Les pays producteurs de pétrole tentent encore de convaincre qu’il faut continuer à investir dans l’or noir.
L’OPEP est-elle en plein déni ? Elle assure que la demande mondiale de pétrole atteindra de nouveaux sommets

Pourquoi est-ce important ?
Quel que soit le rythme de la transition énergétique vers un monde libéré des hydrocarbures, l'Organisation des pays producteurs de pétrole prédit toujours une hausse de la demande. L'OPEP joue aussi des valves pour mettre la pression sur l'offre mondiale. Une manière de pousser les prix à la hausse, comme si l'organisation gonflait sa propre bulle pétrolière.Dans l’actualité : l’OPEP a révélé ce lundi son Outlook mondial du pétrole de l’année 2023, dans lequel les pays producteurs font part de leurs prévisions sur le marché à moyen et long terme. Et leur vision de l’avenir est en décalage avec celle de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Ça n’est pas la première fois.
Un monde qui aura encore soif de pétrole en 2045 ?
- À moyen terme : l’OPEP voit une hausse de la demande de pétrole, avec 110,2 millions de barils par jour (b/j) en 2028. Soit une hausse de 10,6 millions par rapport à la consommation de 2022, qui a monté jusqu’à 99,6 millions de b/j.
- À plus long terme : de même, la demande devrait grimper jusqu’à 116 millions de b/j d’ici 2045. L’OPEP a clairement indiqué que cette hausse pourrait être encore plus importante, si la Chine, l’Inde, et différents pays d’Asie et d’Afrique continuent à avoir de plus en plus besoin de pétrole.
- Pour satisfaire cette soif mondiale à venir, l’OPEP estime qu’il faut encore investir massivement dans le pétrole. 14 billions de dollars seraient nécessaires en tout, soit 10 milliards de dollars par an en moyenne.
« Les appels à cesser les investissements dans de nouveaux projets pétroliers sont malavisés et pourraient conduire à un chaos énergétique et économique. L’histoire est remplie de nombreux exemples de troubles qui devraient servir d’avertissement sur ce qui se passe lorsque les décideurs politiques ne reconnaissent pas les complexités interconnectées de l’énergie. »
Haitham al-Ghais, secrétaire général de l’OPEP
Le contexte : après un pic de la demande pétrolière en 2023, qui avait été prédit conjointement par l’OPEP et l’AIE, la première voit de nouveaux sommets à l’horizon. Un vœu pieux, ou une prophétie autoréalisatrice ?
L’OPEP joue au yo-yo pétrolier
- L’AIE s’attend à une demande moyenne record de 102,2 millions de b/j cette année. Une soif alimentée par la reprise économique (un peu) et le retour à la normale du trafic aérien (beaucoup).
- Mais si les prix de pétrole montent, ce n’est pas tant à cause de la hausse de la demande que de la baisse de l’offre. Celle-ci aurait chuté de 2,2 millions de b/j, au troisième trimestre 2023. La faute à l’OPEP, qui revoit sa production à la baisse régulièrement. Une manière de maintenir des prix élevés. Ce qui profite aussi à la Russie, dont le pétrole subit les sanctions occidentales.
- Une hausse des prix qui n’est d’ailleurs jamais durable, malgré les inquiétudes des consommateurs. Début octobre, le pétrole est retombé à son niveau le plus bas depuis six mois, après une forte hausse à la fin de l’été – largement provoquée par l’OPEP.
La mort du derrick
Un chant du cycle ? C’est en tout cas le point de vue de l’AIE. Celle-ci a déclaré le mois dernier que le monde était maintenant au « début de la fin » de l’ère des énergies fossiles, rappelle CNBC. Une déclaration qui se basait sur un rapport encore à paraître, prévoyant un pic de la demande de charbon, de pétrole et de gaz avant 2030, au profit des énergies renouvelables.
- Un cap « extrêmement risqué », « irréaliste » et « idéologiquement motivé » de la part de l’AIE, selon l’OPEP. Qui a forcément tout à perdre d’un monde qui se passerait de pétrole. La question de nouveaux investissements dans l’industrie pétrolière est devenue un cheval de bataille de l’organisation, qui assure invariablement que l’ère du derrick n’est pas terminée.