C’est une grande nouveauté: l’Union Européenne veut identifierles besoins pour rationaliser les mouvements militaires sur le territoire despays membres et mieux adapter l’infrastructure à l’utilisation militaire. Ceprojet a été surnommé « Schengen militaire », en référence à l’espace dedéplacement libre au sein de l’Union Européenne.
Mercredi, la Commission européenne a dévoilé un plan d’actionpour rationaliser la logistique militaire. L’objectif est d’améliorer l’acheminementdes équipements de défense et des militaires sur l’ensemble du territoire dubloc. À plus long terme, il s’agit de créer une Union Européenne de la défense d’ici 2025, mais aussi de satisfaire les besoins de l’OTAN pour assurer desdéplacements militaires rapides.
Fluidifier la logistique militaire par la création d’un « Espace Schengen militaire »
La Commission européenne propose d’organiser le recensementdes routes et des chemins de fer adaptés pour le transport militaire, ainsi qu’unaudit de l’infrastructure existante. Par exemple, la hauteur de certains pontspourra être surélevée pour assurer le passage de blindés. De même, les passagesde frontières seront étudiés, afin de rationaliser les vérifications d’usage,et d’accélérer la traversée des convois militaires dans l’hypothèse de la nécessité d’un déploiement rapide de troupes ou de matériel.
« En facilitant la mobilité militaire au sein de l’UE, nouspourrons être plus efficaces pour prévenir les crises, déployer nos missions,et plus rapides à réagir en cas de problème », a déclaré Federica Mogherini,la cheffe de la diplomatie européenne. L’exécution et le financement des travaux correspondantsseront a priori à la charge des Etats membres, mais de façon remarquable, laCommission a indiqué qu’elle seraitsusceptible de les prendre en compte lors de l’élaboration de son budgetpluriannuel.
Une évolution inattendue du projet européen
Les incursions de l’UE dans le domaine de la Défense sontune grande nouveauté. Le sujet a longtemps été tabou pour l’Union Européenne,fondée au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale avec pour objectif ultime d’évitertout nouveau conflit en Europe. Mais le contexte géopolitique mondial est de plus en plusincertain.
L’annexion de la Crimée par la Russie, les attentats terroristes, etle relatifdésengagement des États-Unis dansl’OTAN sont autant de facteurs qui ont convaincu de la nécessitéd’avancer sur ce sujet. Le Brexit a également agi comme un catalyseur : lesBritanniques se sont toujours opposés à une Union de la défense.
L’ombre de la Russie
« Ces propositions ont une dimension pratique, maisleur finalité est évidente au moment où les tensionss’exacerbent avec la Russie », explique un diplomate européen. D’autrespointent que l’on ne peut plus écarter la possibilité d’un nouveau conflit enEurope. Elisabeth Braw, analyste de l’Atlantic Council, un think tankspécialisé dans les relations internationales, indique que l’Estonie, la Lituanieet Lettonie ont déjà créé un « mini-Schengenmilitaire » entre elles.
Au mois de novembre de l’année dernière, les ministres de laDéfense et des Affaires étrangères de 23 Etats membres de l’UE (dont laBelgique) ont signé un accord posant les jalons de lacréation d’une Union de la Défense, avec la création d’une « coopérationpermanente structurée ». Son objectif est de coordonner et d’optimiser lesefforts du bloc dans le domaine de la Défense. L’idée est d’intensifier lesinvestissements, de centraliser la recherche militaire, et d’éviter lesdoublons pour mener au développement d’un arsenal qui pourrait être utilisé parles armées de plusieurs États membres.
Le plan de la Commission européenne doit maintenant êtreapprouvé par les gouvernements des différents États membres et le Parlementeuropéen. Sa mise en œuvre pourrait débuter dans les prochains mois, pour seconclure à l’été 2019.