L’Europe envisage-t-elle de soumettre prochainement la Belgique à un contrôle budgétaire strict ? Cette menace semble de plus en plus concrète. Valdis Dombrovskis, le commissaire européen concerné, se montre très critique envers les chiffres budgétaires belges et classe la Belgique dans le groupe des pays les moins performants en la matière. La Belgique y figure même comme le cas le plus problématique. En 2024, une « procédure pour déficit excessif » pourrait être engagée, ce qui placerait notre pays sur le « banc des pénalités », avec la Commission européenne comme juge de paix de notre budget. Cette situation pourrait se présenter juste après les élections de juin 2024, étant donné que ni le gouvernement fédéral, ni les régions ne semblent disposés à réajuster leurs plans budgétaires. Une telle intervention européenne influerait significativement sur la dynamique des négociations fédérales. Comme l’indique Alexia Bertrand, secrétaire d’État au Budget (Open Vld) : « Nous ne pouvons pas nous permettre une longue période de gestion des affaires courantes. » Comble de l’ironie, en raison de sa gestion budgétaire défaillante, la Vivaldi pourrait ainsi trouver l’argument parfait pour poursuivre rapidement avec la même coalition ou une coalition similaire.
Dans l’actualité : L’Europe classe la Belgique parmi les quatre pays européens les plus faibles en matière de budget.
Les détails : La Grèce et l’Espagne s’en sortent nettement mieux, et même l’Italie n’est pas dans la catégorie des cas les plus problématiques. La Belgique risque de subir de lourdes sanctions de la part de l’UE, servant d’exemple aux autres pays.
- « Risk not being in line » est la catégorie la moins favorable pour les États membres européens en matière de budget. Un nouveau rapport de la Commission européenne place désormais la Belgique dans ce classement peu enviable. Sept autres pays sont jugés ‘not fully in line‘, dont la Slovaquie, qui a le budget le moins reluisant de l’UE pour 2024, juste derrière la Belgique, mais qui suit un plan clair pour ne pas aggraver la situation de ses finances publiques.
- Le principal problème pour la Belgique est bien connu : le FMI et la Banque nationale belge ont déjà signalé les dépenses futures incontrôlées, menaçant d’augmenter les déficits et la dette publique, jusqu’à ce qu’ils deviennent insurmontables.
- La Commission européenne identifie deux principaux problèmes : les coûts non maîtrisés du vieillissement de la population et les dépenses courantes.
- Pour le vieillissement, cela inclut les coûts des pensions, légèrement réduits par l’équipe Vivaldi après des années de négociations, et les coûts croissants des soins de santé.
- Quant aux dépenses courantes, l’augmentation des dépenses aurait dû être contenue en dessous de 2%. Cependant, cela n’a pas été le cas, et la Commission s’attend à une augmentation des dépenses de 3,9% l’année prochaine. Les dépenses publiques ont explosé suite aux crises sanitaires et énergétiques, mais notre pays n’a pas profité de la levée progressive des plans de soutien pour réduire son déficit public. Dombrovskis évoque même 5,3 milliards d’euros de dépenses supplémentaires.
- Tout cela entraînera un déficit de 4,9% l’année prochaine, voire de 5% en 2025, bien loin du cadre actuel qui fixe un déficit maximum de 3%. Même si les règles budgétaires européennes étaient amenées à changer, ce qui est l’objectif, il est peu probable que la Belgique atteigne ces nouveaux critères. La dette publique continue d’augmenter, selon la Commission, dépassant largement la norme maximale de 60% du PIB, avec un taux supérieur à 105%.
- Dombrovskis, s’exprimant devant les caméras de la VRT, ne mâche pas ses mots : « Le déficit dépassera largement les 3% stipulés dans les traités. Il est probable que nous lancions la procédure« , a-t-il déclaré.
Les réactions : Alors que l’opposition intensifie ses critiques, la Vivaldi détourne l’attention vers le gouvernement flamand.
