10 ans pour déstabiliser durablement la Moldavie : un plan russe qui ne date pas de la guerre

Sale période pour les espions russes : alors que la Pologne vient de démanteler ce qu’elle présente comme un réseau de saboteurs potentiels qui observait ses aéroports, voilà qu’est dévoilée la stratégie pour déstabiliser la Moldavie.

Pourquoi est-ce important ?

Depuis l'invasion de l'Ukraine, le gouvernement moldave craint d'être le prochain pays sur la liste du Kremlin. Le pays est fortement dépendant des combustibles fossiles russes, mais a suivi une voie pro-européenne ces dernières années, mais une partie du pays a fait sécession en 1991 et est contrôlé de facto par l'armée russe. En outre, les provocations, tentatives de déstabilisation, voire menaces de coup d’État, semblent se multiplier. Et Chișinău se sent bien isolée.

Comment déstabiliser un pays tranquillement

Dans l’actualité : un plan secret élaboré par le FSB, le service de sécurité russe, vient d’être dévoilé par un consortium de médias. CNN a pu consulter le document : il s’agit d’un manuel destiné à empêcher la Moldavie de se rapprocher de l’UE et de l’OTAN, et ce par tous les moyens nécessaires.

  • Le plan prévoit d’instrumentaliser les différents groupes traditionnellement pro-russes au sein de la population : le document mentionne le « soutien aux forces politiques moldaves prônant des relations constructives avec la Fédération de Russie. » Des éléments plutôt disparates, qui comprennent tant le clergé orthodoxe que le parti communiste local.
  • Le texte évoque aussi la « neutralisation des initiatives de la République de Moldavie visant à éliminer la présence militaire russe en Transnistrie. » Ce qui semble être une vision fort catastrophiste de la menace que l’armée moldave (environ 8.000 soldats sans les réservistes) pourrait faire peser sur la région séparatiste (environ autant, dont 1.500 soldats russes).

Un plan sur 10 ans

Les objectifs à moyen terme présentés dans le texte comprennent « l’opposition à la politique expansionniste de la Roumanie en République de Moldavie » et « l’opposition à la coopération entre la République de Moldavie et l’OTAN. » Quant au but final du FSB, il consiste à ramener la Moldavie durablement dans l’influence russe. Le plan est censé prendre 10 ans, en instrumentalisant les conflits sociaux et culturels, mais aussi en accentuant la dépendance du pays aux sources d’énergie russes.

  • Ce document, intitulé « Objectifs stratégiques de la Fédération de Russie en République de Moldavie » semble avoir été rédigé dès 2021 par la direction de la coopération transfrontalière du FSB.
  • Il ne semble pas mentionner de plan d’invasion, que ce soit contre ce pays ou un de ces voisins, ce qui laisse à penser qu’avant d’opter pour l’option militaire, la Russie comptait plutôt sur une version « dure » du soft power pour consolider sa sphère d’influence qui prenait l’eau.
  • « Nous ne savons rien de l’existence d’un tel plan », a rétorqué le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. « Je n’exclus pas qu’il s’agisse d’un autre faux. La Russie a toujours été et reste ouverte à l’établissement de relations de bon voisinage et mutuellement bénéfiques, y compris avec la Moldavie ».

Ces révélations tombent pile alors qu’à Chișinău, on fait tout pour s’éloigner de Moscou et de se rapprocher de l’Europe. Le parlement moldave a approuvé ce jeudi un texte décrétant la langue nationale comme étant le roumain, et ce dans tous les textes législatifs et dans la constitution.

  • Jusqu’ici, une ambiguïté demeurait entre qualifier la langue ainsi, ou l’appeler tout simplement le moldave. Une confusion qui date de la période soviétique, où était encouragée la notion d’une langue moldave – écrite en cyrillique – distincte du roumain, qui s’écrit avec l’alphabet latin.
  • La constitution désigne actuellement la langue nationale comme le moldave, mais la déclaration d’indépendance de la Moldavie vis-à-vis de l’Union soviétique, en 1991, stipulait que le roumain était la langue officielle, rappelle Euractiv. Le gouvernement estime que c’est la constitution qui prime.
  • La mesure suscite toutefois la vive opposition du parti communiste – particulièrement prorusse – ainsi que des socialistes.
  • Il est intéressant de noter que dans les documents du FSB qui ont fuité, on peut lire noir sur blanc que « l’opposition à la politique expansionniste de la Roumanie en République de Moldavie » est un objectif à moyen terme dans l’avenir du pays que voudrait tracer Moscou.
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