Le président américain Donald Trump a remercié hier le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un pour sa confiance. Mercredi, ce dernier avait déclaré qu’il souhaitait toujours “une dénucléarisation complète” de la péninsule coréenne avant la fin du premier mandat de Trump en 2021. Il avait également assuré que sa “foi” en Donald Trump était intacte. Mais aucun signe ne montre que des mesures concrètes ont été prises pour parvenir à cette dénucléarisation, indiquent les officiels à Washington.
Lors des négociations qui avaient précédé la rencontre du 12 juin entre les deux chefs d’Etat, la Corée du Nord avait indiqué qu’elle était prête à envisager la fin de son programme nucléaire si les États-Unis lui apportaient des garanties de sécurité en procédant au retrait des troupes basées en Corée du Sud, et de leur système de dissuasion nucléaire dans la région.
Pyongyang renâcle à faire avancer la dénucléarisation du pays
Mais les officiels américains en charge des dernières négociations ont constaté que les Nord-Coréens refusaient d’entamer ces discussions, ne serait-ce que pour définir ce que le pays englobe dans le terme de “dénucléarisation”. Le Secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a cependant relevé que Pyongyang a stoppé ses essais nucléaires et ses tirs de missiles, ce qui, selon lui, est une “bonne chose”. Mais en pratique, jusqu’ici, le royaume ermite a toujours refusé de prendre toute mesure unilatérale pour détruire son arsenal nucléaire.
Face à cette impasse, le président sud-coréen Moon Jae-in a annoncé qu’il se rendrait le 18 septembre prochain à Pyongyang pour tenter de relancer le dialogue.
Un hacker nord-coréen inculpé aux Etats-Unis
En parallèle, jeudi, le Département de la Justice américain a annoncé avoir lancé des poursuites pénales contre Park Jin-hyok, un agent des services du renseignement militaire nord-coréens. Il est accusé d’avoir participé à plusieurs cyberattaques de grande envergure sur l’ordre du régime de Kim Jong-un. Ces attaques incluaient notamment le piratage du studio de cinéma Sony Pictures en 2014, et l’attaque ou l’attaque au moyen de WannaCry, un “ransomware” qui avait infecté plus de 300 000 ordinateurs dans 150 pays en 2017.
Les autorités américaines soupçonnent également ce hacker d’être membre du groupe de hackers nord-coréens nommé “Lazare”. Ce dernier aurait orchestré un certain nombre de cyberattaques de grande envergure sur la dernière décennie sur des entreprises, des médias et des institutions financières. Il est notamment soupçonné d’être à l’origine du cyber-braquage sur la banque centrale du Bangladesh en 2016, visant à s’emparer des réserves de 1 milliard de dollars que la Réserve Fédérale des Etats-Unis conservait sur un compte de cette banque. Finalement, il est parvenu à dérober 81 millions de dollars.
La Corée du Nord est une grande puissance dans le domaine du piratage informatique
L’inculpation de Park rappelle qu’au cours de ces dernières années, Pyongyang s’est graduellement imposée comme une grande puissance dans le domaine du piratage informatique, aux côtés de la Russie. Le pays s’est doté d’une “cyber-armée”, composée d’entre 3.000 et 6.000 pirates, et lancerait continuellement des cyber-attaques dans le monde entier. D’après un expert britannique, le régime de Kim Jong-un parviendrait à siphonner près de 1 milliard de dollars (environ 852 millions d’euros) par an grâce à ces cyber-attaques. Ce montant est loin d’être anodin pour ce pays pauvre, puisqu’il représente un tiers de ses exportations.
Certains experts suggèrent d’ailleurs que cela pourrait expliquer les concessions de Pyongyang concernant sa dénucléarisation. Ils pensent que tandis que le monde se concentre sur le problème de l’arsenal nucléaire de la Corée du Nord, le régime de Kim Jong-un a discrètement pivoté vers les armes de la cyberguerre. Ils avertissent que les cyber-forces nord-coréennes pourraient être désormais bien plus menaçantes que les ogives nucléaires.
La puissance des cyber-forces de Corée du Nord surpasse celle de son arsenal nucléaire
C’est le cas de David Maxwell, un officier à la retraite expert de la Corée du Nord qui a confié ses inquiétudes au site Axios. “Les armes nucléaires ne sont pas pratiques à utiliser. En revanche, les cyber-armes sont intéressantes, pratiques et exploitables. Vous pouvez voler de l’argent et rendre inopérantes des infrastructures énergétiques”, observe-t-il. Selon lui, les cyber-attaques de Sony Pictures et le rançongiciel WannaCry n’étaient que des “opérations de reconnaissance”. “Ils examinent ce qu’ils peuvent se permettre avec elles”.
Pour Maxwell, cette évolution n’est d’ailleurs pas l’apanage de la Corée du Nord. Il rappelle que la Russie se distingue aussi dans ce domaine, mais aussi que la Chine et l’Iran seraient désormais plus enclins à recourir aux piratages informatiques qu’aux bombes nucléaires en cas de conflit avec les Etats-Unis.
Des essais nucléaires lancés pour masquer des piratages d’envergure ?
En juillet, le journal russe La Gazeta avait d’ailleurs souligné que les grandes cyber-attaques nord-coréennes coïncidaient avec les essais nucléaires : “Pendant le troisième essai de février 2013, les compagnies de télévision et le secteur banquier de la Corée du Sud avaient été touchés par l’attaque 3, 20 Cyber Terror connue comme Dark Seoul. En janvier 2016, quand la Corée du Nord a procédé à la quatrième explosion, des responsables sud-coréens ont reçu de nombreux courriels de fishing. Après le cinquième essai en septembre 2016, les hackers ont réussi à voler des fichiers militaires secrets de la Corée du Sud.”
Un rapport du Conseil russe des affaires internationales, “Corée du Nord: Comment la Corée du nord a créé les cyberforces les plus efficaces du monde” spécule même que les essais nucléaires du régime nord-coréen ne sont lancés que pour détourner l’attention de ces piratages. Et l’un des experts de ce conseil, Alexandre Mamaev, affirme que les dégâts causés par l’un de ces piratages pourraient être gigantesques, comparables à la catastrophe de Fukushima.