’énergie colossale nécessaire à ce genre de « tube » a depuis freiné la recherche, d’autant que l’échauffement de l’arme peut devenir extrême. Certaines estimations arrivent à un canon qui aurait besoin la moitié de la puissance électrique totale installée sur le porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle pour fonctionner.
- Le programme de canons magnétiques de la Navy semble stagner depuis la livraison d’un prototype en 2012 ; une arme de 10 m et 54 tonnes pouvant lancer un objet d’une vingtaine de kilogrammes à 160 km, avec une vitesse de Mach 5 et 32 MJ d’énergie.
Plutôt un gros javelot
La recherche sur les canons électromagnétiques semble plutôt reprendre de l’autre côté de l’Atlantique, mais en laissant tomber le gigantisme propre à une arme destinée à pulvériser des navires. Depuis 2020, la Commission européenne a orchestré un programme nommé PILUM [Projectiles for Increased Long-range effects Using ElectroMagnetic railgun]. On remarquera un acronyme très bien trouvé, puisqu’il fait référence au javelot lourd du légionnaire romain, capable de clouer ensemble un bouclier et le guerrier qui s’abritait derrière.
- Ce programme a depuis accouché d’un second projet, THEMA [TecHnology for Electro-Magnetic Artillery], dévoilé le 27 juin dernier et qui doit faire « mûrir les composants critiques » d’une arme électronique destinée à la défense européenne. On n’en est donc qu’au début, mais la volonté et l’argent (15 millions) sont sur la table.
- Le projet est aussi moins ambitieux : l’Europe cherche à se doter d’une sorte de canon antiaérien, assez léger pour être monté sur un camion. Objectif : une portée d’une trentaine de kilomètres. « Il serait alors possible d’utiliser comme munitions des obus flèches classiques non explosifs, ce qui facilite la fabrication » ajoute Emmanuel Chiva, le Délégué général français pour l’armement, cité par Opex360.
- Le projet est donc véritablement sur les rails, si l’on peut dire, et semble partir sur un développement en partenariat des principaux groupes militaro-industriels et scientifiques d’Europe. C’est la holding franco-allemande KNDS qui chapeautera les travaux, avec la participation de groupes d’Italie, de Belgique, de Bulgarie, de Chypre, mais aussi de l’Estonie, de Pologne, et du Portugal.

