Après un assourdissant silence radio pour les plus de 40.000 clients de bit4you, les fondateurs Marc Toledo (MT), José Zustrassen (JZ) et Sacha Vandamme ont voulu mettre les choses au point. Business AM a pu les rencontrer pour dresser l’état d’avancement du dossier.
Vous avez fait un pas de côté de bit4you à la mi-mars 2023. Un mois plus tard, la plateforme cessait provisoirement ses activités, comprenez-vous que cela suscite des interrogations ?
JZ : « On comprend très bien l’anxiété dans laquelle sont placés nos clients pour l’instant. Nous aussi, on est très loin d’être confortables avec ça. Notre premier objectif, c’est que nos clients retrouvent leurs avoirs. En mars, nous étions encore loin de la situation du 26 avril, puisque la société allait plutôt bien, on avait fait 1,8 milliard de chiffres d’affaires en 2021, on avait de plus en plus de personnel et on a jugé qu’il était temps de passer à une gouvernance plus professionnelle. Vous savez, dans les startups, le fondateur est souvent l’actionnaire qui est en même temps le CEO, qui est en même temps l’administrateur, etc. Dans toutes les entreprises plus matures, ces rôles sont divisés. On a jugé que l’entreprise avait atteint cette maturité pour redistribuer ces rôles et donner le relai à une nouvelle direction. Mais après tous les accidents de parcours qu’on vient de vivre, on est toujours là, et on est toujours en train d’essayer de trouver une solution pour nos clients. »
Justement, quelles solutions ?
JZ : « Marc et moi, nous sommes nuit et jour au téléphone, avec des investisseurs et d’autres parties un petit peu partout en Europe, pour essayer de relancer la plateforme, en reconstituant le portefeuille des clients d’une manière ou d’une autre. Ce qu’on cherche à faire maintenant, c’est de trouver une plateforme européenne qui aurait une licence sous l’égide de laquelle on pourrait relancer les opérations. On a des discussions avec un certain nombre d’investisseurs belges. On a aussi des discussions avec d’autres plateformes en Europe, avec des partenaires potentiels aux Pays-Bas, au Luxembourg, en Suisse, en France, au Danemark, en Suède et avec un certain nombre d’acteurs américains. Tout ça est en cours, mais rien n’est acté tant qu’on n’a pas signé. »
Le 25 avril 2023, la veille de l’annonce de bit4you de cesser ses activités, la nouvelle direction démissionne comme un seul homme, en chargeant ses prédécesseurs, c’est-à-dire vous. Êtes-vous en conflit avec eux ?
JZ : « Alors non, on n’est pas en conflit avec le conseil d’administration. En fait, on comprend bien, au moment de la cessation des activités, que les administrateurs aient décidé de quitter l’entreprise et dire ‘écoutez, vous êtes les fondateurs, c’est un peu votre responsabilité’. Après cela, nous avons tiré les conclusions très rapidement et fait appel à des administrateurs indépendants, nommés par le président du tribunal de commerce. Je n’ai vu aucun de nos successeurs déposer une quelconque action contre l’ancienne direction. Il y a eu beaucoup d’informations dans les médias qui suggéraient que les fondateurs se retranchaient derrière une position pas très courageuse. Ce n’est pas vrai. Nous devions d’abord clarifier les différentes actions que nous devions entreprendre, les entreprendre, et puis seulement les communiquer. Ce que nous faisons.«
CoinLoan, en Estonie, où repose un peu moins de la moitié des avoirs de vos clients, est dans une procédure de faillite. Avez-vous des informations, là-bas, pour rassurer vos clients, ici ?
JZ : « On a mandaté un cabinet d’avocats en Estonie il y a déjà longtemps pour suivre nos activités. Il s’agit probablement du meilleur cabinet d’avocats estonien qui suit l’affaire pour nous. On les a régulièrement en communication et pour le moment rien ne transparait. On n’a pas de nouvelles de leur part nous disant que tout est perdu et on n’a pas de nouvelles nous disant que tout va bien. »
Certains avocats vous accusent d’avoir trompé vos clients, en ne montrant pas assez clairement que leurs avoirs résidaient sur CoinLoan…
MT : « Si vous connaissez la crypto, quand il y a un échange, une plateforme travaille avec d’autres plateformes. On a toujours travaillé avec d’autres plateformes et on a toujours dit, sur les réseaux sociaux, dans nos conditions générales, que l’on traite avec des plateformes tierces. Nous n’avons pas d’autres plateformes avec qui échanger en Belgique. On en aurait eu une autre, on aurait échangé avec elle.«
De là à dépendre d’une seule plateforme pour la moitié des actifs en jeu ?
MT : « L’Estonie est quand même un pays de l’Union européenne. Ils sont exactement soumis aux mêmes directives que la Belgique. Ils ont un régulateur, exactement comme la Belgique. La différence, c’est que c’est un régulateur qui a traité des centaines de dossiers. Donc, il est bien au fait des activités dans la crypto. Donc, quand on travaille avec une entreprise qui est régulée en Europe, on doit faire confiance au régulateur, sinon ça commence à poser un problème. Nous sommes l’un des 250.000 clients de CoinLoan. Nous avons fait notre travail en estimant qu’il s’agissait d’un partenaire sérieux.
Quelles sont les prochaines échéances ?
- Le tribunal en Estonie doit statuer pour le mois de juin sur la situation de CoinLoan.
- En Belgique, deux administrateurs indépendants ont été nommés : l’avocat Nicholas Ouchinky et le réviseur d’entreprise Dirk Smets. Ils doivent rendre un rapport au tribunal pour le mois de mai.
- 3 options sont sur la table :
- La cession des activités à une autre entité.
- Le transfert des activités dans un autre État.
- La cessation pure et simple des activités de bit4you.
- Les fondateurs se disent pleinement coopératifs et constructifs, ayant eux-mêmes des avoirs bloqués.
- L’année 2022 a été une année terrible pour la crypto. Bit4you en a souffert, les transactions tombant de 1,79 milliard en 2021 à 300 millions d’euros en 2022. Mais la plateforme était parvenue à gagner 33% de clients en plus dans le même laps de temps.