Les États-Unis subtilisent à la France la construction du premier des 6 réacteurs nucléaires polonais : comment en aurait-il pu être autrement ?

La Pologne a pour projet d’installer 6 réacteurs nucléaires sur son sol d’ici 2050. Le premier d’entre eux devra être opérationnel d’ici 2033, selon les plans. Il sera construit par les Américains.

Pourquoi est-ce important ?

La Pologne dépend à 70% du charbon dans son bouquet énergétique. Pour se passer d'une partie de ce charbon, mais aussi du gaz et du pétrole russe, le gouvernement a annoncé un grand plan pour installer 6 réacteurs nucléaires. La Pologne est l'un des rares pays d'Europe centrale à ne pas avoir de secteur de l'énergie nucléaire. Sa volonté de construire une centrale dans les années 80 a été enterrée suite à la catastrophe de Tchernobyl en 1986.

Dans l’actu : le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a présenté mercredi la première phase du plan nucléaire de son pays.

  • La construction du premier réacteur a été attribuée à l’Américain Westinghouse, au nez et à la barbe d’EDF. Trois autres réacteurs devraient suivre sur ce site.
  • « Nous estimons le coût global à environ 20 milliards de dollars », a déclaré Morawiecki aux journalistes, ajoutant : « L’investissement initial en capital est important, mais une fois qu’une centrale nucléaire est opérationnelle, le coût de production de l’électricité est relativement faible », rapporte Politico.
  • L’objectif est d’entamer la construction du réacteur en 2026 pour une mise en service en 2033. La centrale se situera à Choczewo, sur la côte polonaise de la mer Baltique, à approximativement 80 kilomètres au nord-ouest de Gdańsk.

L’essentiel : vers un mix énergétique complètement différent.

  • Avec ses 6 réacteurs, la Pologne espère porter le nucléaire à hauteur de 30% de son mix énergétique.
  • Le tout sera complété en partie par de l’énergie renouvelable, à savoir un champ d’éolienne de grande ampleur dans la mer Baltique, de l’énergie éolienne terrestre, du solaire et de la biomasse. L’objectif est de réduire la part du charbon de 11 à 28%.

Le contexte : EDF est perdant sur toute la ligne. La Pologne n’a que faire de la souveraineté européenne.

  • L’étude d’un autre projet d’une centrale dans le centre du pays a été confiée à la société coréenne KHNP. Il ne sera sans doute question d’aucune collaboration intra-européenne.
  • Le vœu d’Emmanuel Macron d’établir une « autonomie stratégique européenne » est jeté aux orties. Difficile d’en être autrement, tant, on le sait, le lien qui lie la Pologne aux États-Unis est fort, notamment en matière de sécurité.
  • Et puis, il ne faudrait pas oublier le contexte sulfureux des relations entre la Pologne et l’UE avant le conflit en Ukraine. La Pologne, comme la Hongrie, a été épinglée pour son respect, peu rigoureux, de l’État de droit et des droits de l’homme.
  • Ensuite, il y a également la responsabilité française : le point culminant de cette relation houleuse a sans doute été la sortie d’Emmanuel Macron, dans un entretien au Parisien, à l’encontre du Premier ministre polonais, qu’il a qualifié « d’antisémite d’extrême droite, qui interdit les LGBT », après l’avoir déjà accusé de « s’immiscer dans la campagne politique française » (les législatives, ndlr.). C’était en avril dernier. Bonjour l’ambiance.
  • Ce dernier reprochait au président français ses entretiens avec le président russe : « Monsieur le président Macron, combien de fois avez-vous négocié avec Poutine, qu’avez-vous obtenu ? On ne débat pas, on ne négocie pas avec les criminels, les criminels doivent être combattus. »
  • Et d’ajouter : « Personne n’a négocié avec Hitler. Est-ce que vous négocieriez avec Hitler, avec Staline, avec Pol Pot. »
  • Enfin, la réputation d’EDF en a pris un coup suite à ses déboires concernant les projets avec les EPR de Flamanville en France, Taishan en Chine et Olkiluoto en Finlande. EDF est d’ailleurs endettée à hauteur de 60 milliards d’euros.

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