On savait que Chypre était devenue une destination de choix pour les capitaux des Russes fortunés, mais ce que l’on sait moins, c’est que l’île méditerranéenne séduit aussi les riches Chinois. Pour eux, Chypre est devenue la voie d’accès royale à l’Union européenne. Mais elle les séduit aussi avec ses autres avantages.
«Alors que le président américain Donald Trump construit des barrières contre le commerce chinois, Chypre ouvre ses portes», écrit Bloomberg, ajoutant que l’attitude de Chypre contraste avec la politique de certaines des grandes économies européennes, qui se montrent moins accommodantes à l’égard de la Chine.
Malgré cela, la Chine s’est déjà fermement implantée en Europe. Elle a investi dans des ports espagnols, grecs et belges et a pris des participations dans un aéroport allemand, des plateformes de forage pétrolier en mer du Nord, et même des clubs de football en Angleterre et en Italie.
En pratique, peu de pays peuvent se permettre de bouder les capitaux chinois, et certainement pas Chypre, dont le PIB par tête, qui s’élève à 22 500 euros, ne représente qu’un peu plus de la moitié du PIB par tête allemand, et qui n’a toujours pas rattrapé son niveau d’avant crise.
Le passeport chypriote
Une disposition de la législation fiscale permet aux citoyens chinois fortunés charmés par les douceurs du climat et du régime fiscal chypriotes, d’acquérir un passeport contre un investissement de 2 millions d’euros dans une entreprise ou un bien immobilier du pays. Le passeport chypriote leur ouvre droit à la libre circulation au sein de l’Union Européenne.
Plusieurs centaines de Chinois se sont donc établis sur l’île. La plupart résident dans des villas somptueuses sur la côte de Paphos.
Les capitaux Chinois sont maintenant omniprésents à Chypre. On les retrouve dans le secteur immobilier, le transport maritime, les services financiers, le tourisme et les énergies renouvelables. Huang Xingyuan, l’ambassadeur de Chine à Chypre, prévoit même que le commerce bilatéral entre les deux pays pourrait doubler et dépasser le milliard de dollars, dans le contexte de développement de la “Belt and Road initiative”. Cela représente environ 5% du PIB annuel de Chypre.
Une tentative pour semer la discorde en Europe ?
Pour la Chine, Chypre est stratégiquement située au carrefour de l’Europe, de l’Afrique et du Moyen-Orient, ce qui en fait une porte d’entrée idéale vers l’Union européenne.
Ailleurs en Europe, on se montre plus circonspect. Certains y voient un cheval de Troie pour semer la discorde au sein du Vieux continent, une stratégie qui arrangerait la Chine. C’est la thèse d’un rapport publié par le Conseil européen des relations étrangères (ECFR), « China at the Gates ». il affirme que l’Empire du Milieu aurait exploité la crise de l’euro pour opérer des acquisitions massives dans les pays du Sud de l’Europe, qui ont été les plus affectés par la crise.
C’est aussi ce qu’on a observé en Grèce. Durant la crise financière, Pékin a acheté des obligations grecques, tandis que des investisseurs chinois ont pris le contrôle du port du Pirée, et ont investi dans le réseau électrique grec. Et l’année dernière, la Grèce lui a rendu la politesse, en mettant son veto lorsque l’Union européenne a voulu critiquer la situation des droits de l’homme en Chine aux Nations Unis.