Hier, après quatre jours de baisse consécutifs, les cours des actions sont repartis à la hausse. Jusqu’alors, les pertes enregistrées depuis le mois de septembre approchaient dangereusement des 20 %, et menaçaient à ce titre de faire entrer Wall Street en « bear market », une situation qui témoigne généralement d’inquiétudes profondes concernant la situation économique.
Mercredi, Wall Street a flambé. L’indice Dow Jones a gagné 4,98 %, le S&P 500, 4,96 %, et même le Nasdaq, l’indice des valeurs technologiques, a clôturé en forte hausse, avec 5,84 %. Il s’agit rien de moins que des plus fortes progressions en une journée depuis mars 2009. Il semble que les investisseurs aient profité de la forte baisse enregistrée par certains titres pour regarnir leurs portefeuilles à bon compte.
La veille de Noël, les marchés avaient frôlé le « bear market »
Mais ils ont dû aussi pousser un soupir de soulagement. Car au cours des 4 séances précédentes, les cours avaient dévissé de 8 à 9 %, en raison des inquiétudes aux Etats-Unis concernant une possible hausse des taux d’intérêt de la Fed, mais aussi par la paralysie de l’administration américaine (« shutdown »).
En conséquence, la chute de l’indice S&P 500 sur les 20 derniers mois s’était établie à 19,7 %, très proche des 20 % fatidiques qui marquent l’entrée en « bear market » (« marché baissier« ), une situation où le pessimisme l’emporte, ce qui conduit à une spirale de ventes de titres qui s’auto-alimente, et conduit à des baisses de cours en cascade sur une période durable (généralement supérieure à deux mois).
En moyenne, il se produit un marché baissier tous les 3,5 ans. Or, la dernière fois que cela s’est produit aux Etats-Unis, c’était… entre 2007 et 2009, durant la crise financière. Ce qui pose la question de l’incidence du marché boursier sur la crise : les bourses prédisent-elles les récessions ?
Un marché baissier est-il le signe avant-coureur d’une récession ?
Dans un article de 1966, l’économiste Paul Samuelson avait rappelé que les marchés financiers avaient « prédit 9 des 5 dernières récessions », ironisant ainsi sur la faible fiabilité de la bourse en tant qu’indicateur d’une prochaine crise économique.
Néanmoins, la chaîne américaine CNBC a voulu savoir si Samuelson avait eu raison, et ses analystes ont examiné des données se rapportant à des chutes de cours de plus de 20 % d’une durée supérieure à un mois, et qui ne faisaient pas suite à une flambée de 20 %.
Le site conclut que Samuelson avait raison dans le fond, même si ses données n’étaient pas correctes. Car les données sur lesquelles il s’était basées correspondaient à celles de son époque, à un moment où le marché commençait à voir le bout d’un marché baissier. Cela lui avait fait surestimer la capacité des marchés à refléter une récession, en en réalité, les 9 marchés boursiers survenus avant l’année 1966 ne s’étaient soldés que par 3 récessions, et non pas 5.
Néanmoins, à l’ère moderne, l’observation de Samuelson s’avère judicieuse. Depuis la Seconde Guerre mondiale, on a recensé 13 « bear markets », et 7 d’entre eux se sont soldés par une récession dans l’année qui a suivi. La précision des marchés serait donc de 53 % (7/13), plutôt que 55 % (5/9).
D’autres observations
Mais ce n’est pas tout. L’étude de CNBC montre qu’un marché baissier vraiment prédictif d’une crise est en avance d’environ 8 mois sur celle-ci. En moyenne, la récession survient 253 jours plus tard. Néanmoins, il s’agit de moyenne, et en réalité, ce délai est très variable : il a été de 367 jours pour la crise de 1969, mais de seulement 53 jours pour celle de 2008.
Elle identifie également un moyen de détecter les marchés baissiers vraiment annonciateurs d’une récession : leur durée. Plus ces périodes de « bear market » sont longues, et plus la probabilité qu’ils seront suivis d’une crise est importante. On estime qu’un marché baissier de 508 jours en moyenne se soldera par une récession. Mais là encore, les disparités sont très importantes : le marché baissier de 1973 a duré 1,7 an avant que la crise de 1973 ne survienne.
Une relation de cause à effet entre les marchés baissiers et les récessions ?
Y aurait-il donc une corrélation, c’est à dire, une relation de cause à effet entre les marchés baissiers, et les récessions ?
Une chute des cours des actions peut en effet dissuader les décideurs à investir et à recruter dans les entreprises. Elle peut aussi dissuader les consommateurs de consommer, car le pessimisme est de mise, et ils se sentent « moins riches ». Elle peut aussi les inciter au contraire à épargner. De façon remarquable, les marchés baissiers qui ont été suivis d’une récession étaient toujours baissiers lorsque celle-ci a commencé à se manifester. L’étude montre même qu’ils continuent de dévisser lorsque celle-ci survient.
Chaque année, il existe 20 % de chances que l’économie soit en récession, conclut l’équipe d’analystes de CNBC. « Mais si c’est 9 sur 5, ou 13 sur 7, cela correspond exactement à la moitié du temps. Un indicateur qui offre un ratio de succès supérieur à 50 % est bien meilleur qu’une estimation au hasard ».