Entre le marteau et l’enclume. D’un côté, les sociétés chinoises qui veulent faire une introduction en bourse à l’étranger vont désormais avoir besoin de l’autorisation de la Chine. De l’autre côté, les États-Unis pourraient bientôt forcer les entreprises chinoises à se retirer de Wall Street. Dans les deux cas, elles pourraient se tourner vers Hong Kong.
Les actions d’entreprises chinoises, listées à Wall Street, ont la vie dure. Le « Uber » chinois, Didi, avait fait grand bruit en annonçant se retirer de la bourse américaine (Nasdaq) en décembre, quelques mois après son introduction seulement, faisant spéculer une demande de Pékin pour ce retrait. En Chine, il était visé par une enquête sur la sécurité des données, et ses applications avaient été retirées des boutiques.
C’est qu’en 2021, de nombreuses entreprises chinoises avaient fait des introductions en bourse à New York, plus même que les autres années. Une tendance à la hausse que Pékin n’a pas vu d’un bon œil très longtemps : la Chine craint pour ses données, enjeux de sécurité nationale pour le pays. En deuxième moitié de l’année, les introductions avaient très fortement ralenti.
Nouvelles règles
La semaine dernière, la Cyberspace Administration of China (CAC), autorité compétente en la matière, a publié des nouvelles règles pour des entreprises chinoises qui souhaitent faire une introduction en bourse à l’étranger, rapporte CNBC. Les entreprises numériques qui comptent plus d’un million d’utilisateurs doivent alors désormais avoir l’autorisation de l’autorité avant de pouvoir faire une introduction en bourse (sous double cotation et sous cotation secondaire) ailleurs qu’en Chine. Les règles ne s’appliquent pas aux entreprises déjà listées.
Ce que ces règles impliqueront précisément ne semble pas encore très clair. « Alors que les régulateurs et les entreprises cherchent à savoir comment les nouvelles mesures seront mises en œuvre, les investisseurs institutionnels espèrent mieux comprendre la pensée du gouvernement en voyant certaines approbations pour des cotations à l’étranger », explique Ming Liao, de la société chinoise Prospect Avenue Capital dans une note, citée par le média économique américain.
Pour l’heure, Ming Liao voit déjà deux inconvénients, notamment pour les investisseurs. Les démarches vont prendre plus de temps, et les introductions en bourse sont surtout soumises à plus d’incertitudes.
Hong Kong: voie de secours?
En plus de ces nouvelles restrictions chinoises, les actions de sociétés chinoises vont bientôt faire face à des nouvelles restrictions américaines. Dès 2024, la SEC, autorité américaine qui régule le marché boursier et financier, pourrait forcer des entreprises étrangères à se retirer de la bourse américaine, si elles ne répondent pas aux demandes d’informations de cette commission. La règle vise les refus d’autorités chinoises à laisser des entreprises chinoises passer un audit de cette autorité américaine. En décembre, un texte dans ce sens avait été finalisé.
Les sociétés chinoises qui veulent lever des fonds à la bourse américaine semblent donc dans un cul de sac : celles qui veulent s’y introduire tout comme celles qui y sont déjà établies risques de se prendre des bâtons dans les roues. Mais si elles veulent tout de même lever des fonds à l’étranger, elles peuvent se tourner vers Hong Kong.
Alibaba, parmi d’autres, a notamment déjà passé le cap. Comme une sorte de précaution si le groupe devait être amené à se retirer de Wall Street ; les actionnaires pouvant échanger leurs parts avec des parts enregistrées à Hong Kong (bourse dont le volume d’échange est inférieur à New York, ainsi que les prix des actions de la tech).
Mais cette option ne pourrait pas fonctionner pour toutes les entreprises chinoises cotées aux Etats-Unis. Seules 80 des 250 sociétés seraient éligibles, selon une analyse de Bruce Pang pour China Renaissance, publiée en janvier et citée par CNBC. Des conditions précises sont notamment demandées à la bourse de Hong Kong, dont un minimum de valeur marchande.
Hong Kong: inclus ou exclu de la nouvelle règle de la CAC?
En plus de cela, une autre difficulté est que la nouvelle règle de la CAC pourrait également s’étendre à Hong Kong, avance l’équipe de Bruce Pang. « En pratique nous pensons que Hong Kong ne sera pas exempté du processus de cybersécurité – la porte reste ouverte, à notre avis, pour que Pékin impose un examen de la cybersécurité aux propositions de cotation à Hong Kong. »
« Les sociétés basées en Chine et cotées aux États-Unis qui souhaitent obtenir une deuxième ou une double cotation à Hong Kong ne doivent faire l’objet d’un examen par le CAC que si le régulateur identifie un risque de sécurité nationale lié aux produits ou au traitement des données de ces sociétés », explique Marcia Ellis, présidente de la société de capital-investissement Morrison & Forrester, basée à Hong Kong.
A ne pas confondre avec la nouvelle règle de la CAC, explique-t-elle à CNBC. « En fait, les dernières déclarations de la CAC ont juste clarifié quelques points et comblé quelques failles juridiques potentielles. » Le texte ne mentionne d’ailleurs pas Hong Kong, même s’il rappelle que les sociétés en train de faire leur introduction à Hong Kong ne « doivent pas ignorer les risques potentiels en termes de cybersécurité, de sécurité des données et de risques pour la sécurité nationale ».
À voir alors si la voie de secours que paraît être Hong Kong, pour les sociétés chinoises tout comme pour les investisseurs étrangers, conviendra, à terme, à la Chine et à ses exigences de sécurité. Sinon, elle a montré maintes fois qu’elle a la gâchette facile en termes de régulations.