L’hibernation humaine pour explorer l’espace lointain, une réalité d’ici 10 ans

Considérée comme une étape indispensable à l’exploration spatiale lointaine, l’hibernation est malheureusement encore aujourd’hui réservée aux œuvres de science-fiction, mais à mesure que des progrès sont réalisés et que la science avance, la réalité tend à rejoindre la fiction.

L’actualité : les premiers tests d’hibernation sur des sujets humains pourraient être réalisables d’ici une dizaine d’années, avance la coordinatrice de la recherche et de la charge utile de l’exploration humaine et robotique à l’Agence spatiale européenne, Jennifer Ngo-Anh.

  • Cela dépendra grandement de la disponibilité de fonds, a-t-elle précisé auprès de Space.com.
  • « Bien sûr, nous devons tout affiner avant de pouvoir l’appliquer aux humains. Mais je dirais que 10 ans c’ est un délai réaliste », a ajouté la chercheuse.

L’essentiel : de telles expériences ouvriraient la voie à des missions spatiales de longue durée durant lesquelles les membres d’équipage seraient plongés dans un sommeil protecteur pendant des semaines, voire des mois, alors que leur vaisseau naviguerait en autopilote vers des destinations lointaines.  

Des premières études prometteuses

Présente dans de nombreuses œuvres de science-fiction (Alien, La Planète des Singes, The Passenger), l’hibernation spatiale est perçue comme quelque chose d’irréalisable, une sorte de fantasme. Pourtant, la recherche a montré qu’il était possible d’induire un état d’hibernation à des animaux non hibernants, et ce, bien que le processus soit assez complexe et implique énormément de contraintes telles qu’un jeûne strict ou une exposition limitée à la lumière du jour.

  • « Les rats reçoivent un médicament, une substance neurotransmettrice, et sont amenés dans un espace sombre à température réduite », a déclaré Jürgen Bereiter-Hahn, professeur émérite en neurosciences et biologie cellulaire à l’Université Goethe de Francfort et membre du groupe de recherche sur l’hibernation de l’ESA, à Space.com dans une interview.
  • Mais si les premières études sont optimistes, tout n’est pas encore parfait : « cela fonctionne très bien, mais le problème est qu’il faut appliquer la molécule de signalisation à plusieurs reprises pour maintenir l’état. Il faut maintenir des niveaux très élevés de neurotransmetteur, ce qui pourrait avoir des effets délétères à long terme », a précisé le professeur.

De nombreux avantages

L’hibernation spatiale ne permettrait pas seulement de palier à l’ennui durant un long voyage, mais réduirait également les coûts des missions.

  • Placés en hypersommeil – pour reprendre un terme de la science-fiction –, les membres d’équipage n’auraient pas besoin de manger ou de boire et consommeraient moins d’oxygène.
  • Mais plus encore, la recherche sur les animaux a suggéré que l’hibernation pourrait préserver le corps des astronautes, par rapport aux effets de la microgravité.
    • La perte de masse osseuse et musculaire est en effet un problème connu des séjours dans l’espace. Malgré des protocoles d’exercices stricts mis en place dans la Station spatiale internationale, les astronautes perdent jusqu’à 20 % de leur masse musculaire en un mois.
  • Arrivés à destination, ils seraient d’ailleurs en meilleure forme que ceux restés éveillés durant le trajet.  

Les effets de la microgravité sur le corps des astronautes suggèrent que l’hibernation sera nécessaire pour pouvoir espérer explorer les confins de l’espace ou simplement se rendre sur Mars. Car là-bas, il n’y aura pas de personnel médical qui prendra en charge les astronautes diminués par leur voyage.

L’hibernation, une forme d’alitement ?

Étrangement, non. Lorsque les animaux se réveillent de leur long sommeil, à la fin de l’hiver, ils ne présentent pas les effets que l’on constate chez quelqu’un qui est resté alité durant une longue période.

  • « Lorsque les animaux sortent de l’hibernation, ils se souviennent très rapidement de leur environnement. En quelques secondes, ils se souviennent où ils ont caché leur nourriture avant d’entrer en hibernation, et ils ne souffrent en fait pas beaucoup de perte musculaire, ce qui est assez surprenant après des mois à rester allongés et à dormir dans une grotte », a déclaré Ngo-Anh.

Une utilité au-delà de l’espace

Le fait est que l’hibernation est un processus très différent du sommeil. Un cerveau en hibernation ne présente presque aucune activité électromagnétique. Le rythme cardiaque du sujet baisse à quelques battements par minute, sa température chute également.

Être en mesure de plonger des êtres humains en hibernation ne serait pas qu’une aubaine pour l’exploration spatiale, car cela serait également une avancée majeure pour la médecine.

À l’image des astronautes dans l’espace, les patients en soin intensif qui restent alités durant de longues périodes voient leur corps dépérir. Les plonger en hibernation permettrait potentiellement de remédier à cela, et cela permettrait aussi d’allonger la fenêtre de transplantation pour les patients, mais également pour leurs organes, par exemple.

L’hibernation ne fait pas tout

Dans le cas des vols spatiaux, être en mesure de plonger des êtres humains dans un hypersommeil ne sera pas suffisant pour explorer les confins de l’univers. Il faudra en effet construire des modules d’hibernation capable de gérer tous les paramètres vitaux des individus durant une longue période, sans qu’un superviseur vivant soit nécessaire – à moins qu’il soit prêt à sacrifier sa vie ?

Autrement dit, lorsque l’hibernation sera devenue réalité pour les humains, il faudra encore patienter jusqu’à qu’une technologie suffisamment poussée, et surtout fiable, soit développée pour chouchouter les astronautes durant leur sommeil.

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