Hier, au Parlement, la réponse de la ministre des Pensions Karine Lalieux (PS) a été plutôt succincte concernant la question de l’attribution à la Belgique des fonds européens de relance : « Nous en discutons avec la Commission européenne, mais aucune décision n’a encore été prise. » Ces fonds sont conditionnés par la Commission européenne à plusieurs exigences, dont la réforme des pensions. Une seconde lecture des plans de Lalieux est prévue aujourd’hui au sein du gouvernement. Au Parlement, la critique est vive. Sander Loones (N-VA) a mis en avant un rapport très critique de la Commission européenne qui remet en question non seulement les réformes elles-mêmes, mais également la méthode utilisée par le gouvernement fédéral pour évaluer leur impact. La position du PS dans cette affaire suscite des commentaires au sein de la majorité. Le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) ne s’est pas présenté pour répondre aux questions, laissant Lalieux gérer seule la situation. De vives critiques sont émises en interne au sein de l’Open Vld. Au Parlement, Wouter Beke, expert en budget du cd&v, s’est exprimé avec fermeté : « En tant que président de l’Europe, j’espère que nous ne serons pas confrontés à un désaveu parce que l’Europe n’approuverait pas nos réformes des pensions. »
Dans l’actualité, une question se pose : la réforme des pensions de la Vivaldi parviendra-t-elle à réduire les coûts comme prévu ?
En détail : au Parlement, le ministre Lalieux fait face à des critiques sévères. Un rapport particulièrement critique de la Commission européenne, publié en octobre, n’annonçait rien de bon. La Banque nationale a également exprimé ses réserves : selon elle, la réforme des pensions entraînerait une augmentation des coûts, et non leur réduction. Malgré cela, Lalieux défend ses plans en s’appuyant sur les chiffres du Bureau du Plan, qu’elle souhaite présenter à nouveau aujourd’hui.
- Voilà ce que Lalieux a conclu hier au Parlement, après des questions critiques sur sa réforme des pensions : « Vous pouvez me questionner tous les jours, mais tant que la Commission européenne n’aura pas rendu son avis et terminé son analyse, je ne pourrai pas vous fournir d’autres réponses. » Nous vous révélions cette semaine que la Commission européenne n’approuve pas encore les réformes promises par le gouvernement fédéral. En échange de quelque 4,5 milliards d’euros de fonds de relance de l’UE, la Belgique devait réaliser certains « jalons », comme convenu par le secrétaire d’État à la Relance, Thomas Dermine (PS), avec la Commission. Cependant, le « jalon » d’une réforme durable des pensions n’est toujours pas atteint, a admis Lalieux.
- Aujourd’hui, la ministre présente à nouveau ses plans de réforme des pensions pour une seconde lecture au gouvernement. Bien que ces plans aient été politiquement finalisés avant l’été, l’absence d’approbation de l’Europe laisse un sentiment d’inconfort. Lalieux se défend également dans Le Soir avec les chiffres du Bureau du Plan, qui montrent une différence entre les prévisions de 2020 (avant les plans de réforme) et celles de 2023 (après la décision de réforme), suggérant une baisse des coûts grâce aux réformes.
- Cependant, cette explication est contredite par diverses institutions, dont le rapport le plus récent de la Banque nationale, en novembre. Selon ce rapport, les premières réformes de Lalieux en 2021 et 2022 ont entraîné une augmentation des coûts de 1% du PIB d’ici 2070, tandis que la réforme la plus récente de l’été dernier aurait causé une baisse des coûts de 0,5%. Néanmoins, cela représente une augmentation nette de 0,5% pour le gouvernement Vivaldi, alors que les gouvernements précédents de Di Rupo et Michel avaient réussi à réduire les coûts liés au vieillissement, respectivement de 0,4 et 1,6%.
L’enjeu : Tant l’opposition que la majorité s’interrogent sur les probabilités de succès de la Vivaldi et du PS pour convaincre l’Europe d’accepter leur réforme des pensions.
- Hier, au Parlement, le Premier ministre De Croo a choisi de répondre à une question de Raoul Hedebouw (PTB), en profitant pour critiquer ses « fake news » à propos de Colruyt. Cependant, il a habilement délégué à Lalieux les questions concernant les pensions et l’UE, posées par les députés de la majorité et de l’opposition, la laissant gérer seule la situation.
- Toute la situation suscite une irritation considérable au sein du gouvernement. En effet, le PS a régulièrement affirmé, parfois avec force, que les discussions avec la Commission européenne se passeraient bien. « C’était le maximum que le PS et Ecolo pouvaient obtenir, ignorant la situation budgétaire critique de notre pays, notamment en matière de pensions. Nous verrons en mars ce que dit la Commission. Il est frapant que Dermine reste très optimiste dans les médias, » confie une source gouvernementale.
- Au sein de l’Open Vld, les critiques sont acerbes. « Eva De Bleeker, en charge du budget, avait déjà exprimé ces réserves, indiquant que la première réforme n’était pas suffisante. L’insuffisance de la seconde semblait déjà évidente. Le PS a réagi avec colère contre De Bleeker. Dermine a toujours minimisé l’importance, prétendant qu’il ‘expliquerait cela à la Commission européenne. C’est incroyable que ces politiques soient toujours pris au sérieux et mis en avant dans la presse, » déclare-t-on dans les couloirs du parti.
