L’Holocauste espagnol et la brutalité sans bornes de la dictature de Franco

« The Spanish Holocaust » de Paul Preston évoque les années du franquisme en Espagne (1936 – 1975). Le livre est un véritable réquisitoire qui vient remettre en cause le mythe selon lequel le général était un dictateur « modéré », décrivant l’épouvantable brutalité avec laquelle il a organisé l’emprisonnement, la torture, et le massacre de milliers de personnes pour des motifs politiques et idéologiques. Le mot « holocauste » n’a pas été choisi pour donner un caractère sensationnel au livre, mais bien pour refléter la similarité des persécutions qui se sont produites en Espagne avec les meurtres systématiques qui ont été commis en Allemagne et en Russie.

Durant la guerre civile, 200.000 personnes qui n’étaient même pas combattantes furent lâchement tuées par des escadrons de la mort et des milices. Après la guerre civile, Franco fit exécuter 20.000 opposants, et emprisonner des centaines de milliers de personnes. Celles qui ne furent ni tuées ou jetées en prison furent forcées à l’exil, ostracisées ou condamnées à la pauvreté, alors qu’il mettait peu à peu en place un régime de terreur.

Cette cruauté peut s’expliquer par deux facteurs : d’une part, le général et ses sympathisants de la droite radical considéraient que les opposants étaient le mal absolu, l’ennemi. Franco croyait en une conspiration juive, maçonnique et bolchévique. Les démocrates, les communistes, les Juifs, les francs-maçons, les Marxistes, les Musulmans, les femmes libres, les syndicalistes, les socialistes, les socio-libéraux, tous étaient accusés de crimes contre la patrie uniquement en raison de leurs convictions. De plus, Franco et ses lieutenants avaient conservé les traditions brutales du corps d’armée d’où ils étaient issus, dans les colonies espagnoles de l’Afrique du nord, où les Musulmans étaient considérés comme des sous-hommes. Le mépris pour les « Berbères et les sauvages » a été facilement transposé aux fermiers sans terre espagnols, et a permis aux bras-droits du général, tels que le général Emilio Mola ou le général Gonzalo Queipo de Llano, de rechercher non seulement la victoire, mais l’élimination systématique « de tous ceux qui ne pensent pas comme nous », comme l’avait affirmé Mola, précisant que « Tous ceux qui s’opposeraient à la victoire du mouvement pour sauver l’Espagne seraient tués ».

Leur brutalité faisait peu cas de la vie humaine, comme en témoignent les meurtres de Badajoz, où 10% des 40.000 habitants ont été assassinés, pour des centaines d’entre eux, si ce n’est des milliers, à la mitrailleuse dans les arènes de la ville. Les viols et les violences sexuelles sur les femmes étaient monnaie courante. « Elles ne vivront pas plus de 4 heures », avait dit un officier franquiste après que deux adolescentes accusées d’être des gauchistes avaient été enfermées dans une salle de classe avec 40 soldats. A la fin de la guerre, plus de 370.000 personnes avaient été emprisonnées.

Sous le régime franquiste, la rétroactivité était possible et n’importe qui pouvait être condamné pour avoir par le passé contrevenu à des lois  qui n’existaient pas au moment où ces « délits » avaient été commis. Même les morts pouvaient être condamnés à payer des amendes, et leurs veuves forcées de payer.

Aujourd’hui, le tabou règne sur cette période, et beaucoup veulent que l’on cesse de « remuer les tombes », comme l’ex-Premier ministre José María Aznar, qui réclamait que les juges comme le juge Garzon abandonnent leurs enquêtes pour juger les crimes du franquisme, et laissent ce travail aux historiens. Pour Preston, cette pudeur est à mettre sur le compte du lavage de cerveau qui a permis de convertir beaucoup d’Espagnols à la cause franquiste.

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