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Les nouvelles règles budgétaires de l’UE annoncent un nouveau combat intense au sein de la Vivaldi

Les nouvelles règles budgétaires de l’UE annoncent un nouveau combat intense au sein de la Vivaldi
Alexander De Croo & Paul Magnette – Getty Images

Après l’adoption d’un nouveau Pacte sur la migration, l’Union européenne s’accorde maintenant sur un nouvel ensemble de règles budgétaires pour ses États membres, destinées à remplacer l’ancien « Pacte de stabilité et de croissance », les fameux critères de Maastricht. Les ministres des Finances européens ont conclu un accord et, sous la présidence belge, des négociations finales devront être menées avec le Parlement européen. Ce processus ne sera pas facile. En effet, pour la Belgique, mais aussi pour de nombreux pays du sud de l’Europe, ces nouvelles règles peuvent sembler plus souples à première vue, mais elles auront des conséquences importantes. « Les règles seront plus flexibles en amont, permettant de définir des plans et des échéances en avance ; cependant, il y aura une plus grande rigueur dans le suivi des engagements pris », explique le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (cd&v). L’Allemagne insiste pour que ces règles soient réellement respectées cette fois-ci. Les cadres concernant la réduction de la dette pour les pays dont la dette dépasse 90 % de leur PIB, avec une baisse souhaitée d’1% par an, ainsi que la norme de déficit budgétaire de 3 %, qui pourrait être ramenée à 1,5 %, auront un impact significatif sur les finances publiques belges. En contrepartie, les évaluations ne se baseront plus sur une année, mais s’étendront sur quatre ou sept ans, en prenant également en compte les investissements. C’est le fruit d’un compromis franco-allemand, finalement adopté par les autres États membres sous l’impulsion de la présidence espagnole du Conseil. La Belgique doit désormais se préparer à négocier un accord avec le Parlement européen entre Noël et le Nouvel An. Mais il n’est pas certain que tout le monde soit sur la même longueur d’onde au sein de la Vivaldi.

Dans l’actualité : Un autre accord politique majeur conclu avant la fin de l’année pour l’UE. Un sujet brûlant pour la Rue de la Loi.

Les détails : En Europe, les nouvelles règles du jeu sont établies pour les prochains gouvernements, tant au niveau fédéral que régional. Si le résultat semble positif à première vue, il s’annonce particulièrement contraignant à terme pour la Belgique, qui accuse déjà un retard considérable en matière de dette de l’État et de déficit budgétaire.

  • « Qui connaît Olli Rehn ? Qui a déjà vu son visage ? Qui sait d’où il vient et ce qu’il a accompli ? Personne. Pourtant, il dicte notre politique économique. » Ces mots célèbres ont été prononcés en 2012 par l’ancien ministre des Entreprises publiques du gouvernement Di Rupo : un certain Paul Magnette (PS).
  • Ces mots témoignent de son mécontentement vis-à-vis de la Commission européenne, et en particulier d’Olli Rehn, un Finlandais libéral, alors Commissaire au Budget, qui supervisait les budgets des États membres. Rehn avait critiqué la Belgique pour son manque de rigueur dans la gestion budgétaire, suscitant l’irritation des socialistes.
  • Plus de dix ans plus tard, l’histoire risque de se répéter dans un contexte encore plus difficile pour la Belgique. Deux crises successives, celle du coronavirus et celle en Ukraine, ont gravement déséquilibré le budget fédéral, mais aussi ceux des gouvernements wallon, bruxellois et de la communauté française.
  • Le déficit pour toute la Belgique atteint 4,9 % du PIB en 2023. De même, la dette totale de l’État belge, historiquement élevée, a continué de croître, dépassant largement les 100 %. Et ces chiffres redeviennent soudainement cruciaux.
  • En 2020, la Commission européenne avait suspendu les règles budgétaires (le Pacte de stabilité et de croissance) conçues pour aligner tous les États membres de l’UE sur une trajectoire économique et budgétaire commune, essentielle au bon fonctionnement de l’euro. Les crises à répétition ont mis les critères de Maastricht sur pause.
  • À partir de l’année prochaine, ces règles seront réinstaurées, mais sous une forme révisée. Les États membres cherchaient depuis longtemps à se défaire de l’ancien système, dans lequel la Commission européenne se concentrait uniquement sur l’année précédente et semblait impuissante : aucun État membre n’a jamais été réellement sanctionné pour non-respect des règles.
  • La grande différence avec les règles actuelles réside dans le fait que « le respect des engagements sera plus rigoureusement contrôlé », selon Van Peteghem. « D’autre part, selon les premières estimations européennes, nous sommes soumis à une obligation d’économies de 0,6 à 0,65 % du PIB par an. Dans nos plans pluriannuels déjà établis, nous visons un objectif de 0,8 %. » Mais cela concerne le prochain gouvernement fédéral.

L’essentiel : Les nouvelles règles sont plus strictes que les anciennes, mais aussi moins rigides. L’essentiel réside dans leur respect.

