Le PDG du groupe français Dassault Aviation a exprimé ses doutes sur ce projet, toujours en discussion. Pour lui, soit l’Europe attribue le cahier des charges aux plus compétents, et envisage un nouveau chasseur de fabrication française, soit elle tergiverse sur sa volonté de défense, et l’Hexagone finira par se débrouiller tout seul.
L’Union européenne cherche à se tailler une place parmi les grands acteurs de la géopolitique mondiale, mais elle a encore du mal à s’en donner les moyens, en particulier sur le plan militaire. Alors que l’année 2022 marque la prise de présidence de l’UE par la France, un pays notoirement partisan d’un renforcement de l’autonomie militaire européenne, les grands chantiers allant en ce sens semblent fort peu avancés. C’est le cas par exemple du projet de drone militaire commun, le fameux Eurodrone, qui n’a toujours pas dépassé l’état de maquette grandeur nature.
New generation fighter pour l’Europe
Mais selon Eric Trappier, directeur général du constructeur français Dassault Aviation, ce n’est pas le seul chantier qui n’est toujours pas sur les rails ; sur BFM Business, il s’est exprimé de manière fort critique envers le SCAF, ou « système de combat aérien du futur ». Sous ce nom assez ambitieux se cache un projet international qui regroupe un ensemble de systèmes aériens interconnectés, afin de moderniser et de rendre compatibles les différents avions de chasse et drones utilisés par les armées européennes. En théorie, le SCAF devrait être conçu autour d’un tout nouvel avion de chasse, le NGF (new generation fighter), dont un démonstrateur est programmé pour 2027 et le premier modèle devrait être opérationnel pour 2040.
Mais cet investissement technologique qui doit anticiper les défis des futures batailles aériennes ne fait pas encore consensus chez les concepteurs censés collaborer dessus, en particulier l’allemand Airbus et le français Dassault. Ce dernier estime qu’il est le seul à même de construire ce nouvel avion, selon son PDG: « On est encore dans une phase amont. On défend les principes qui peuvent amener à faire un avion de combat de bon niveau. On est prêt à poursuivre, pourvu que ces principes soient respectés. Mais si on repart sur un codéveloppement où tout le monde fait tout, ça ne peut pas marcher. »
» Si on veut faire un avion européen, il faut faire mieux «
Il faut dire que l’entreprise de M. Trappier peut se targuer d’un beau succès commercial 100% tricolore : l’avion Rafale, gros succès à l’export sur le marché mondial de l’armement, et dont 80 appareils dernière génération viennent d’être commandés par les Émirats arabes unis, malgré la concurrence du réputé ultra-moderne F-35 américain.
Si le SCAF doit se concrétiser autour d’un nouvel avion, Dassault part donc avec un très bon CV pour rafler le marché: « Le Rafale est une illustration de la réussite française. Si on veut faire un avion européen, il faut faire mieux. On peut partager les coûts, mais il faut donner le travail à ceux qui savent faire », explique Eric Trappier. « Le risque est de faire de la duplication qui consiste à ne pas forcément mettre les meilleurs aux meilleurs endroits. Ce n’est pas comme ça qu’on fera un meilleur avion. »
L’Hexagone peut toujours voler en solo
Si cela n’est pas pris en compte, alors Eric Trappier exprime alors son scepticisme sur un projet européen ainsi ambitieux, et estime que la France peut bien mieux s’en sortir toute seule en rompant avec les partenaires envisagés, l’Allemagne et l’Espagne.
« On pourra avoir un avion de combat européen, ou un sous-marin européen, le jour où on partagera une vraie volonté d’avoir une Europe souveraine. La France est souveraine, elle a des armées et un modèle cohérent et elle a su faire la réussite du Rafale » concluait l’industriel. Mais celui-ci veut encore croire à la réussite d’un projet européen qui ne peut se réaliser que « si les règles édictées au départ sont suivies avec un vrai maître d’œuvre. » Autrement dit, son entreprise personnelle.