Malgré une inflation qui dépasse maintenant les 80%, la Turquie maintient sa stratégie déconcertante. Ce jeudi, la banque centrale turque a annoncé une nouvelle baisse de son principal taux directeur.
Pour le deuxième mois consécutif, la banque centrale turque a baissé son principal taux directeur de 100 points de base, qui passe cette fois de 13 à 12%. Elle poursuit une stratégie qu’elle avait initiée il y a de cela un an. Entre septembre et décembre 2021, elle avait fait passer son taux d’intérêt principal de 19 à 14%.
De son côté, l’inflation turque ne cesse de grimper. En août, elle a augmenté pour le quinzième mois d’affilée, atteignant les 80,2% sur un an. Soit le niveau le plus élevé depuis 24 ans.
Toujours à contre-courant
Recep Tayyip Erdogan adopte une stratégie totalement opposée aux principes économiques traditionnelles. Il estime – notamment sur base, selon lui, de préceptes islamiques – qu’il résoudra la crise économique en faisant baisser les taux. En juillet dernier, le président turc avait même qualifié « d’analphabètes et de traîtres » tous ceux qui établissent un lien entre les taux d’intérêt et l’inflation.
Dans le communiqué annonçant sa dernière baisse, la banque centrale turque a évoqué des indications persistantes d’un ralentissement économique et a répété qu’elle s’attendait à ce que la désinflation s’installe.
« Les indicateurs avancés pour le troisième trimestre continuent d’indiquer une perte de dynamisme de l’activité économique en raison de la diminution de la demande étrangère », a déclaré le comité de politique générale de la banque centrale turque.
« Il est important que les conditions financières restent favorables pour préserver la dynamique de croissance de la production industrielle et la tendance positive de l’emploi », a-t-il ajouté, soulignant les incertitudes croissantes qui pèsent sur la croissance mondiale et l’escalade du risque géopolitique.
La livre poursuit sa chute
Pendant ce temps, la devise turque continue de chuter. Ce jeudi après-midi, la livre turque a atteint un niveau historiquement bas de 18,36 pour 1 dollar américain. Un écart qui a plus que doublé en l’espace d’un an.
D’après de nombreux économistes, la livre turque risque de continuer à perdre de sa valeur dans les mois à venir. Le cabinet londonien Capital Economics la voit par exemple tomber à 24 contre le billet vert d’ici mars 2023.
« La marge de manœuvre pour un assouplissement supplémentaire est de plus en plus limitée en raison de la pression que cela exerce sur la lire et les taux réels », a déclaré à CNBC Liam Peach, économiste principal des marchés émergents dudit buteau. « La Turquie a un déficit courant tellement important qu’elle est devenue dépendante des entrées de capitaux étrangers pour le financer. Les réserves de change en Turquie sont si faibles que la banque centrale n’est vraiment pas en mesure d’intervenir. »
« En réduisant encore les taux d’intérêt, il sera plus difficile pour la Turquie d’attirer ces flux de capitaux », a ajouté l’analyste. Pour lui, viendra un moment où la confiance sera si faible que ces afflux vitaux devraient finir par tarir.
« L’inflation n’est pas un danger économique insurmontable »
De son côté, Erdogan reste confiant. « Je suis un économiste. L’inflation n’est pas un danger économique insurmontable. Pour nous, l’inflation est un problème en ce moment, mais après le début de l’année, nous surmonterons ce problème et nous continuerons notre chemin avec détermination », a-t-il déclaré lundi à la chaîne télévision américaine PBS.
« Les rayons ne sont pas vides dans les marchés de mon pays. Mais les rayons sont vides aux États-Unis, ils sont vides en France, ils sont vides en Allemagne. Mes citoyens peuvent trouver tout type de produit qu’ils souhaitent sur le marché », a ajouté le président turc, sûr de lui.