  • Le fait que l’Allemagne et la France aient trouvé un accord mercredi constituait une condition essentielle pour que le reste de l’Union européenne puisse conclure. Il n’est pas surprenant que l’euro ait été créé à l’origine comme un compromis historique entre l’Allemagne et la France, où Helmut Kohl a obtenu la réunification allemande en échange de l’adoption de l’euro, souhaitée par François Mitterrand. Cet axe franco-allemand demeure aujourd’hui le pilier de l’UE.
  • Face au ministre français des Finances, Bruno Le Maire, défendant les positions traditionnelles de la France, avec des déficits publics conséquents et une dette importante, se tenait un libéral allemand rigide : Christian Lindner, le ministre allemand des Finances. Ensemble, ils ont abouti à un accord final visant à « réduire le niveau d’endettement et à augmenter les investissements dans toute l’Europe« , selon les mots de l’Allemand.
  • Les Français, comme de nombreux pays du sud de l’Europe aux prises avec des difficultés budgétaires, souhaitaient depuis longtemps que les évaluations budgétaires s’étendent sur plus d’un an. La Commission européenne va désormais examiner des plans sur quatre ou même sept ans, permettant ainsi davantage d’investissements, inclus dans le calcul global. « Pour les pays plus endettés, cela offrira un cadre plus adapté, évitant l’austérité tout en conservant la possibilité d’investir », explique Van Peteghem.
  • « Nous avons beaucoup œuvré en coulisses pour en arriver là, en collaboration avec l’Espagne et l’Italie », reconnaît le ministre des Finances. Toutefois, les Allemands ont exigé en contrepartie des règles plus strictes concernant la gestion de la dette et des déficits budgétaires maximums. C’est là que la Belgique va rencontrer des difficultés significatives.
  • L’Espagne, actuellement à la présidence de l’UE, a finalement réussi à faire adopter hier soir un compromis par tous les États membres, imposant les règles suivantes :
    • Pour les pays de l’UE dont la dette excède 90 % de leur PIB, celle-ci doit être réduite d’1 % chaque année. Après la Grèce, l’Italie, le Portugal, la France et l’Espagne, la Belgique se retrouve aussi dans ce groupe de mauvais élèves, avec une dette supérieure à 100 %.
    • Pour les pays dont la dette se situe entre 90 et 60 % du PIB, comme la Finlande, l’Allemagne et les Pays-Bas, un effort de réduction de 0,5 % par an est requis. En dessous de 60 %, aucune action n’est nécessaire. Toutefois, les investissements sont alors déduits de ce calcul.
    • Concernant les déficits budgétaires, la limite supérieure reste fixée à 3 %. Néanmoins, l’objectif est désormais un déficit maximal de 1,5 % : au-delà, l’acceptation par la Commission sera plus difficile.
    • En outre, la croissance des dépenses nettes de chaque État membre devient également un critère. Cela concerne la croissance des « dépenses primaires nettes », c’est-à-dire l’ensemble des dépenses publiques hors charges d’intérêt, allocations de chômage et dépenses financées par des fonds européens. Sur ce point, la Belgique est également en difficulté : la Commission européenne a déjà fortement réprimandé la Vivaldi cette année pour avoir dépassé le plafond de 5 milliards d’euros.

Zoom arrière : Les nouvelles règles pourraient profondément transformer la dynamique politique de la Rue de la Loi.

  • Ceux qui seront chargés de former les futurs gouvernements en Belgique et de rédiger les accords de coalition se retrouveront confrontés à une contrainte financière de plus en plus rigide. Cela concerne non seulement le gouvernement fédéral, avec un déficit légèrement au-dessus de 3 %, mais aussi les gouvernements bruxellois et wallon, et particulièrement celui de la Fédération Wallonie-Bruxelles, tous aux prises avec des déficits importants et un niveau d’endettement préoccupant. « Nous devrons élaborer des plans auxquels nous devrons nous tenir rigoureusement », affirme Van Peteghem.
  • Pour le PS, ce corset européen représente donc un véritable choc : déjà il y a dix ans, Magnette peinait face à la tenaille européene qui « s’ingérait dans la politique sociale des États membres ». Prochainement, la Commission européenne posera inévitablement les mêmes questions au gouvernement fédéral, notamment sur l’absence de réformes du marché du travail ou des retraites de grande ampleur.
  • Cependant, Van Peteghem tempère : « Avec les règles précédentes, nous étions déjà contraints, mais maintenant nous disposons d’un cadre qui permet à la fois les investissements et les réformes. » Il est fort probable que le prochain gouvernement fédéral soit confronté à un défi budgétaire similaire à celui relevé par les gouvernements Dehaene I et II dans les années 90, dans l’objectif d’adopter l’euro.
  • Les négociations gouvernementales s’annoncent donc particulièrement ardues : qui sera prêt à se lancer dans de telles manœuvres budgétaires ? À cela s’ajoutera probablement une dimension communautaire : en raison de la Loi Spéciale de Financement (LSF), les gouvernements des régions francophones seront encore plus en difficulté financière.
  • La Belgique, qui s’apprête à reprendre la présidence tournante de l’UE, est confrontée à un défi particulier. Elle doit travailler avec l’accord espagnol au Conseil européen pour parvenir à un compromis au Parlement européen qui soit soutenu par la majorité des députés. Le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (cd&v), et le Premier ministre, Alexander De Croo (Open Vld), doivent donc s’atteler à cette tâche.
  • Il est fort probable que cette situation entraîne des réactions virulentes de la part de Magnette et de son lieutenant Thomas Dermine (PS) envers l’Europe. Au PS, l’analyse prédominante est qu’ils ne peuvent pas dicter la politique sociale des États membres. Et que la politique d’austérité n’a mené qu’à des désastres. C’est un point que le chef de groupe PS à la Chambre, Ahmed Laaouej, a réaffirmé cette semaine avec conviction lors du débat sur le budget.
  • La suite de cette situation est donc à suivre de près. Cependant, les options sont limitées : sans accord européen, les anciennes règles budgétaires seront remises en place en 2024, et elles pourraient s’avérer encore plus contraignantes pour la Belgique si elles sont vraiment appliquées, comme l’indique Van Petehem.
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