Pour que la Belgique atteigne ses objectifs climatiques, les voitures de société devraient être supprimées. C’est l’avis de François Gemenne, spécialiste belge de la géopolitique environnementale et maître de conférences à l’illustre Sciences Po de Paris.
Gemenne a fait ses déclarations sur les ondes de DH Radio. Il a notamment critiqué le laxisme du gouvernement belge en matière de promesses climatiques. La politique des transports de notre pays est une pomme de discorde.
Points douloureux
« Le transport est clairement le secteur en Belgique qui est le plus lent à se décarboniser », a déclaré Gemenne. « C’est là que nous avons le plus de difficultés à atteindre les objectifs. Il y a un coupable (…) : les voitures de société. Je pense qu’elles devraient être abolies. »
Selon Gemenne, la mesure incite les usagers à rouler davantage, car ils ne doivent pas payer eux-mêmes les frais de carburant. Les transports publics seront donc toujours plus chers que la voiture payée par l’employeur, a fait valoir le scientifique. Cette forme de concurrence déloyale est la raison pour laquelle le spécialiste du climat estime que cet avantage doit absolument être supprimé.
L’alternative aux voitures de société est le transport public. Mais Gemenne y voit aussi un point douloureux, causé par une mauvaise gestion. Il y a le service cahotant, mais aussi l’accès limité aux transports publics. Par exemple, surtout dans le sud du pays, peu de gens ont accès à une gare.
« En Belgique, il existe un réel problème d’insuffisance de l’offre de transports publics, alors que la densité de population du pays devrait nous inciter à disposer des réseaux de transport les plus performants d’Europe », a-t-il déclaré.
Des progrès avec les Verts au pouvoir ?
N’y a-t-il aucun espoir de progrès ? Le fait que les écologistes occupent désormais certains postes politiques clés n’a-t-il pas d’importance ? « Ils ne peuvent plus dire qu’ils ne détiennent pas les leviers du pouvoir. Ils ont tous les ministères clés (…) : transport, mobilité, énergie, climat et biodiversité. (…) S’ils n’y parviennent pas, ce sera un énorme échec collectif », a souligné l’expert.
Ainsi, même avec les Verts aux commandes, l’expert s’interroge sur la faisabilité de la transition énergétique belge. Idéalement, nous devrions réduire nos émissions de CO2 de 40 % d’ici à 2030. La seule année où cette trajectoire a été respectée est l’année 2020 : en raison des confinements dus à la crise du coronavirus. « Pour atteindre l’objectif 2030, cela signifie en Belgique l’arrêt immédiat des voitures de fonction », conclut encore Gemenne.
La question est de savoir si le monde des affaires est satisfait de cette situation. Une récente enquête de l’Observatoire de la mobilité d’Arval a mis les choses au clair. Par exemple, 93 % des entreprises belges souhaitent maintenir ou développer leur parc automobile d’entreprise. L’enquête a été menée auprès de plus de 300 gestionnaires de flotte d’entreprises belges de différents secteurs et de différentes tailles.
Outre les employeurs, les employés ne sont pas particulièrement enthousiastes à l’idée de la suppression de cette prestation. Une étude de 2019 de Securex sur la mobilité a par exemple révélé que pas moins de 59 % des employés belges ont déclaré qu’ils changeraient d’emploi si l’employeur n’offrait plus de voitures.
Fiscalité
Gemenne n’est pas le premier à demander l’abolition immédiate des voitures de société. Il n’est pas non plus le premier à perdre de vue l’aspect fiscal dans son plaidoyer. Les taxes élevées sur le travail dans notre pays sont la principale raison de l’existence des voitures de société.
« La voiture de fonction n’est rien d’autre qu’une manœuvre fiscale pour échapper à la forte taxation du travail qui écrase littéralement les salariés », écrit le site Go Car. Une réforme en profondeur, tant des transports publics que du système fiscal, serait donc bénéfique pour tous, selon plusieurs analystes proches du monde des affaires.