L’affaire de l’Aquarius aura peut-être eu le mérite de dévoiler qui était véritablement aux commandes de l’Italie, et quelle serait la vraie priorité du gouvernement italien, qui s’autoproclame « le gouvernement du changement ». Il semble que celle-ci ne soit pas la sortie de l’euro, mais plutôt la lutte contre l’immigration.
Quelques jours après son entrée au pouvoir, les véritables intentions de la nouvelle coalition gouvernementale italienne formée de la Lega (extrême droite) et du Movimento 5 Stelle (ou M5S, extrême gauche), commencent à émerger.
Et contre toute attente, il ne semble pas que ce soit le M5S qui domine cette coalition, en dépit de ses meilleurs résultats aux élections législatives du 4 mars. Le parti d’extrême gauche avait en effet recueilli 32 % des voix, près du double des 17 % obtenus par la Lega. Mais l’affaire de l’Aquarius a confirmé que c’était Matteo Salvini, le chef de la Lega, fraîchement nommé ministre de l’Intérieur, qui était aux commandes en Italie.
La sortie de l’UE et les programmes sociaux promis ne sont plus à l’ordre du jour
Le weekend dernier, Giovanni Tria, le ministre italien des Finances proche de la Lega avait déjà lancé un indice révélateur de cette attribution des rôles. Au cours d’une interview donnée au Corriere della Sera ce week-end, il a expliqué que le souhait de son pays de demeurer au sein de la zone euro était « clair et unanime ». « Nous ne discutons d’aucune proposition de sortie de l’euro. Le gouvernement est déterminé à éviter la matérialisation des conditions de marché qui nous pousseraient vers une sortie de quelque manière que ce soit », a-t-il ajouté. Il s’agissait bien sûr d’un signal adressé aux investisseurs destiné à les rassurer. Mais ce faisant, il renonçait à l’un des points les plus symboliques du programme du M5S, qui avait fait de la sortie de l’euro l’une de ses idées phares.
De même, en martelant que son objectif était de réduire la dette italienne, « non pas parce que c’est l’Europe qui nous le dicte, mais parce que nous ne devons pas saper la confiance dans notre stabilité financière », Tria a également enterré les projets de dépenses sociales qui avaient assuré le succès du programme de la Lega, mais surtout du M5S lors des élections.
Salvini a abattu ses cartes, lorsqu’il a refusé que l’Aquarius, le navire d’une ONG française qui avait accueilli à son bord 629 migrants sauvés en mer s’amarre dans un port italien. Le magazine Le Point relate que c’est lui qui avait donné l’ordre aux garde-côtes italiens d’envoyer l’Aquarius secourir les migrants dont l’embarcation menaçait de chavirer. Il avait en outre ordonné que 400 autres migrants, déjà secourus par les les vedettes italiennes, embarquent eux aussi sur l’Aquarius, avant d’adresser un tweet désormais fameux, « Fermons les ports italiens, Malte doit accueillir le navire ». À aucun moment, les autorités de Malte n’avaient été averties.
La décision de Salvini est aussi tombée à pic, alors que près de 7 millions d’électeurs italiens devaient se rendre aux urnes ce dimanche pour élire les représentants de 761 localités. Et les résultats montrent qu’effectivement, le parti a profité de cette annonce, qui lui a permis d’étendre son électorat.
Le Premier ministre Conte n’a même pas été mis au courant
Les médias italiens affirment que le Premier ministre, Giuseppe Conte, n’a été lui-même “informé” de la décision de Salvini que lorsqu’il a atterri à Rome après son retour du sommet du G7 au Canada. Tout au long de cet épisode, le Premier italien est resté remarquablement silencieux.
Salvini a réussi un énorme coup de communication ces derniers jours. Si l’Espagne n’avait pas permis à l’Aquarius d’accoster à Valence, alors une énorme crise humanitaire menaçait d’éclater dans l’UE. Mais il faudra probablement s’attendre à de nouveaux incidents similaires. Une situation que Politico a résumée de la manière suivante :
« Lorsque le gouvernement italien a pris ses fonctions le mois dernier, Bruxelles redoutait qu’il utilise la menace d’une sortie de l’euro pour obtenir ce qu’il voulait de l’UE. Un diplomate de l’UE a déclaré que l’affrontement au sujet de l’Aquarius montre que Salvini est prêt à utiliser la migration comme un nouveau “revolver sur la table” au cours des discussions. “Cette fois, le revolver va rester”, a dit le diplomate”.
En outre, dans ce domaine, l’Italie a donc un impact beaucoup plus important sur l’UE que sur les questions économiques.
Un parcours sans faute
Le journal italien Libero se félicite des actions du ministre. « Salvini est un héros », titre le journal, et dans un éditorial, le directeur du journal romain parle « d’un parcours sans faute ».
Il Tempo est également en admiration pour le tout nouveau ministre de l’Intérieur :
« Je sais que […] l’intelligentsia a du mal avec l’idée que désormais, le raciste, néo-fasciste et populiste Matteo Salvini a dépassé toutes les attentes, tous les sondages et toutes les pleurnicheries de ceux qui n’ont pas compris que l’Italie a changé et qui ne veulent toujours pas comprendre quels problèmes les gens veulent voir résolus ».