L’opiniâtreté de De Guchts l’a rendu populaire chez nous, mais en Chine, elle lui a valu le surnom de ‘fou belge’

[PICTURE|sitecpic|lowres] 

En mai dernier, le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, était sur ​​le point d’imposer des droits de douane élevés sur les panneaux solaires chinois, mais il a dû faire marche arrière lorsqu’une majorité d’Etats-membres, menés par l’Allemagne, se sont retournés contre lui. A la fin du mois de juillet, il a finalement été contraint de signer l’accord qui avait été négocié, «une capitulation », selon les industries européennes du secteur du solaire.

Selon le Financial Times, ce bras de fer avec la Chine impliquait bien plus de choses que le seul avenir du solaire en Europe. Il était aussi un test pour montrer la cohésion des Etats-membres et leur capacité à maintenir leur politique commerciale en dépit de la forte pression externe. Mais cette affaire a surtout montré que le pouvoir de Bruxelles ne s’étend que jusque là où les différents Etats-membres sont prêts à le porter. En fin de compte, chacun examine surtout son intérêt propre, surtout lorsque de juteux contrats sont en jeu. Le professeur Simon Evenett a évoqué «une leçon brutale dans le realpolitik du commerce».

Le dossier solaire n’est pas le seul à avoir posé des difficultés à De Gucht. Récemment, les Français s’étaient interposés dans les négociations pour un accord commercial avec les États-Unis au motif qu’ils ne voulaient pas que celui-ci englobe leur secteur de la culture, en vertu de « l’exception culturelle française».

Le style têtu de De Guchts l’a rendu populaire en Belgique, mais en Europe, certains se demandent s’il n’est pas trop inflexible. Il considère que la dominance industrielle chinoise, largement alimentée par le subventionnement d’État de l’électricité, de la finance et de l’immobilier, est une menace pour les producteurs européens. En outre, il croit que la Chine fait chanter les Européens en les menaçant de leur fermer ses marchés lorsqu’ils émettent des critiques sur le déroulement du commerce. Le cas des panneaux solaires était typique de cette double stratégie chinoise, selon De Gucht:

✔ Les autorités chinoises ont financé une campagne menée par les détaillants européens qui dépendent des panneaux solaires bon marché en provenance de Chine pour alerter de la hausse des prix que la hausse des taxes douanières provoquerait sur leurs produits.

✔ Le gouvernement chinois a mené sa propre enquête sur l’importation de vins européens, ce qui a beaucoup inquiété la France et certains pays méditerranéens.

✔ La Chine a menacé d’une guerre commerciale contre l’industrie automobile allemande, dont les exportations en Chine ont représenté 67 milliards d’euros l’année dernière.

Lorsque les Etats-membres ont changé d’avis au mois de mai, De Gucht a été contraint de conclure un accord. Celui-ci prévoit que 90 entreprises chinoises du secteur solaire facturent un prix minimum de 56 cents par watt produit par leurs équipements. Pour toutes les autres, les droits sont de 47 cents par watt produit. Mais les critiques affirment que ces prix correspondent à la tarification chinoise et qu’il n’atteignent que la moitié de celui que la Commission avait jugé nécessaire d’appliquer l’année dernière pour lutter efficacement contre le dumping chinois.

Les officiels de l’UE concèdent que le seuil est bas, mais ils soulignent qu’une clause permet de limiter les exportations chinoises à 7 gigawatts par an. Comme le marché européen devrait représenter 10 à 12 gigawatts cette année, cela laisse 3 à 5 gigawatts pour les producteurs européens.

Cependant, Karel De Gucht a un nouveau cheval de bataille en vue. Dorénavant, c’est le secteur des télécoms chinois qui est en ligne de mire, et le géant Huawei en particulier. Mais cette fois-ci, c’est la Commission elle-même, et non une société européenne ou ce secteur lui-même, qui ont porté plainte contre la Chine. Cette affaire a déjà fâché les autorités chinoises, qui ont surnommé De Gucht « le fou belge », mais elle inquiète aussi les entreprises des télécoms européennes, qui craignent des représailles. Observant qu’il était difficile d’obtenir le consensus de 28 Etats membres, De Gucht a averti les États membres de l’UE cette semaine qu’ils ne devaient pas « s’engager dans des discussions parallèles, que ce soit avec la Chine, ou avec n’importe qui d’autre ».

Plus