Nouveau round sur le budget : la situation est toujours totalement bloquée, aussi bien sur les économies à réaliser que sur les nouveaux impôts

« Nous n’y sommes pas encore », « le dossier n’est pas encore mûr pour atterrir » et « tout est dans le tout » : ces commentaires des personnes concernées résument bien l’état d’avancement du contrôle budgétaire du gouvernement fédéral. Le Premier ministre Alexander De Croo a réuni son kern (comité ministériel restreint) hier, et fait de même aujourd’hui et demain.

  • Le fait que De Croo continue à faire le forcing n’est pas surprenant : il l’avait déjà annoncé ce week-end. Le Premier ministre et sa secrétaire d’État au budget Alexia Bertrand (Open Vld) continuent de viser une réduction du déficit de 1,8 milliard d’euros jusqu’à la fin de la législature.
  • Du côté de l’Open Vld, le raisonnement est que les économies doivent provenir de la 4e et dernière tranche de l’augmentation de la pension minimum. Selon eux, il n’est pas nécessaire de l’allouer, car la pension a déjà suffisamment augmenté pour dépasser les 1.500 euros, du fait de l’indexation automatique. « Ce que les gens n’ont pas encore, on ne peut pas le leur ‘enlever’, c’est toujours moins douloureux », telle est la réflexion. De plus, pour le citoyen, la différence est minime : 1.606 euros, plutôt que 1.633 euros en avril 2024. Il est aussi question de ne pas verser cette dernière tranche pour le chômage, le revenu d’intégration, la grapa et les allocations de remplacement. Somme économisée en tout pour l’Etat : 830 millions d’euros.
  • Assez logiquement, cette proposition est rejetée par les socialistes. On touche à leur cœur de métier. De Croo a tenté de faire comprendre qu’il faudra soit aller faire ces économies dans les pensions, le chômage ou les soins de santé, qu’il n’y a pas mille possibilités. Mais la gauche refuse ce raisonnement : « Faut-il vraiment trouver 1,8 milliard d’euros ? Qui a dit ça ? », a déclaré un vice-premier ministre autour de la table, lundi.
  • À cela s’ajoute le fait que même du côté des recettes, c’est-à-dire des nouveaux impôts, on ne trouve pas d’adeptes. Car si Ecolo et le PS rechignent à faire de nouvelles économies, le MR et le cd&v le font pour des impôts supplémentaires. Les libéraux francophones par principe, le cd&v parce que les propositions concrètes menacent de vider de sa substance la réforme fiscale de Vincent Van Peteghem (cd&v). Il est notamment question de doubler la taxe sur les comptes-titres, de 0,15 à 0,30%, mesure qui fait partie de la proposition de réforme fiscale.
  • Compte tenu du rythme actuel et surtout de la fermeté avec laquelle certains campent sur leurs positions, il est peu probable qu’un accord soit trouvé dès mercredi. La date limite est en effet fixée à vendredi, dernier jour du mois de mars.

À prendre en compte : à la Chambre, l’Agence fédérale de la dette apporte d’autres mauvaises nouvelles.

  • Pour ceux qui considèrent ces 1,8 milliard d’euros comme un gros exercice budgétaire, le déficit total s’élève encore à plus de 27 milliards d’euros cette année. Une fois de plus, une institution publie des chiffres qui ne sont pas roses : ce matin, l’Agence de la dette a présenté un nouveau rapport à la commission budgétaire du Parlement.
  • Les évolutions de la dette publique belge sont frappantes : après la crise financière de 2007, le taux d’endettement a continué à augmenter pour atteindre 107 % du PIB en 2014. En 2020, après des années de baisse, il a de nouveau culminé à 112 %. Aujourd’hui, une baisse s’est amorcée, ramenant le taux d’endettement à 105 %. Mais si rien ne change, la dette augmentera à nouveau très rapidement, pour atteindre 115,9 % en 2028, selon leurs calculs.
  • Et ce n’est pas tout : l’écart avec le reste de l’Europe se creusera, selon l’agence, dans les années à venir. Aujourd’hui, l’écart avec la moyenne de l’UE n’est que de 11,4 %. Mais dans les deux années à venir, il passera à 15,8 %.
  • Il est à noter que le « coût » de cette dette, les taux d’intérêt, monte en flèche. De 6,9 milliards en 2022, il devrait atteindre 14,2 milliards en 2027. En pourcentage du PIB, cela ne représente « que » 1,24 % en 2022, mais cela passe à 2,16 % du PIB en 2027 : c’est ce que l’on appelle la « boule de neige des intérêts ».
  • Avec le retour annoncé des règles de Maastricht, on reste loin d’un déficit toléré de 3% : 4,8% actuellement, et vers les 6% dans les prochaines années. Par ailleurs, la Belgique est en tête des dépenses publiques en Europe, juste derrière la France.
  • Voilà qui vient relativiser les récentes erreurs de calculs du Comité de monitoring, qui ont permis de dégager 5 milliards d’euros supplémentaires pour les prochaines années. Banque nationale, Commission européenne, OCDE, FMI… autant d’institutions qui ont récemment tiré la sonnette d’alarme sur les finances de la Belgique.
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