Les forces américaines et leurs alliés qui ont réussi à éradiquer progressivement l’Etat islamique en Syrie et en Irak reprennent graduellement le chemin du bercail. Mais la mouvance islamique n’est pas morte en Afrique, et elle reprend de la vigueur au Sahel.
Le Sahel, une bande de territoires arides et peu peuplés qui bordent le désert du Sahara, rassemble des pays pauvres et mal gouvernés. Certains d’entre eux, comme la Somalie ou la République centrafricaine, sont englués dans des conflits depuis des décennies. Au cours des dernières années, des djihadistes ont commencé à y prendre position. Rien que l’année dernière, ces combattants ont tué quelque 10 000 personnes, pour la plupart des civils. En comparaison, dans le même temps, leurs homologues irakiens et syriens ont fait 2 000 victimes.
3500 djihadistes pour la « Province ouest africaine de l’Etat islamique »
Ils sont aussi plus nombreux, affirme The Economist. La Province ouest africaine de l’Etat islamique (ISWAP), un groupe djihadiste nigérian issu de l’allégeance de Boko Haram à Daesh en 2015, en recenserait près de 3 500, un nombre bien supérieur à celui de l’Etat islamique en Irak et en Syrie. Ce mouvement veut aussi établir un “califat” dans les villes éloignées proches de la frontière.
Malheureusement, les Occidentaux n’ont guère envie de se retrouver une fois de plus mêlés à des conflits lointains, et le Sahel ne pèse pas lourd dans la balance de leurs intérêts.
La menace d’une nouvelle crise massive de réfugiés pour l’Europe
Mais ce désintérêt permet à ces groupes terroristes de monter tranquillement en puissance. Des djihadistes affiliés à al-Qaïda et à l’EI ont commis des attentats sur des ambassades occidentales, les hôtels et des installations pétrolières du Sahel. Ils ont aussi revendiqué des attaques en Europe, et notamment un attentat-suicide qui a fait 23 victimes à Manchester en 2017, et l’attentat contre le marché de Noël à Berlin en 2016, qui a tué 12 personnes, tous deux revendiqués par des groupes libyens.
Il faut s’attendre à une recrudescence de ce type d’attentats si rien n’est fait pour les stopper, et les empêcher de prendre le contrôle de certains territoires, affirme le magazine. D’autant que ces groupes risquent de déstabiliser des nations avec la croissance de population parmi les plus dynamiques du monde. De nouveaux conflits dans ces régions pourraient impliquer une nouvelle crise massive de réfugiés pour l’Europe.
Au mois d’avril de cette année, le responsable du Programme Alimentaire mondial (WFP, ou PAM) des Nations unies, David Beasley, avait sonné l’alarme à ce sujet : « Mon commentaire à l’attention des Européens, c’est que si vous croyiez que vous aviez un problème avec une nation de 20 millions d’habitants comme la Syrie en raison de la déstabilisation et des conflits liés à la migration, attendez de voir ce qui se passera quand la région du Grand Sahel, avec ses 500 millions d’habitants, sera encore plus déstabilisée. C’est maintenant que la communauté européenne et la communauté internationale doivent se réveiller ».
Les Occidentaux devront intervenir, qu’ils le veuillent ou non
Les étrangers ne pourront guère apporter de solution à cet état de choses, et c’est aux responsables africains qu’il incombe de tenter de le résoudre. Mais les Occidentaux peuvent toutefois intervenir a minima pour les aider à empêcher les djihadistes de s’emparer de territoires ou de tenter d’instituer une forme d’Etat.
La France a déjà déployé près de 4 500 militaires en Afrique ; les Etats-Unis, près de 6000. Même s’il s’agit d’un effort limité par rapport à la surface concernée, ces unités peuvent fournir des renseignements cruciaux et soutenir les armées africaines qui livrent la quasi-totalité des combats.
Malheureusement, la tendance est plutôt au retrait de l’armée américaine de la région, depuis la mort de quatre militaires américains au Niger en octobre. Pourtant, il serait plus simple d’empêcher l’effondrement du Sahel, plutôt que de tenter de le reconstituer s’il venait à sombrer dans l’anarchie. Le président américain Donald Trump devrait se souvenir de l’exemple dramatique offert par la Somalie, livrée aux pirates et aux djihadistes après le départ des troupes américaines en 1993.