- Ce scénario alarmiste n’est pas nouveau. L’opposition en fait même un axe de sa campagne, notamment la N-VA qui développe une communication sur la « prospérité flamande » au détriment d’un « État belge défaillant ». Cette nouvelle critique de la Commission européenne – « combien de doigts peut-on encore perdre ? » s’interroge-t-on à la N-VA – sert leur cause : selon eux, le gouvernement Vivaldi a géré les affaires publiques non pas en bon père de famille, mais plutôt comme une cigale dépensière.
- Sander Loones (N-VA) critique vigoureusement : « La Grèce, croyez-le ou non, s’en sort mieux que le gouvernement De Croo. Tout comme l’Italie, le Portugal et l’Espagne. De Croo représente une menace pour votre prospérité, vos économies, votre retraite. »
- Ce matin sur Radio 1, Alexia Bertrand (Open Vld), secrétaire d’État au Budget, a défendu son bilan.
- « Quand j’ai pris mes fonctions, le déficit était prévu à 5,9 % pour 2023, nous l’avons réduit d’1%. Et pour 2024, nous anticipons également une baisse. »
- « C’est un progrès, mais il reste beaucoup à faire. Il faudra d’autres réformes », reconnaît-elle. « Nous avons initié des réformes des retraites. Nous devrons poursuivre, tant dans les pensions que dans les soins de santé. Et une réforme fiscale s’avère nécessaire. »
- Cependant, elle tempère les attentes avant les élections : « Je vais en discuter avec mes collègues pour voir ce que nous pouvons encore faire, mais ne vous attendez pas à de grandes réformes six mois avant les élections. »
- Elle a également critiqué les Régions à plusieurs reprises durant l’interview. « Cela concerne toutes les régions. Comme elles ont divergé de la trajectoire prévue, l’effort nécessaire est désormais plus important. Je ne veux blâmer personne, mais il faut le dire. La Flandre a dévié des accords, c’est un fait. Bruxelles également, ce qui a son poids. » Une réponse aux critiques provenant de Flandre. Le Premier ministre, Alexander De Croo, y avait déjà fait allusion lors de l’accord budgétaire du mois d’octobre, à la Chambre.
- Et de manière significative, Bertrand se projette déjà dans l’avenir : « Nous ne pouvons plus nous permettre de longues périodes d’affaires courantes. Après les élections, il faudra immédiatement s’atteler à la question du budget. »
Le contexte : Prochainement, le budget pourrait devenir l’argument décisif pour poursuivre rapidement avec l’équipe actuelle.
- Ce raisonnement, déjà évoqué au Seize, est que le budget de 2025 devrait être la priorité au niveau fédéral. Alexander De Croo (Open Vld) réitère fréquemment que « ce ne sera pas le moment pour des aventures communautaires« . Cependant, en juin 2024, un argument solide pourrait s’ajouter pour accélérer la formation du gouvernement : la pression exercée par l’Europe.
- À la N-VA, on ressent déjà cette tension. « Tout sera utilisé pour agir rapidement, pour nous marginaliser, ainsi qu’une majorité de Flamands. Mais surtout à cause de leur propre bilan désastreux en matière de budget« , a-t-on analysé au sein de la direction du parti.
- Il est intéressant de noter la proposition du président Bart De Wever (N-VA) de former immédiatement après les élections un « gouvernement restreint« , comprenant la N-VA, pour s’attaquer directement au budget et résoudre les problèmes socio-économiques complexes. La réforme de l’État serait abordée par la suite.
- Cette idée a été rapidement rejetée, tant par le PS que par le Premier ministre lui-même, la considérant plutôt comme « une nouvelle fantaisie de De Wever« .
- Étonnamment, au sein de son propre parti, l’Open Vld, certaines personnalités ont une opinion différente. « Ce pourrait être une méthode pour exercer une influence socio-économique face aux partis de gauche« , explique un haut responsable.
- Néanmoins, tout cela semble encore trop éloigné pour en tirer des conclusions définitives. Ce qui est certain, c’est que la position de la Commission européenne sur le budget belge deviendra incontestablement un élément crucial dans la formation du gouvernement fédéral. En effet, avec la « procédure pour déficit excessif » que la Commission pourrait mettre en place, elle aura besoin d’un partenaire de dialogue efficace pour appliquer le plan d’urgence imposé.