La politique d’austérité imposée à la Grèce par les créanciers européens est directement responsable d’une augmentation de la pauvreté en milieu rural, et de l’insécurité alimentaire de la population. A ce titre, l’Union européenne a donc violé le droit des populations à s’alimenter. C’est la conclusion d’un rapport du Transnational Institute (TNI), un organisme de recherche et de défense basé à Amsterdam.
Dans leur rapport, intitulé « Democracy not for sale : The struggle for food sovereignty in the age of austerity in Greece », qui a été publié lundi, les auteurs du rapport affirment que « les mesures d’austérité ont non seulement augmenté la pauvreté et l’insécurité alimentaire, mais que, de plus, elles ont consolidé une industrie agroalimentaire qui risque de perpétuer les inégalités en matière d’accès et de contrôle sur la nourriture. »
Près de 40 % des campagnards grecs menacés de pauvreté
Ils ont calculé que 38,9 % des citoyens grecs résidant en zone rurale en 2017 étaient menacés de pauvreté, que le taux de chômage dans ces régions est passé de 7 % à 25 % entre 2008 et 2013, tandis que le revenu par tête a chuté de 23,5 % au cours des mêmes années. Ils notent en outre que les prix des produits alimentaires ont augmenté plus rapidement en Grèce qu’ailleurs dans la zone euro, alors que les revenus et le coût du travail se sont effondrés.
Cette situation a augmenté l’insécurité alimentaire dans toute la Grèce, car même si les gens ont réduit globalement leurs dépenses alimentaires, la part de celle-ci dans le total de leur budget a augmenté, passant de 16,4 % en 2008 à 20,7 % en 2016.
Des enquêtes sur le terrain menées sur 26 zones différentes dans le pays ont montré que la proportion de familles qui ne pouvaient plus se permettre un repas avec de la viande, du poulet, du poisson ou un équivalent protéiné végétarien un jour sur 2 a doublé au cours de la même période, passant de 7 %, à plus de 14 %. En outre, le nombre de familles incapables d’apporter une ration protéinée quotidienne à leurs enfants a également doublé, pour atteindre 8,9 % en 2014.
Les chercheurs notent que les réformes structurelles ont fait pencher la balance en faveur des plus gros détaillants de produits alimentaires et des négociants privés, au détriment des petits producteurs.
Une mise en cause de l’UE possible
Selon Olivier De Schutter, ex-rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, l’Union Européenne pourrait être mise en cause pour avoir violé le droit à la nourriture des Grecs, en vertu de l’article 340 du traité de fonctionnement de l’UE. Celui-ci prévoit « très clairement que le dommage causé en conséquence d’une faute des institutions de l’UE est un dommage qui devrait faire l’objet d’une compensation ». Toute la question serait d’identifier les personnes qui ont été affectées directement par les mesures d’austérité, qui seraient donc fondées à soumettre leur cas à la cour Européenne de justice. « Je connais des gens qui réfléchissent, et on m’a demandé conseil sur cette possibilité », précise-t-il.
« On nous dit que la Grèce est maintenant hors de danger, mais les impacts sur le niveau de vie des familles grecques et sur le droit la nourriture en particulier ont été énormes. Il est essentiel que nous tirions les leçons de ce qui s’est passé. Les résultats [de cette étude] sont une contribution significative pour le débat qui doit maintenant s’ouvrir », conclut-il.