Les Big Four, les 4 géants de l’audit et du conseil, ont reçu des millions d’euros de la Commission européenne au cours des 5 dernières années dans le cadre de missions de conseil en matière de politique fiscale. Ces contrats soulèvent maintenant la question de possibles conflits d’intérêts, étant donné l’implication de ces firmes dans plusieurs scandales géants d’évasion fiscale.
En 2014, lorsque le scandale des « Luxleaks » a éclaté, il est apparu que ces “Big Four” (Deloitte, KPMG, EY et PwC), avaient toutes aidé des multinationales à négocier des privilèges fiscaux avec l’État luxembourgeois. Jean-Claude Juncker, l’actuel président de la Commission européenne, avait lui-même été fortement critiqué dans le cadre de ce scandale, car il était Premier ministre du Luxembourg à cette époque, à la tête du gouvernement qui avait accordé ces avantages fiscaux à ces multinationales.
L’année dernière, elles ont été citées de nouveaux dans le cadre du scandale des Panama Papers, qui a révélé les structures d’évasion fiscale à l’étranger mise en place par les personnes fortunées et des entreprises, souvent sur le conseil de ces entreprises, ou de leurs concurrents.
« Inviter le renard à donner des conseils pour la sécurité du poulailler »
Mais cela n’a guère empêché la direction générale »Fiscalité et Union douanière » de la Commission de faire appel à ces sociétés, et de signer avec elles pour 25 millions d’euros de contrats portant sur des missions de conseil concernant certaines questions fiscales et douanières. C’est la conclusion de Corporate Europe Observatory (CEO), un groupe de recherche basé à Bruxelles qui a épluché les appels d’offres lancés par la Commission et attribués à ces entreprises.
« Bien sûr, cela ternit l’image des Big Four. Mais de nos jours, le fait que les Big Four se font épingler pour des questions d’éthique n’est rien de nouveau. C’est la Commission européenne qui passe pour une idiote. Elle a mieux à faire qu’inviter les renards à la conseiller sur les mesures de sécurité à prendre pour protéger le poulailler », affirme Karthik Ramanna, professeur à la Blavatnik School of Governance de l’Université d’Oxford.
Un conflit d’intérêt
Selon le CEO, les appels d’offres attribués à ces entreprises montrent que “les principaux facilitateurs de l’évasion fiscale ont été payés pour produire les études et la documentation de référence utilisées pour étayer les prises de décision concernant la fiscalité”. “Sous-traiter l’expertise fiscale à des entreprises qui ont permis l’évasion fiscale créée un conflit d’intérêt évident”, conclut l’organisation.
Cependant, la Commission justifie son recours aux grands groupes de conseil : “Nous sommes surpris que cela puisse faire l’objet d’un article. La Commission sollicite régulièrement les sociétés de consultance pour qu’elles mènent des recherches tout autour du monde. Celles-ci sont seulement 4 des milliers d’entreprises qui réalisent des études pour notre compte”.
Une pratique souhaitable
Cependant, Erik Gordon, un professeur à la Ross School of Business de l’université du Michigan, explique qu’au contraire, il est tout à fait judicieux de faire appel aux Big Four : “Les experts en sécurité recrutent des pirates, parce que les pirates leur donnent des conseils utiles. (…) Les politiques développées sans l’expertise ou la validation des personnes intéressées échouent souvent misérablement, parce que leur contenu est mauvais et qu’elles sont assises sur des bases faibles”.