La pandémie pourrait avoir la peau des transports en commun

La pandémie a frappé de plein fouet certains réseaux de transports. Le nombre de passagers dans les métros de New York et de Londres s’est effondré d’environ 95%. À  ce jour, les transports publics de ces villes n’ont retrouvé qu’un tiers de leur capacité enregistrée l’année dernière et ces chiffres ne devraient pas augmenter de façon significative dans les mois à venir… au détriment des grandes villes.

Ce n’est pourtant pas ce qui inquiète les experts. Les villes du monde entier étant confrontées à des problèmes économiques en raison de la pandémie, les gouvernements pourraient chercher à réduire le financement des transports des grandes villes, car le nombre de passagers dans ces transports est en baisse. Les spécialistes craignent que ce phénomène n’entraîne une ‘spirale de la mort’, c’est-à-dire une phase où les services seront de moindre qualité, débouchant sur une diminution des fréquentations.

‘Alors que nous sommes sur le point d’entamer l’année 2021, et que 2022 approche à grands pas, les gouvernements vont avoir moins d’argent et ils vont devoir établir des priorités en matière de dépenses publiques, c’est là que se situe la zone de danger’, a déclaré Richard Anderson, co-directeur du Centre de stratégie des transports de l’Imperial College de Londres dans une interview accordée à NBC. ‘Les transports publics sont rarement rentables, mais ils sont essentiels au succès des grandes villes’, a-t-il ajouté.

Les leçons de l’Asie

Les réseaux dans les pays où les infections sont restées relativement modérées – comme Taiwan et la Corée du Sud – peuvent fournir  plusieurs indications sur l’ère post-Covid-19 dans le secteur.

Il est probable que cette chute des recettes soit durable pour la plupart des réseaux de transports, puisque plusieurs mois seront nécessaires avant que tout le monde ne soit vacciné et encore plus longtemps avant que les  mesures ne s’assouplissent.

Dans l’intervalle, les réseaux asiatiques semblent s’en sortir. Le métro de Taipei – dont le trafic, en octobre 2020, n’a baissé que de 15% par rapport à 2019- a lancé une campagne très médiatisée, embauché des centaines d’employés supplémentaires et mobilisé des bénévoles pour prendre la température des passagers. Cette stratégie semble avoir porté ses fruits.

Un champ de comparaison limité 

À Séoul, une nouvelle application permet aussi de détecter les personnes qui ne portent pas de masque dans les transports en commun.  

Mais ces villes sont généralement plus densément peuplées, et les alternatives aux transports sont plus difficiles, ce qui n’est pas le cas en Belgique, par exemple. Le continent a également connu d’autres pandémies au cours de ces dernières années, comme le Syndrome Respiratoire Aigu Sévère (SRAS). Sa population est aussi plus habituée que la nôtre au port du masque. 

Chez nous, on ne sait pas encore combien de passagers se décideront à reprendre les transports en commun. Un sondage réalisé en France en septembre estime que la baisse de trafic pourrait se chiffrer à 69%, tandis qu’un autre sondage réalisé en avril et en mai dans le nord-est des États-Unis a révélé que 92% des Américains étaient prêts à reprendre les transports en commun.

En Belgique, une enquête réalisée en juillet dernier par le SPF Mobilité et Transports 20% des répondants envisageaient de réduire leurs déplacements en transports en commun dans le futur. L’enquête démontrait aussi que pendant le premier confinement, le pourcentage de travailleurs effectuant des déplacements domicile-travail en transports en commun avait chuté de 25% à 11%, au profit de la voiture (de 56 % à 65 %) et des modes actifs (de 17 % à 22 %), comme le vélo ou la marche. 

Un ‘comportement civique’ ?

Les experts préconisent de ne pas se fier qu’au nombre de passagers pour tabler sur des restrictions budgétaires. Les défenseurs des transports en commun affirment qu’il faut soutenir le secteur en s’appuyant sur des arguments à la fois émotionnels et économiques, tout en imaginant des mesures pratiques pour améliorer leur efficacité et leur rendement.

Mohamed Mezghani, secrétaire général de l’Union internationale des transports publics basée à Bruxelles, a évoqué une initiative prise à Vienne , qui invite les passagers à prendre des selfies qui sont ensuite diffusés sur les écrans des gares. ‘Nous devons agir à deux niveaux, au niveau rationnel et au niveau émotionnel’, a-t-il déclaré. ‘Il est important de provoquer  un sentiment positif (… ) Les gens devraient être fiers d’utiliser les transports publics… C’est comme le recyclage. Les gens le font parce qu’il y a un sentiment de satisfaction, parce que c’est un comportement civique’, a-t-il ajouté.

Plus