Les photo-reporters qui le peuvent encore se souviennent de Tchernobyl

Quel photographe peut encore se souvenir de Tchernobyl ? Le photographe officiel de la centrale, Anatoly Rasskazov fut le premier à filmer et photographier le site, le jour même de l’explosion, le 26 avril 1986. Ses clichés furent quasi-immédiatement  saisis par la police secrète soviétique. Seules deux de ses photos furent publiées anonymement en 1987. Il est décédé l’année dernière à l’âge de 66 ans, après s’être  battu pendant des années contre une leucémie.

Igor Kostin, aujourd’hui âgé de 74 ans, s’était rendu illégalement sur le site quelques jours seulement après l’explosion. Il se souvient encore du pilote de l’hélicoptère lui indiquant les débris de la centrale à 50 mètres, et lui donnant la mesure de la radiation : 250 Roentgen (la dose mortelle est de 500 Roentgen). Et il se revoit, estimant que sa combinaison de plomb le mettait à l’abri, ouvrant la fenêtre, et déclenchant frénétiquement son appareil photo. Malgré ses prévenances (il conservait ses appareils photo dans des caissons de plomb), il ne put ramener aucun cliché de cette expédition : la radiation était tellement forte que toutes les photos furent noircies, et inexploitables.

Neuf jours plus tard, Kostin fut cependant autorisé à retourner sur le site, avec d’autres photographes, Valery Zufarov, et Volodymyr Repik. Posté au sommet du bâtiment proche du réacteur N°4, l’endroit le plus contaminé (1500 Roentgen par heure), il photographia les soldats « liquidateurs » à l’œuvre. Ils devaient courir sur le toit avec leur combinaison de plomb, ramasser une pelletée de débris, et la déverser dans l’énorme trou au sommet de la structure. Ils ne devaient pas rester plus de 40 secondes sur place. « Les ruines du réacteur, les gens portant des masques faciaux, les réfugiés. Tout cela évoquait une guerre ».

En récompense de son travail, Kostin a remporté le World Press Photo Prize, mais a également dû être opéré à plusieurs reprises de la thyroïde. Ses photos, celles de la construction du sarcophage, de la zone détruite, des enfants malformés ou de ceux luttant contre des cancers, le hantent toujours.

Le 12 mai 1986, la Pravda avait publié les premières vues du site, prises trois jours plus tôt par Repik. «Si l’on me donnait l’ordre aujourd’hui de monter à bord et d’y aller, je n’irai pas », affirme-t-il aujourd’hui. « On pouvait facilement mourir pour rien, là-bas ».

Quant à Zufarov, il est mort en 1993, à 52 ans, des suites des radiations. Ses premiers clichés, il les avait pris à la verticale de la centrale, à une distance de 25 mètres seulement.

(photo Flickr/ ‘Chernobyl Reactor Gate‘)

 

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