Le Royaume-Uni bloque une commande d’armes de 300 à 600 millions d’euros à la FN Herstal : une réaction furieuse après le refus d’Ecolo d’envoyer du matériel nucléaire

« Ce n’est pas viable », déclare une source gouvernementale haut placée au sein de la Vivaldi. Une commande de mitrailleuses d’une valeur de 300 à 600 millions d’euros passée à l’armurier wallon FN Herstal risque d’être abandonnée par les Britanniques. En effet, l’exportation d’une presse à haute pression, de la société spécialisée anversoise EPSI, suscite une tension particulière. L’armée britannique a besoin d’une telle presse isostatique pour maintenir son arsenal nucléaire. « Celles-ci sont uniques au monde », entend-on au sein de l’équipe fédérale. Mais Ecolo refuse d’approuver les exportations depuis des semaines, à la grande frustration des partenaires gouvernementaux et des Britanniques eux-mêmes. « Cela ne peut vraiment pas durer, nous ne voulons même pas approvisionner nos propres alliés au sein de l’OTAN ? ».

Dans l’actualité : Les Britanniques menacent d’annuler une commande massive.

Les détails : Le gouvernement wallon, avec le PS, le MR et Ecolo, possède 100% de la FN Herstal. Cela risque maintenant de coûter très cher.

  • « Des investissements de plus de 50 millions d’euros ont déjà été réalisés à Liège, à la FN Herstal, juste pour gagner ce contrat. Prendre le risque de tout perdre, à cause des principes absurdes des écologistes, ça devient complètement fou. » Dans les plus hautes sphères de la Vivaldi, les mots sont durs à l’égard de l’attitude du partenaire écologiste de la coalition.
  • Remontons brièvement dans le temps. Le 8 novembre dernier, le kern a décidé de permettre à la ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, de se rendre au Qatar pour envoyer un « signal » sur place. Une décision dure à avaler pour les écologistes, révélait Martin Buxant, sur LN24. Ecolo a donc décidé de mettre son véto sur une autre question discutée au même moment : l’envoi d’une presse isostatique au Royaume-Uni, pour la manipulation de matériel nucléaire.
  • « La première discussion n’avait rien à voir avec l’autre, mais Ecolo a lié ces deux questions ensemble, comme s’il fallait ‘compenser’ cette visite au Qatar. Qui a fait fuiter cette information classée secret défense ? La vérité, c’est qu’ils ont divulgué eux-mêmes cette information », selon une version des faits, entendue au sein du gouvernement.
  • La divulgation de ces informations a donné lieu à de grandes discussions au sein du kern, avec des doigts accusateurs pointés sur le vice-premier ministre du MR, David Clarinval. Le « qui fait quoi » continue. Et les frustrations s’accentuent, tout comme la querelle diplomatique qui menace notre pays.
  • Car les Britanniques sont particulièrement choqués par la tournure des événements. Tout tourne autour de la société anversoise et américaine EPSI, spécialisée dans un certain type de presses, y compris pour le nucléaire. Cela implique ce que l’on appelle le « double usage », à la fois civil et militaire. Et l’armée britannique veut absolument une telle presse pour maintenir son arsenal nucléaire militaire.

La vue d’ensemble : les rôles communautaires historiques s’inversent, sur les fournitures d’armes.