- Le cd&v, également membre de la majorité, est entré dans le débat. Le vice-Premier ministre Vincent Van Peteghem (cd&v) avait déjà critiqué publiquement la gestion du dossier des pensions. Au Parlement, leur expert budgétaire Wouter Beke (cd&v) n’a pas mâché ses mots.
- « Comme Laurette Onkelinx (PS) me l’a appris : ‘On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre.’ Les pensions, c’est le beurre, et les 4,5 milliards d’euros de fonds de relance européens, c’est l’argent du beurre. »
- « L’Europe fournit des fonds pour soutenir notre économie future et pour mettre en œuvre des réformes structurelles destinées à améliorer durablement notre pays, y compris notre système de retraites, tant en termes de pensions individuelles que de durabilité et de financement du système. »
- « C’est là que le bât blesse. La Commission européenne affirme que ces efforts ne sont pas suffisants et qu’il faut aller plus loin. »
- L’opposition n’a pas manqué de critiquer vigoureusement le gouvernement fédéral, notamment le député spécialiste du budget Sander Loones (N-VA) :
- « Vous avez présenté un plan entouré de mystère, à l’instar de Dermine. »
- « J’ai accès à une première analyse de la Commission européenne qui indique que vous n’avez pas suffisamment relevé les défis. »
- « Votre approche conduit à un besoin accru de financement des pensions, rendant ainsi leur financement plus précaire. »
- « La Commission observe l’absence de preuves pour les mesures liées au marché du travail, remet en question votre méthodologie et trouve regrettable votre réticence à fournir des chiffres détaillés. »
La question essentielle : Quelle est la position de la Commission européenne ? Un courrier peu flatteur contenant des interrogations adressées à la Belgique au sujet des pensions.
- Loones fait référence à un courrier intitulé « Lettre d’observation sur le Plan de Relance et de Résilience concernant la première demande de paiement » envoyée par la Commission européenne à la Belgique le 16 octobre. Dans cette lettre, la Commission demande au gouvernement belge de fournir des « informations complémentaires ou des preuves nécessaires ». Elle précise explicitement : « D’après une première évaluation avec les documents requis, il semble que certains jalons risquent de ne pas être atteints de manière satisfaisante.«
- La Commission se penche en détail sur le « Jalon M157, concernant les pensions ». Elle déclare littéralement : « Selon les estimations du Bureau fédéral du Plan, l’impact combiné des réformes devrait entraîner une augmentation des coûts des pensions de 0,15 % du PIB en 2070. »
- En outre, la Commission demande spécifiquement : « Pouvez-vous justifier que les réformes améliorent la viabilité financière du système de pensions ?«
- Et pour être encore plus précise, au sujet de la méthode utilisée par la Vivaldi pour évaluer l’impact : « En nous concentrant sur les mesures déjà prises par votre gouvernement en décembre 2020, pouvez-vous expliquer la méthodologie employée pour mesurer l’impact de ces mesures ? »
En attendant : ça cale au niveau des partenaires sociaux. Le 3e volet de la réforme des pensions attendra le prochain gouvernement.
- Ce 3e volet repose sur la soutenabilité financière et sociale du premier pilier du système des retraites, ainsi que sur sa dimension familiale. Patronat et syndicats ont été chargés par le gouvernement de trouver des pistes de solution. Mais aucun accord ne sera trouvé d’ici juin prochain, préviennent les partenaires sociaux.
- Sur la soutenabilité financière, d’abord, on sait que le coût du vieillissement va peser sur le système des retraites. En 2022, il y avait en Belgique 3,6 personnes en âge de travailler pour un retraité (67 ans et plus). En 2070, il n’y en aura plus que 2,4 pour 1 retraité. Pas besoin de faire un dessin.
- Tout aussi logiquement, patronat et syndicats ont chacun leur méthode pour combler ce gouffre : le premier veut réduire les coûts en réalisant des économies, les seconds veulent trouver de nouvelles recettes.
- Sur le volet social, on parle surtout de l’harmonisation des différents régimes des pensions : fonctionnaires, salariés et indépendants. En veillant à maintenir le plus grand nombre de pensionnés au-dessus du seuil de pauvreté.
- Enfin, il y a le volet familial. Et c’est ici assez technique. Des ajustements doivent être faits concernant le « splitsing » des retraites entre conjoints en cas de séparation, ou encore l’extension de la pension de survie et de l’allocation de transition aux cohabitants légaux, en cas de décès d’un des deux conjoints.
- « On est au stade où on liste les enjeux et, sachant que pour cette législature, la messe est dite, nous avons décidé de prendre le temps afin de bien faire les choses », a réagi dans Le Soir, Marie-Noëlle Vanderhoeven, de la FEB.
- La ministre des Pensions Karine Lalieux ne se dit pas surprise étant donné que les discussions entre patronat et syndicats ont pris beaucoup de retard. La socialiste ajoute toutefois que la dimension familiale de ce 3e volet « sera une des priorités majeure du PS lors de la prochaine législature ».