Le président tunisien : “La religion, le Coran et ses versets ne nous concernent pas”

“La religion, le Coran et ses versets ne nous concernent pas. Nous n’agirons que dans le cadre de la Constitution, en dehors du Coran. Dire, dans ce contexte, que la Tunisie possède une référence religieuse est une grave erreur”.

Cette déclaration est extraite de l’allocution donnée par le président de la République tunisienne, Béji Caïd Essebsi, le 13 août dernier à Carthage, à l’occasion de la fête de la femme et de la famille.

Elle est d’autant plus remarquable que la Constitution tunisienne déclare que l’islam est la religion officielle de l’État et dispose que le président doit être musulman (articles 38 et 40).

La Colibe

Au cours de cette allocution, le président tunisien a promis de de proposer très prochainement un projet de loi visant à donner aux hommes et aux femmes des droits égaux en matière d’héritage.

Avec cette loi, les citoyens tunisiens propriétaires d’un patrimoine auront le choix en matière successorale : ils pourront respecter la procédure prévue par le droit islamique, qui prévoit que les femmes ne peuvent hériter que la moitié de la part des hommes, ou adopter l’égalité de traitement entre hommes et femmes.

Cette disposition était l’une des demandes les plus pressantes du rapport de la Commission pour les libertés et l’égalité (Colibe), qui proposait aussi de supprimer le statut du chef de famille, d’instituer la liberté de culte, l’abolition de la peine de mort, la décriminalisation de l’homosexualité, et d’autres droits pour mettre fin aux dispositions du droit tunisien portant atteinte aux principes de liberté et d’égalité des citoyens. “Nous donnons de l’espoir à toutes les femmes dans le monde arabe”, s’est félicitée Bochra Belhaj Hmida, la présidente de la Colibe.

En Tunisie, les règles de succession obéissent à la charia

Samedi, 5000 personnes, dont certaines brandissaient des corans, avaient manifesté dans les rues de la capitale Tunis contre les propositions de ce rapport. “Le Coran prime sur tout autre texte” ; “Le peuple est musulman et ne lâchera pas”, pouvait-on lire sur leurs pancartes, entre autres. Des campagnes de désinformation, relayées par des imams, ont laissé entendre que le rapport avait pour but de “sortir la Tunisie de l’islam”.

En Tunisie, la question de l’héritage est centrale. “En réalité, les prescriptions connaissent des variantes et des accommodements, mais c’est devenu un marqueur identitaire”, explique Salaheddine Jourchi, un journaliste politique qui représentait la mouvance de l’islamisme progressiste au sein de la Colibe, au site La Croix.

La Tunisie a toujours été une pionnière en matière de droits des femmes dans le monde arabe

Au sein du monde arabe, la Tunisie a toujours été un pays pionnier en matière de droits des femmes. Déjà en 2014, le Parlement avait approuvé une loi qui stipulait que “citoyens et citoyennes sont égaux en droits et devoirs”.

Essebsi, âgé de 91 ans, tente d’opérer une révolution juridique et sociétale dans son pays, à l’instar de l’ancien président Habib Bourguiba. Ce dernier avait promulgué le code du statut personnel le 13 août 1956, une réforme fondatrice qui a largement participé à l’émancipation des des femmes tunisiennes en leur octroyant le droit à la contraception, au divorce et à l’avortement, tout en interdisant la polygamie et les mariages d’enfants.

Essebsi avait déjà fait passer une réforme l’année dernière contre les violences faites aux femmes. Elle mettait notamment fin à la possibilité, pour les auteurs d’actes sexuels avec des mineurs de moins de 15 ans, d’échapper aux poursuites juridiques s’il se marie avec sa victime.

Plus de 99 % de la population tunisienne est enregistrée comme musulmane.

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