Le pétrole ne suffit plus à financer les projets pharaoniques des Saoudiens

Le pétrole ne suffit plus à financer les projets pharaoniques des Saoudiens
Le projet New Murabba de l’Arabie Saoudite.

Riyad va encore diminuer sa production de pétrole pour, encore, augmenter les prix. Mais c’est plus un signe de fragilité économique – toute relative, certes – que de vénalité. Le royaume a de grands projets, mais n’est pas sûr de pouvoir les payer.

Pourquoi est-ce important ?

Le week-end dernier, l'OPEP+ réunie à Vienne a décidé d'une nouvelle baisse de la production pétrolière, la seconde cette année, d'un million de barils par jour. Une baisse de production qui vise à maintenir le prix du brut, jusqu'ici plutôt à la baisse, et que sera assurée largement par les vannes de l'Arabie saoudite.

Un pétrole qui ne paie plus les briques

Les conséquences : Sur les marchés, le pétrole Brent et WTI ont augmenté chacun de 2,4 %, pour atteindre respectivement 77,95 et 73,51 dollars le baril ce lundi. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que l’Arabie saoudite manque d’argent et joue avec les vannes pour se renflouer.

  • Sur un an, le prix du pétrole a diminué de 9%, ce qui n’est pas de bon augure pour les coffres de Riyad. Pour le royaume, le prix idéal tournerait plutôt autour des 81 dollars le baril, estime le Fonds monétaire international.
  • Le royaume est retombé dans un déficit budgétaire cette année, après avoir enregistré un excédent en 2022 pour la première fois depuis près de dix ans. Or le gouvernement a augmenté ses dépenses de 29%, creusant ainsi un déficit de 770 millions de dollars.

Une mauvaise santé économique qui tombe mal : le royaume saoudien sait bien que la fin de l’ère pétrolière approche et qu’il lui faut au plus vite diversifier ses sources de revenus. Il a d’ailleurs entamé plusieurs grands chantiers en ce sens, réunis en un immense programme nommé Vision 2030. Mais pour les mener à bien, il a besoin de cette manne pétrolière, et donc de taux élevés pour ses barils.

  • On peut citer le projet « The Line« , une ville nouvelle toute en longueur qui s’étendra sur 168 km, avec une apparence de titanesque mur brillant qui a été présentée en 2021. Les travaux ont bel et bien commencé, du moins le creusement des fondations.
  • « The Line » n’est d’ailleurs qu’un élément de la future mégapole Neom, une nouvelle ville le long de la côte de la mer Rouge qui défiera tout sens de la mesure, et dont le coût estimé à 500 milliards de dollars.
  • Le royaume investit aussi largement dans l’industrie des voitures électriques, mais aussi dans le domaine spatial et les nouvelles sources d’énergie, et il envisage aussi de devenir une grande place financière mondiale, y compris dans le domaine des cryptomonnaies.

Des investisseurs étrangers frileux

Mais tout ceci a un prix certain et, paradoxalement, sans pétrole cher, difficile de bâtir la Riyad d’un monde futur moins dépendant du pétrole. D’autant que les investissements étrangers ne suivent pas, remarque CNN : l’Arabie saoudite espérait 100 milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE) par an d’ici à 2030. L’année dernière ils n’atteignaient que 7,9 milliards de dollars selon des données de la banque centrale saoudienne consultées par Forbes. Et c’est là une baisse de 60% par rapport à l’année précédente.

« Contrairement à de nombreux pays en développement, le royaume a été, et dans une large mesure continue d’être aujourd’hui, riche en capitaux. Nous ne voulons pas mesurer l’IDE nécessairement en fonction du pourcentage de contribution qu’il apportera en termes de flux de capitaux, mais plutôt en fonction de la qualité de l’IDE et de ce qu’il fera. Je suis favorable à l’élargissement, à l’approfondissement et à la diversification du marché des capitaux saoudien, et il y aura davantage de cotations d’entreprises importantes sur le marché boursier. »

Khalid Al-Falih, ministre saoudien de l’Investissement, auprès de CNN

La carotte, le bâton, et plus de pétrole

  • Le ministre a présenté d’ailleurs la stratégie de son pays pour dynamiser cet apport de fonds étrangers : des zones spéciales d’investissement, avec des taux d’imposition faibles, une exonération de certains droits de douane et des pratiques d’embauche flexibles.
  • Le pays se rapproche aussi sur la scène internationale de certaines nations avec lesquelles il était plus ou moins fâché, comme la Turquie et le Qatar, tout en maintenant des relations – certes parfois compliquées – avec les USA, officiellement les grands alliés.
  • Mais l’État du Golfe a aussi déclaré qu’il exclurait les entreprises internationales de l’accès aux marchés publics, à moins qu’elles ne déplacent leur siège régional dans le royaume d’ici à 2024. Et non pas, à tout hasard, chez les rivaux de Dubaï tout proches. La carotte et le bâton pour rester incontournables dans un monde qui tournera de moins en moins autour du pétrole.
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