  • En raison du Brexit, les exportations vers le Royaume-Uni doivent désormais fonctionner avec des licences d’exportation. Pendant des années, les licences d’exportation militaire ont été une affaire régionale, précisément parce qu’à l’époque, l’industrie de l’armement wallonne ne voulait plus rencontrer de problèmes de conscience flamande au niveau fédéral. Cette communautarisation des licences d’exportation est apparue après la chute du gouvernement Martens VIII, en 1991, à propos de l’exportation d’armes de FN Herstal vers l’Arabie Saoudite. Tant la Volksunie que le SP (aujourd’hui Vooruit) ont refusé de signer.
  • Aujourd’hui, les rôles historiques s’inversent. Car c’est la Flandre qui a donné une licence d’exportation à EPSI sans aucun problème, mais au niveau fédéral, cela bloque, en raison de problèmes de conscience francophones.
  • Comme il s’agit de matériel nucléaire, une commission fédérale, la CANPAN, est également compétente. Il s’agit du Comité consultatif sur la non-prolifération des armes nucléaires. Il comprend toute une série de ministres, aussi bien de l’Économie que de la Défense, de la Santé publique ou des Affaires étrangères. Et l’Énergie, avec la ministre verte Tinne Van der Straeten (Groen).
  • « Les Verts ont mis un frein, car il y a une loi de 1981 qui dit que nous ne pouvons pas vendre de matériel nucléaire à des pays qui ont des armes nucléaires. En 2010, Paul Magnette (PS) a fait réviser cette loi, mais les Verts bloquent, sur la base de ces textes », indique une source diplomatique.
  • « Mais c’est hallucinant. Nous avons donc des alliés au sein de l’OTAN et un énorme conflit aux frontières de l’Europe. Et maintenant, Ecolo explique que nous ne pouvons pas fournir d’armes, à un de nos partenaires de l’OTAN ? », entend-on à l’intérieur de la Vivaldi.
  • La pression est donc de plus en plus forte sur Ecolo. Parce qu’ils sont aussi au gouvernement wallon, qui joue un rôle non négligeable dans l’affaire : la Région wallonne est la seule actionnaire de la FN Herstal. Ecolo porte donc deux casquettes dans ce dossier, et il est plus difficile d’expliquer qu’un conflit avec le Royaume-Uni pourrait coûter des emplois à Liège, plutôt que de nuire à une entreprise flamande.
  • Même dans les milieux diplomatiques, la position des Verts est vivement critiquée. « C’est un comportement naïf au plus haut point. Cela rappelle les Canadiens contre la Belgique (Traité CETA, ndlr.) : vous pouvez avoir de bonnes intentions, mais vous ne gagnerez pas de cette manière », affirme un diplomate de haut rang.
  • Chez Ecolo, qui était assis à la table de la CANPAN avec le vice-premier ministre Georges Gilkinet, on refuse toute explication supplémentaire : « Le ministre s’est montré très indigné, car il s’agissait d’un secret militaire. Il a estimé qu’il était scandaleux, et qu’il s’agissait d’une grave erreur, que cette fuite ait eu lieu », a déclaré son porte-parole. L’EPSI n’a pas non plus souhaité commenter davantage la situation.

Les réactions : une pluie d’indignations parmi l’opposition.

  • Du côté des Engagés, le président Maxime Prévot pointe du doigt « le dogmatisme d’Ecolo, qui va une nouvelle fois coûter cher à l’économie wallonne… Est-on à ce point en forme économique pour se tirer de telles balles dans le pied ? »
  • Le député du même parti spécialisé en matière de défense, Georges Dallemagne, estime que « l’économie wallonne paye cher les délires d’Ecolo. 500 millions d’euros !! » Et d’ajouter : « Des centaines d’emplois perdus pour une stupide vengeance. Sans compter qu’on affaiblit la dissuasion nucléaire d’un pays allié au moment où la Russie agite la menace nucléaire. »
  • Ce dernier a demandé au Premier ministre Alexander De Croo de venir répondre de ce dossier devant le Parlement, ce jeudi. Impossible toutefois, car toute l’affaire est classée secret-défense.
  • Theo Francken, le désormais monsieur défense de la NV-A, pointe lui aussi le « dogmatisme des Verts qui va coûter des centaines d’emplois wallons… arrêtez ce gouvernement s’il vous plait ».
  • Le ministre wallon de l’Économie, Willy Borsus (MR), dans une réaction, a tenu à préciser que « les négociations étaient toujours en cours », et que les montants sont « très significativement inférieurs » à ceux évoqués par nos sources. Le dossier est toutefois pris au sérieux au gouvernement wallon.

Budget : le CD&V ne suit pas du tout De Croo sur le budget et la réduction de la TVA.

