Nous connaissons actuellement la pénurie la plus improbable du monde : le CO2

Notre planète souffre d’un excès de CO2, un gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique. Mais paradoxalement, ce même gaz fait l’objet d’une pénurie dans l’industrie agroalimentaire européenne.

Le CO2, aussi appelé dioxyde de carbone, ou gaz carbonique, est en effet un ingrédient crucial dans les chaînes de fabrication de plusieurs types de produit. Sans odeur, et incolore, il n’affecte pas l’aspect des aliments. Il donne leur pétillant aux boissons gazeuses, permet d’étourdir les animaux avant leur abattage, de lever les pâtes des gâteaux, et de retarder le processus de putréfaction dans les emballages de produits alimentaires.

Compte tenu de toutes ces applications, les industries agroalimentaires européennes consomment près de 20 millions de tonne de gaz carbonique par an (ironiquement tout en rejetant en parallèle 4,4 milliards de tonnes du même gaz…).

Une pénurie au pire moment

Cette pénurie a perturbé les chaînes d’approvisionnement de plusieurs industriels de l’agro-alimentaire en Europe. Le brasseur hollandais Heineken, le géant US des boissons Coca-Cola, et la boulangerie industrielle britannique Warburtons, tous victimes de cette pénurie, ont été obligés de réduire leur production. En Ecosse, la plus grosse usine de transformation de viande a été contrainte de suspendre l’abattage des porcs.

Cette pénurie tombe au plus mauvais moment, alors que la Coupe du monde de football bat son plein, et que des températures très élevées cette saison sont à l’origine d’une demande accrue pour leurs produits. Les fans anglais désireux de célébrer leur victoire en huitièmes de finale contre la Colombie ont été confrontés aux pénuries de bières dans leur pub favori, un comble.

La ruée sur les boissons gazeuses pour partie à l’origine de la pénurie

Mais c’est précisément cette ruée sur les boissons pétillantes, combinée à une baisse de la production d’ammoniac en Europe qui sont à l’origine de cette pénurie. En effet, le gaz carbonique utilisé dans l’industrie agroalimentaire provient de 3 sources : du minage de champs souterrains de dioxyde de carbone, et de la production d’ammoniac ou d’éthanol, dont il est un sous-produit. Air Products, Air Liquide, Linde, et Praxair sont toutes spécialisées dans les opérations de captage du gaz carbonique issu de la fabrication de l’ammoniac ou de l’éthanol.

Or, la production d’ammoniac, un composant des engrais, s’est récemment effondrée, en raison de la chute des prix de ce produit chimique, alors que les cours du méthane, qui entre dans sa composition, sont au contraire très élevés.

Pour ne rien arranger, les usines d’ammoniac ont profité de la saison creuse du cycle agricole pour effectuer des opérations de maintenance au moment même où des températures exceptionnellement élevées incitaient les consommateurs européens à se jeter sur les boissons gazeuses.

Pourquoi ne récupère-t-on pas le gaz carbonique qui se trouve dans l’air ?

Tout simplement parce que l’air en contient trop peu. La proportion de gaz carbonique dans l’air n’est que de 0,04 %. Le coût de l’extraction d’une tonne de gaz carbonique de l’air est actuellement compris entre 85 euros et 513 euros, un coût souvent bien supérieur à celui du gaz carbonique fourni par l’industrie de l’ammoniac, vendu environ 171 euros la tonne. Néanmoins, les perturbations dans l’industrie de l’ammoniac ont fait flamber ces prix, et de nos jours, ces derniers sont plus proches de 250 euros.

Une série de startups tentent actuellement de trouver de nouveaux systèmes de captation pour abaisser les coûts de production du gaz carbonique extrait de l’air. Si elles y parviennent, ils devront résoudre une autre difficulté : l’augmentation de l’offre de dioxyde de carbone pourrait saturer le marché et faire chuter les cours du gaz. C’est pourquoi ces startups cherchent en parallèle de nouveaux débouchés pour le dioxyde de carbone : fabrication de carburants synthétiques, diamants artificiels et produits chimiques de qualité supérieure. 

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