  • Le chef de groupe du cd&v, Servais Verherstraten, en a assez du théâtre autour du budget. Devant la Commission des finances du Parlement, le spécialiste du budget a quelque peu dépouillé l’empereur de ses habits : « La réduction de la TVA sur l’énergie ne sera pas budgétairement neutre l’année prochaine », a-t-il déclaré sans ambages. Et plus encore : cet exercice ne sera pas non plus nécessairement « neutre sur le plan budgétaire » à l’avenir, il s’agira plutôt d’une réduction d’impôts.
  • Les socialistes et les Verts l’ont déjà clairement fait savoir dans les couloirs, mais Verherstraeten est le premier acteur majeur de la majorité à crever ouvertement l’abcès.
  • Il y a une semaine, dans l’hémicycle, le Premier ministre De Croo n’a pas hésité à marteler à plusieurs reprises la « neutralité budgétaire » de la réduction de la TVA. Quod non, donc, selon la quasi-totalité de ses partenaires de coalition. Cette situation est embarrassante pour l’Open Vld, car c’est précisément à cause de cette discussion que leur secrétaire d’État, Eva De Bleeker (Open Vld), a dû démissionner.
  • Au sein du parti libéral, cette démission a encore des répercussions : certainement parce qu’elle était considérée comme une fidèle absolue de Lachaert, qui l’appelait « son amie ».
  • Sur le fond, les libéraux trouveront toutefois un allié en la personne du cd&v : ce dernier souhaite en effet commencer à augmenter progressivement les droits d’accises dès 2023, afin d’exploiter une autre source de revenus, en remplacement de la TVA réduite.

Nucléaire : Les négociations avec Engie continuent de s’engluer. Le MR feint de proposer une majorité alternative.

  • « C’est juste dans l’impasse, et apparemment personne ne semble s’en soucier. Mais nous entrons dans le temps additionnel », déplore un vice-premier ministre sur les négociations entourant la prolongation de la durée de vie de Doel 4 et Tihange 3. Il y a donc de vives inquiétudes à ce sujet, car les choses n’avancent pas.
  • Les discussions sont menées par le duo formé par le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) et la ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten (Groen). Mais cela ne donne pas vraiment lieu à des progrès, malgré une équipe de spécialistes et conseillers impressionnante et vraisemblablement très coûteuse pour assister la Vivaldi : des conseillers et des avocats d’affaires d’Eubelius, Clifford Chance et Lazard. Selon plusieurs sources, Engie la joue « à fond », avec de nouvelles revendications, qui visent surtout à se déresponsabiliser des coûts potentiels supplémentaires.
  • Au cabinet de Van der Straeten, on a perdu un pion essentiel, selon La Libre : le chef de cabinet adjoint et homme du dossier nucléaire Carl Malbrain a pris sa retraite fin octobre.
  • Au MR, qui milite sans relâche pour le maintien en activité de 5 réacteurs nucléaires, le sommet perd toute patience. Marie-Christine Marghem (MR), qui se comporte plus comme un membre de l’opposition que comme quelqu’un de la majorité, a imaginé un nouveau coup : elle a préparé une proposition de loi pour empêcher la sortie du nucléaire à la Chambre. Et elle l’a fait signer par la N-VA, avec les députés Theo Francken et Bert Wollants, mais aussi DéFI.
  • Très inhabituel, mais aussi peu important pour l’instant : le texte ne sera finalement pas vraiment déposé. C’est un bâton qui est prêt, et sans doute une nouvelle preuve de déloyauté. À la N-VA, on se frotte les mains : pour la énième fois, le MR leur offre une tribune sur un plateau pour marquer des points dans « leur » dossier ; l’inversion de la sortie du nucléaire.
  • Georges-Louis Bouchez dément, dans Le Soir, de mettre en place une majorité alternative dans le dossier nucléaire : « Nous en avons parlé avec Marie-Christine Marghem, ce texte ne sera pas “agendé” aux travaux de la Chambre. A fortiori, il ne sera pas soumis au vote. Je l’ai dit déjà, je le répète : pour moi, il ne peut être question de dégager une majorité alternative. Ce serait la chienlit. Ce n’est pas ma façon de travailler. »
  • Attitude déloyale ? « Non. Cela montre notre détermination à avancer. Avec la Vivaldi. Nous sommes un partenaire loyal. »
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